La légende du Roi Marc'h, par Juliette Norel

Cela faisait maintenant plusieurs jours qu'elle parcourait la Bretagne sur les traces des créatures légendaires qui peuplaient le séculaire ouvrage, devenu son livre de chevet.

Elle avait besoin de se raccrocher à un but, pour ne plus penser à tout ce qui dérivait dans sa vie.

Pour elle, rien n’arrivait jamais par hasard ; tout avait toujours un sens, même s’il semblait bien caché, même si l’on croyait aux coïncidences et qu’on doutait de l’existence des fées. 

Elle était déterminée à découvrir les secrets enfouis de ces légendes qui la captivaient tant. Ses pas la menaient de villages en forêts, de landes en falaises, toujours guidée par les récits mystérieux qu’elle dévorait chaque nuit avant de s’endormir, jusqu’à connaître par cœur chaque page du manuscrit désenseveli de son tombeau de pierres couvertes de suie. 

Au fil de ses pérégrinations, lors d'une conférence à Rennes, un vieil homme intriguant attira son attention. Il portait un long manteau en laine usé par le temps et un chapeau mou en feutre qui lui donnait un air mystérieux. Ses yeux, d'un bleu perçant, semblaient avoir traversé les âges et conservaient la sagesse des anciens. Lors d'une pause, il s'approcha d'elle, se présentant comme Armel, un conteur de légendes bretonnes. 

« Vous semblez intéressée par nos vieilles histoires » dit-il d'une voix rauque, mais chaleureuse.

Intriguée, elle acquiesça, et Armel l'invita à s'asseoir près de lui. Ils trouvèrent un coin tranquille à la terrasse chauffée d’un café à l'atmosphère feutrée, et il commença à raconter l'une des légendes les plus anciennes et mystérieuses de Bretagne. 

« Connaissez-vous l'histoire du roi Marc'H ? » demanda-t-il en plongeant son regard dans celui de la jeune femme. Elle secoua la tête, avide d'en apprendre plus par ce professeur providentiel. Armel sourit, alluma une petite pipe en bois et prit une profonde inspiration avant de continuer. 

« Marc'H était un roi d'une beauté et d'une noblesse incomparables, mais il fut victime d'un sort jeté par Dahut, la princesse ensorceleuse de la cité d'Ys. Dahut, dans un accès de malice ou peut-être par vengeance, transforma Marc'H en un être mi-homme, mi-cheval. La légende dit que ses oreilles et sa crinière étaient celles d'un cheval, un rappel cruel de son fardeau. » 

Armel marqua une pause, tirant une nouvelle bouffée de sa pipe. La fumée bleutée s'éleva lentement, ajoutant une touche de mystère à l'histoire. « Les villageois évitaient Marc'H, craignant le malheur que cette malédiction pouvait leur apporter. Désespéré, le roi chercha de l'aide partout, allant même jusqu'à consulter l'enchanteur Merlin en Angleterre. Mais à chaque retour en Bretagne, le sortilège réapparaissait, et Marc'H dut cacher sa difformité sous un casque d'or. » 

« Vous avez mentionné le Menez-Hom, » continua-t-il en baissant la voix, comme pour confier un secret.

« On dit que la sépulture de Marc'H se cache là-bas, sous un amoncellement de pierres connu sous le nom d'ar bern mein. Ceux qui osent s'aventurer sur cette colline la nuit racontent entendre le galop furieux de Marc'H, cherchant toujours une délivrance qu'il ne trouve jamais. » 

Elle écoutait, captivée, chaque mot résonnant comme la clé d'un mystère ancien. Le vieil homme termina son récit en fixant la jeune femme d'un regard intense.

« Si vous cherchez des réponses, peut-être devriez-vous suivre les traces de Marc'H jusqu'au Menez-Hom. Mais souvenez-vous, certaines légendes doivent rester intactes, préservées dans le mystère. » 

Aimantée par le récit d'Armel, elle décida de partir pour Ploumanac'h, un petit village réputé pour être le berceau de cette mystérieuse histoire. Sur place, elle se plongea dans les archives locales et tomba sur une vieille carte mentionnant l’emplacement de la tombe présumée du roi Marc'H sur le Menez-Hom. Armée de cette découverte et de sa curiosité, elle se lança dans une expédition solitaire vers cette colline, gardant ses intentions secrètes. 

Après une longue marche à travers les landes et les forêts, elle arriva au sommet du Menez-Hom. Là, elle trouva "ar bern mein", l’amoncellement de pierres décrit par Armel et, avec précaution, commença à déplacer lentement la roche. Après un temps infini, elle sentit le contact lisse d’une surface plane. Harponnée par le sentiment de toucher au but, elle déterra un coffre de bronze, qu’elle parvint à ouvrir et exhuma un casque d’or encore étincelant, dans lequel étaient tressés du crin et des ossements humains mêlés à ceux d'un équidé. Son cœur battait la chamade alors qu'elle réalisait l'ampleur de sa découverte. Pourtant, plutôt que de partager cette trouvaille avec le monde universitaire, elle décida de la draper du sceau du secret et de laisser ces reliques reposer en paix sur leur terre de naissance. Délicatement, elle remit chaque pierre à sa place, scellant ainsi le mystère pour les générations futures. 

En descendant du Menez-Hom, elle ressentit une profonde sérénité. Elle comprenait que certaines légendes devaient rester intactes, préservées de la cupidité humaine dans le respect de leurs origines. Elle savait désormais que le mythe du roi Marc'H continuerait à vivre dans les cœurs des Bretons, non pas par des preuves tangibles, mais par les récits chuchotés de génération en génération. 

La légende du Roi Marc'h, par Jean-Christophe Mojard

Le Roi aux Oreilles de Cheval

Sous la couronne d’or du Roi de Cornouaille,
Il était un secret connu seul d’un barbier ;
Le rompre valait mort bien plus que représailles :
Le Roi Marc’h possédait des oreilles d’équidés !

Le besoin d’alléger ce fardeau incongru
Le conduit au ruisseau, où le ciel et la terre
Seraient les confidents à ce risque encouru,
Sans pouvoir rapporter au peuple ce mystère.

Cependant, un roseau sur les mots a poussé
Jusqu’à se voir grandir droit, à s’en démarquer,
Et un barde en passant en a taillé sa flûte.

L’instrument de malheur à ses notes mêla
Le secret du barbier quant aux oreilles du roi.
Ainsi, plus que de taire, mieux vaut qu’on en discute.

Notes

L'illustration est un prompt IA Seelab, puis le résultat est retravaillé avec Affinity.