Ce gamin, là (Renaud Victor, 1975)
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Ce gamin, là (Renaud Victor, 1975)
J'aime beaucoup le titre du film "Ce gamin, là" parce qu'il résume tout le projet de Fernand Deligny, éducateur spécialisé révolté par le sort réservé aux "enfants difficiles" en France qu'ils soient délinquants ou handicapés: l'enfermement et la stigmatisation. "Ce gamin-là", celui que les "normaux" désignent avec mépris et que filme Renaud VICTOR devient "ce gamin, là", c'est à dire dans le lieu de vie créé par Deligny dans les années soixante à Monoblet dans les Cévennes pour accueillir un réseau d'enfants autistes et parmi eux, Janmari, recueilli à l'âge de 12 ans dont les amis de Deligny cartographient les "lignes d'erre" (les déplacements dénués de but apparent) que Deligny compare ensuite les unes aux autres. Une phrase revient dans sa bouche comme un mantra durant tout le film, épousant les rituels, routines et autres stéréotypies de Janmari (tourner en rond les mains dans le dos, se balancer) "Ce gamin, là, in-curable, in-supportable, in-vivable et aussi in-visible" se révèle dans le cadre de la communauté créée par Deligny et ses amis vif, adroit, actif. On le voit couper du bois, pétrir la pâte, trouver des sources d'eau (là où il tourne sur lui-même) et tout cela sans un mot puisque Janmari ne parle pas. Ce mutisme pousse Deligny à s'interroger sur le langage et ses fonctions (ce qui est aussi le sens du titre). Deligny ne cherche pas à "rééduquer" ces enfants pas plus qu'il ne prétend définir ce qu'est l'autisme mais leur fonctionnement "étrange" l'interroge* et à travers lui interroge notre société. En ce sens, il retrouve la fonction première de la carte qui consiste à explorer un territoire inconnu et non à chercher à dominer son milieu.
* En France, beaucoup de "spécialistes" de l'autisme et même des autistes asperger comme Josef Schovanec (dans son article "Autistes adultes, trop de diagnostics abusifs") n'acceptent pas qu'il puisse exister un large spectre de l'autisme allant des formes les plus légères aux formes les plus graves. Certains veulent rétrécir le champ aux non verbaux, d'autres (Schovanec) veulent en exclure ceux qui présentent le "carré magique de l'inclusion sociale: logement, voiture, emploi, famille. Preuve que l'autisme par son étendue et sa difficulté à être défini effraie. Alors qu'il y a cependant des traits communs à toutes les familles d'autistes. Ainsi il y a un passage dans "Ce gamin, là" où Deligny converse avec un père venu lui confier son enfant et où ce dernier lui explique qu'il adore faire de la luge, qu'il n'a peur ni de la pente ni du monde mais qu'en revanche il ne peut pas faire de ski car il ne supporte pas d'être debout sur quelque chose d'instable. La seule fois que j'ai fréquenté une station de ski, je n'ai pu faire que de la luge et n'ai jamais pu chausser de ski (ni rien de ce qui glisse en étant en position verticale). Cette altération du système vestibulaire ne touche pas tous les autistes mais elle les touche à tous les degrés du fameux spectre.