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Chapitre 3

Chapitre 3

Veröffentlicht am 8, Juni, 2022 Aktualisiert am 24, Juni, 2022 Kultur
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Chapitre 3

Chapitre 3

Timéo

Les larmes sur les joues de mon frère ont séché durant le trajet en voiture. Il n’est pas encore très enthousiaste à l’idée de retourner en classe, mais j’ai l’impression que la perspective de montrer son sac rouge décoré d’étoiles à sa maîtresse le réjouit. Dans cette école, il n’y a que deux classes : une pour les maternelles et une pour les six années primaires. Mes amis, Titouan et Tifanie sont un peu perdus avec les habitudes belges puisque leurs familles vivent en France. Je leur explique :

  • Vous voyez : ici, en Belgique, les tout-petits rentrent à l’école le jour de leurs deux ans et demi. Certains arrivent donc en septembre, d’autres en décembre ou même encore en mai ou juin, en fonction de leur date de naissance. Il n’y a pas d’obligation à ce qu’ils soient propres.
  • Ah oui ? c’est la maitresse qui change les couches ? m’interroge Tifanie en ouvrant grand les yeux.

 

Je la reprends gentiment.

 

  • Ici, déjà, on ne dit pas des « couches », mais des « langes ». Ensuite, non, ce n’est pas l’institutrice, mais une puéricultrice qui s’occupe des soins des enfants.

Nous nous introduisons dans l’école et collons aussitôt nos mains contre nos oreilles. Les cris et les pleurs baptisent cette nouvelle année scolaire, histoire de remettre la maîtresse et la puéricultrice dans le bain, dès leur arrivée, après deux mois de vacances au calme. Ils sont une dizaine d’enfants à être accueillis en maternelle dont la plupart ont bien du mal de lâcher leurs parents, apeurés par les cris et les sanglots des premiers arrivés. D’un commun accord et sans avoir besoin de nous parler, nous nous éclipsons. C’est bien trop bruyant ici.

La deuxième classe que compte cette école est composée d’élèves de six à douze ans. Limes a ce qu’on appelle une classe unique où se côtoient les six années de l’enseignement primaire : du CP à la sixième. Dans la cour de récréation, les enfants retrouvent leurs copains de l’année dernière. Une petite fille se tient à l’écart dans un coin. Elle vient d’emménager dans le village et elle ne connaît encore personne. En m’approchant, je remarque qu’elle a des lunettes avec des verres épais.

Un coup de sifflet vient de retentir. Tous les élèves se rangent deux par deux, devant la porte d’entrée. L’institutrice les invite à déposer leur veste au porte-manteau à l’emplacement qui leur est réservé. Tous ont appris à reconnaître leur prénom en maternelle. Ils doivent donc être en mesure de trouver facilement leur place. Les bureaux des enfants sont eux aussi étiquetés avec leurs prénoms. Valentine est la dernière de la file. La maitresse la salue et l’invite à la suivre près du tableau. Elle frappe dans ses mains pour obtenir le calme et ordonne aux enfants de s’asseoir en silence.

  • Je vous présente Valentine qui vient d’emménager à Limes et qui va nous accompagner durant cette année scolaire. Je vous demande de lui réserver un accueil chaleureux.
  • Bonjour Valentine ! répondent en chœur les enfants.

Puis s’adressant à Valentine, elle lui indique sa place, près de Célia. De son côté, Jérémy s’interroge. A côté de lui, il n’y a personne alors qu’une étiquette est collée. Il déchiffre les lettres C-L-A-R-A. Il se demande bien qui cela peut être, si c’est une fille ou un garçon et pourquoi il ou elle manque le premier jour d’école.

La maîtresse demande à tous les élèves de faire un dessin qui représente leurs vacances et leur explique les lions du comportement : rouge, orange, bleu et vert. Cinq lions verts sur la même semaine seront récompensés par une image. Elle précise qu’on peut être en rouge le matin par exemple et que si on s’applique l’après-midi, on peut repasser dans le vert en fin de journée et que c’est la note de fin de journée qui compte.

Titouan, Tifanie et moi prenons congé. Nous avons des missions à accomplir. Nous ne pouvons pas passer notre temps à observer nos familles, même si nous adorons cela. Nous nous rendons dans les bois situés à quelques kilomètres de là à vol d’oiseau. La dernière fois que je suis venu ici, dans la forêt des Epioux, c’était pour récupérer Boris qui avait sauté du Rocher du Chat. C’était il y a un peu plus d’un an.

Ce matin, il fait froid et humide. Les températures avoisinent les cinq degrés. La brume commence à se dissiper tout doucement et dans quelques heures, le soleil réchauffera la terre.

  • Ce sont les conditions idéales pour faire pousser des champignons, m’explique Tifanie.

Elle claque des doigts, mais il ne se passe rien. Je me moque de ma camarade :

  • Tu as perdu tes pouvoirs, on dirait, Tifanie ! dis-je en couvrant ma bouche de mes mains.

Elle m’ignore et continue ses tentatives en s’éloignant de plus en plus de moi. Toujours aucun champignon en vue.

  • Ouvre les yeux, ça vaudra mieux, me lance-t-elle bougonne.

Je ne la crois pas un seul instant. Je rejoins Titouan qui, lui, observe les sous-bois.

  • Tu cherches quoi Titouan ?
  • Des sangliers. Je sais qu’il y a une laie dans les parages qui doit bientôt mettre bas. Comme elle a perdu toute sa portée au mois d’avril et qu’elle a pu se nourrir abondamment, elle en a une deuxième cette année. Je cherche le chaudron.
  • Comment ça ? Quel chaudron ? Tu veux faire de la soupe ?

Je ris de ma plaisanterie, mais Titouan ne peut s’empêcher de se moquer de ma naïveté. Evidemment, je suis vexé. Tifanie qui n’a pas digéré mes railleries s’en donne elle aussi à cœur joie, en pouffant bruyamment. J’ai bien envie de les planter-là. Ils m’énervent ! En même temps, j’aimerais bien en savoir davantage et quand Tifanie me prend la main, je ne la repousse pas.

  • Regarde Timéo.

Au pied d’un chêne, elle me montre des cèpes, puis des amanites tue-mouche un peu plus loin. Elle me parle aussi de lépiotes, de russules, de cortinaires et de clitocybes. J’écarquille les yeux. A part les amanites et les cèpes, je n’avais jamais entendu parler de ces champignons. Je suis bien obligé d’admettre qu’elle n’avait donc pas perdu ses superpouvoirs. Les polypores jouaient plutôt à cache-cache avec moi. Je suis confus.

  • Excuse-moi, Tifanie. Tu avais raison. J’aurais dû être plus attentif.

Au lieu de me répondre, elle dépose un baiser sur ma joue. Je rougis, un peu mal à l’aise alors qu’elle, semble heureuse de me voir dans cet état car elle ajoute :

  • On dirait que les amanites tue-mouche se reflètent sur toi.

Ces mots me font rougir davantage. Heureusement, Titouan vient à ma rescousse.

  • Viens voir Timéo. J’ai trouvé le chaudron que je cherchais.

Je m’envole dans sa direction, soulagé de me sortir de ce moment embarrassant avec Tifanie.

  • Un chaudron, continue-t-il, c’est un nid construit par la laie où les marcassins vont rester pendant sept à huit jours environ après leur naissance. Il y a quelques temps, j’ai vu la laie creuser un trou peu profond dans le sol. J’ai d’abord cru qu’elle se faisait une bauge. Puis, quand j’ai vu qu’elle y ajoutait différents matériaux comme des feuillages, des herbes sèches, des fougères et des petites branches, j’ai compris qu’elle préparait le chaudron pour mettre ses petits à l’abri des intempéries. J’en ai donc déduit que la mise bas était pour bientôt.

Tifanie l’interrompt pour me demander :

  • Est-ce que tu sais Timéo que les petits marcassins ne peuvent réguler leur température interne pendant leurs quinze premiers jours ? C’est Titouan qui me l’a appris. Il sait plein de choses sur le monde animal.
  • Non, je ne savais pas. Je n’y connais pas grand-chose en animaux… et en plantes, non plus, comme tu as pu le constater. Moi, je suis plutôt spécialisé dans les humains.
  • C’est pour cette raison, continue-t-elle sans se laisser distraire par ma remarque, qu’il est indispensable qu'ils soient tenu bien au chaud. D’ailleurs, Timéo, même si je me suis moquée de toi, ce n’est pas tout à fait idiot que tu aies parlé de « soupe » tout à l’heure quand Titouan a dit qu’il cherchait le chaudron. En effet, ce mot fait allusion à la notion de chaleur et de bien-être, comme un potage dans une marmite.
  • Ah ! Ben dites donc, j’en aurai appris des choses aujourd’hui, grâce à vous ! Merci les amis !

La laie est confortablement installée. Elle ne se doute pas de notre présence. Titouan sort sa baguette magique et touche son ventre une, deux, trois, quatre fois…

  • Mais, arrête Titouan ! Ca lui fait déjà assez de bébés à s’occuper !

Il ne m’écoute pas et continue encore une, deux, trois fois. Je suis sous le choc.

  • Mais Titouan, sept marcassins ! Tu te rends compte ?
  • Bien sûr Timéo que je me rends compte. La plupart ne survivront pas. Ils sont très sensibles au froid puisqu’ils ne peuvent pas encore réguler leur température, comme vient de te l’expliquer Tifanie… et comme ils n’ont pas non plus de graisse pour leur tenir chaud, ils sont très fragiles.

Je suis un peu triste pour ces petits marcassins. Titouan perçoit mon trouble.

  • C’est la dure loi de la nature, Timéo ! On ne peut pas aller à son encontre.

Sans doute pour me remonter le moral, Tifanie ajoute :

  • Regarde comme ils sont mignons avec leurs rayures. Ils ont l’air bien vigoureux, non ? Moi, je suis persuadée qu’ils sont forts et qu’ils vont tous s’en sortir.
  • Tu as raison, Tifanie ! Il ne faut pas partir défaitiste ! Et si on allait faire naître des bébés humains maintenant, histoire de rester positifs ?
  • Oui, très bonne idée, Timéo. Après les champignons et les marcassins, à ton tour de nous montrer ton talent.

Je pose mes mains sur le ventre de nombreuses dames et de quelques jeunes filles tandis que Titouan, lui, touche des œufs de pigeon avec la pointe de sa baguette magique. Un dernier coup d’œil dans la maison de mes parents, puis nous rentrerons au royaume.

Maman est en train de donner le bain aux jumeaux. Elle commence toujours par Frédéric, qui me ressemble beaucoup. Il a les cheveux châtain foncé, les yeux marron et il ne tient pas en place. Pendant ce temps, Alice patiente tranquillement dans le maxi-cosy. Contrairement à Frédéric et moi, elle est toute calme, ses cheveux sont châtain clair et ses yeux bleu azur, comme ceux de Célia. Maman leur a prévu des vêtements assortis : une jolie robe bleue avec des collants jaunes pour Alice et une salopette bleutée avec un pull couleur poussin pour Frédéric. Je sais que c’est Mamie et Maman qui ont choisi ensemble toute la garde-robe pendant la grossesse. Ça m’a fait plaisir de les voir aussi proches ce jour-là alors que mon décès les avait éloignées. Je me rappelle que mère et fille avaient pu s’expliquer et parler de moi pour la première fois en levant ainsi le tabou. J’ai bien compris aussi que Maman apprécie beaucoup l’aide de Mamie et qu’elle lui est reconnaissante de passer beaucoup de temps avec ses petits-enfants.

 

 

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