

A mon petit frère Victor
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A mon petit frère Victor
Victor
Mon petit frère que j’aime si fort.
Je t’écris cette lettre parce que je ne pourrai plus te parler. J’espère que tu la trouveras.
Et puis j’espère aussi que ça va, que tu ne seras pas trop triste, même si tu vas te sentir tout seul.
J’ai fait tout ce que j’ai pu pour m’occuper de toi, pour te protéger, mais il y a des moments c’était vraiment dur, trop dur. Alors j’ai fait ce que je pouvais. Et puis je me suis décidée.
Il n’y a pas longtemps en fait, juste après ton anniversaire, tes 10 ans. C’est chouette tu sais 10 ans. J’étais contente que l’on soit à deux.
Dix ans, ça me fait penser à la chanson que papa écoute souvent. Tu sais, son vieux truc là, « j’ai dix ans, t’ar ta gueule à la récré ». Je sais que tu trouves ça rigolo aussi.
J’espère que t’étais content de mon cadeau.
J’avais pas d’argent, mais je me suis débrouillée, comme d’habitude. Garde-le bien, quand tu te sentiras tout seul tu pourras le regarder et puis penser à moi.
Je serai toujours là pour toi mon petit frère.
Moi, mon anniv’, c’est bientôt. Treize ans, ça fait chier. Mais de toute façon, il y aura rien, et c’est très bien comme ça. Les anniversaires de merde, il vaut mieux pas en avoir.
Tu te rappelles celui de papa, le jour où maman a foutu le camp ? Tu étais encore petit, et moi j’avais tellement peur. Je savais plus quoi faire, j’avais jamais vu papa comme ça. Il avait tellement bu, je croyais qu’il allait mourir.
Et toi, tu bougeais plus, tu étais tout blanc, ça me faisait peur aussi. C’était tellement dégueulasse, et puis ça puait. Il vomissait sans arrêt. Je n’arrivais pas à le porter. Il est trop fort papa, il était encore gros en ce temps-là. Et puis la banquette et la lampe pour son anniversaire, il y avait du sale partout.
Je sais pas si on aurait dû lui dire ce qu’elle faisait maman, mais ça aurait rien changé. Je sais même plus comment il s’appelait celui-là de connard. Je l’ai vu qu’une seule fois. Il était pas beau. Avec des espèces de gros sourcils noirs, et puis une barbe, et puis sa moto de gros craignos. Tu dois pas t’en rappeler, mais c’est à cause de lui que maman elle a commencé.
Tu sais Victor, n’oublie pas, écoute bien ta sœur. Il ne faut jamais boire d’alcool, jamais. C’est promis ?
Tu as vu ce que ça fait ?
Papa, il aurait pu s’en sortir. Mais c’est à cause de ça.
Il dit toujours qu’il en a marre d’être tout seul, qu’il supporte plus, que c’est pour ça qu’il est malheureux, et que c’est pour ça qu’il boit. Mais c’est pas vrai.
A chaque fois qu’une copine est venue le voir, il préfère boire que s’en occuper. Et puis tu as vu comme il est devenu tout maigre ? Tu te rappelles quand il courait pendant 2 heures ? Non, tu étais trop petit. Mais papa, avant, il était capable de courir pendant 40 kilomètres, sans s’arrêter.
Il est fort papa tu sais. Mais il faudra que tu t’en occupes. Il faut le garder, et puis il a besoin de toi. Il a toujours été gentil avec nous. Et puis peut-être qu’un jour ça ira mieux, qu’il redeviendra normal.
Je sais pas ce qu’il va faire avec tout ce qui va arriver. Pour s’occuper de la maison, faire les courses, et puis ses papiers. Depuis qu’il ne travaille plus, il a encore plus de papiers à remplir. On verra. Moi je ne peux pas faire autrement. Tout est bien rangé dans la boîte en bois dans le bureau. N’aie pas peur, même si il gueule, il ne te frappera jamais, il est gentil papa.
C’est pas comme l’autre qui était venu vivre chez maman, quand elle avait l’appartement.
Celui-là, tu dois t’en rappeler.
Moi je m’en rappelle, j’ai encore une trace, sur mon dos. C’est jamais parti.
Quand il se mettait en colère et qu’il nous tapait, je suis sûre qu’il avait un problème avec l’alcool. De toute façon, quand ils sont sales, c’est qu’ils boivent.
C’était le pire celui-là. J’osais même pas rentrer dans la chambre de maman dans la journée. Pis ses gros slips écœurants qu’il posait sur la table de la cuisine en croyant que j’allais les laver. Il laissait toute sa merde dedans. Il y en a qui avaient des trous partout, ça puait, et j’étais obligé de les prendre dans mes mains pour les enlever de la table. Des fois, j’avais la boule, envie de dégobiller. Je crois que son chien à la con puait moins que lui. Au moins, son panier il était rangé, pas comme leur lit. Avec des taches blanches partout, même sur les oreillers, enfin, des coussins qui servaient au chien. Et puis, à je sais pas quoi.
Je sais quoi, mais je peux pas te le dire.
Et puis tous ces trucs qu’ils laissaient traîner aussi.
Et puis les tissus pleins de poussière sur les murs, et puis la grande glace de mamie, même pas nettoyée.
Il était nul, avec ses godasses de chantier pleines de boue noire, toujours au même endroit, en dessous de sa robe de chambre, sur SON porte-manteau en forme de femme.
Si j’avais pu le frapper celui-là.
Juste lui rendre ce qu’il me donnait.
J’avais tellement mal quand il me serrait par le bras. C’est encore pire que les claques ou les coups de pied. Ses doigts me rentraient dans la peau. Des fois ça restait super longtemps. Une fois, au sport, monsieur Weber, il m’a demandé ce que c’était. J’ai rien dit.
Tout ça parce que je l’emmerdais à être là.
Et puis que maman s’occupait trop de nous, que j’avais qu’à m’occuper moi-même de toi.
Quand il me tapait que j’étais par terre, en fait, je sentais plus rien. Et puis maman criait tellement. Et puis comme tu étais pas là, je n’avais pas trop peur.
Je sais que ça finit par s’arrêter. Il faut juste attendre, et rien dire. Il faut pas bouger ou c’est encore pire.
À l’hôpital ils avaient dit que les côtes ça fait mal longtemps, mais ils n’ont pas dit que j’allais une grosse marque. C’est pas grave, on la voit pas.
Et puis ils ont dit que les accidents de vélo c’était courant.
C’est pour ça qu’on s’est sauvés avec maman.
Quand elle est venue te chercher chez mamie et qu’il fallait qu’on s’en aille vite.
Ça va, il est jamais revenu. Au moins, on a été tranquille avec celui-là.
Et puis après c’est maman qui s’est mise à déconner.
Toi tu les appelais tous monsieur.
Je ne t’en veux pas, mais tu sais, c’étaient pas des messieurs. Un monsieur, c’est comme monsieur Weber, au sport.
Pourquoi elle faisait ça maman ?
Je sais pas. Je crois qu’elle était méchante après tout le monde.
Elle me disait qu’il lui fallait un copain. Mais que celui-là il était trop gros, l’autre d’après il était trop petit, ou alors qu’il ne la sortait pas assez pour aller danser. Et des autres trucs aussi qu’elle me racontait. Moi j’en avais marre de tout ça, je m’en foutais.
Mais à l’école, il y en a qui m’avaient dit que maman c’était une pute. C’est ce que disait leurs parents.
C’est pour ça que j’ai eu l’embrouille avec Mélissa.
C’est elle qui a commencé.
Et au conseil de discipline, ils ont dit que c’est moi qui suis violente, et que c’est grave, que Mélissa a failli perdre un œil. Mais c’est grave aussi de dire des choses comme elle a dit.
Et Jordan, alors là je regrette pas. A faire le kéké avec un couteau dans son cartable. Et bien au moins, il sait à quoi ça sert maintenant.
Lui il avait dit encore pire sur maman, et que son père s’était bien marré à la maison.
Il paraît que monsieur Weber m’a défendu devant le juge. Je ne sais pas, je me rappelle même plus. Mais bon, l’école qu’ils m’avaient trouvée était pas si mal. Sauf que je n’étais plus souvent avec toi. Mon petit frère chéri.
Si j’avais été à la maison, toutes les saloperies ne seraient pas arrivées.
Mamie n’a pas voulu me croire.
Personne n’a voulu me croire.
Ils ont tous dit que je ne devais pas dire des choses comme ça. Surtout, que enfin, maman avait rencontré quelqu’un de bien.
Et puis que toi, si tu ne parlais pas beaucoup, c’est que tu avais des difficultés, que ça allait venir, que c’est normal, avec tout ce que tu as vécu. Mais que ton père et ta mère t’aiment.
Et que tu as une grande sœur qui s’occupe de toi. Et que moi je devrais arrêter de raconter des « sornettes ».
C’est rigolo comme mot.
Tant que c’était sur moi, j’ai rien dit.
Je suis grande.
Pourtant ça me faisait mal des fois.
Le pire, c’est quand il me tenait la tête pour que je garde tout dans ma bouche. Et puis si je faisais du bruit pour crier, j’ai compris après, il me tenait encore plus longtemps. Alors des fois c’est moi qui lui disais que je préférais pas ça aujourd’hui, que je préférais qu’il me rentre. Au moins, je le voyais pas, il était derrière. Par contre j’avais peur. Il faisait des drôles de bruits quand il faisait ça. Et puis il respirait fort, comme si il allait crever, cette saloperie. Tu sais où j’avais le plus mal ? C’est à mon ventre. Il me serrait tellement avec ses mains que des fois il m’écrasait carrément. Et puis il me poussait tellement fort sur le lavabo que j’avais le bord qui m’écrasait tout le ventre.
Je croyais que j’allais avoir tout qui allait ressortir par mes oreilles. Déjà que j’ai toujours mal à mes côtes. Des fois j’avais même des bleus sur le ventre. Je lui avais demandé une fois que ça soit pas dans la salle de bain. C’est là qu’il me l’a dit. Que moi c’est dans la salle de bain, et ton petit frère dans les toilettes. Il a dit que de toute façon tu passes tellement de temps dans les toilettes, que c’est là que tu es bien.
Après j’ai regardé souvent quand je t’aidais à prendre ta douche, si tu n’étais pas écorché, si tu ne saignais pas. J’étais contente qu’il ne te fasse pas de mal dans le ventre. Parce que tu sais, ça fait vraiment du mal à l’intérieur. Dedans, c’est moins solide que dehors, je peux te le dire. Mais on voit pas les traces, on peut pas les montrer. Pis de toute façon, ça sert à rien de les montrer. Mais dedans ça fait comme si on avait envie de vomir tout le temps, comme si on avait envie d’aller chier tout le temps, et puis on n’y arrive pas.
Et maman qui était tellement heureuse avec celui-là.
Elle arrêtait pas de me le dire.
Il est gentil avec moi Richard, il m’emmène me promener, il est toujours bien habillé, il a un bon travail, et puis un travail sûr. Et puis il est propre. C’est un homme honnête, et il ne ferait pas de mal à une mouche.
C’est vrai qu’au moins elle était bien avec lui maman.
Je pouvais pas lui dire. Tu te rends compte comment elle aurait été malheureuse ?
Une fois elle a vu sur mon ventre. J’avais un bleu, c’était tout rouge, il était énorme. Je lui ai dit que c’était au sport. Elle a rien dit. De toute façon, elle regardait jamais, elle rentrait plus dans ma chambre et elle venait jamais quand je me lave. Et si j’avais dit quelque chose elle m’aurait tuée. Mamie a dit qu’il faut jamais dire des choses pareilles, que c’est hyper grave, qu’on peut aller en prison.
Mais elle m’a dégoûtée maman.
C’est quand ils ont voulu acheter une maison.
Tu te rappelles, quand elle a dit qu’il fallait qu’ils aient une grande maison, pour nous quatre, avec un jardin, des grandes chambres. Que Richard il pourrait avoir un garage, et que nous, on aurait de la place. Mais qu’il fallait d’abord vendre l’autre maison, la maison de papa.
Je lui ai demandé ce qu’il allait faire papa si il n’avait pas sa maison. Elle a dit qu’elle s’en foutait, que c’était un connard, qu’il avait qu’à faire comme elle, trouver quelqu’un. Et quand je lui ai dit que papa il voulait pas vendre, qu’il voulait pas s’en aller, c’est là qu’elle m’a obligée à aller chez le juge.
Elle voulait que je dise au juge qu’on voulait plus jamais aller voir papa, qu’on n’irait plus chez lui. Parce qu’il buvait et qu’il ne s’occupait pas bien de nous.
C’est là que j’ai décidé.
J’en avais ras-le-bol tu sais.
C’était dégueulasse.
Papa il avait rien fait. Je pouvais pas aller dire du mal sur lui.
Et si je le faisais pas, maman, et mamie aussi elle le disait, Richard il partirait, et que ça serait de ma faute.
Alors j’ai décidé.
Ouvrir le petit placard pour prendre son pistolet, c’est pas difficile. Je l’ai déjà fait deux fois. La clef elle est toujours avec les autres, sur la grosse ceinture de son uniforme. Son habit de policier comme elle dit maman. C’était dur, c’était de savoir quand est-ce qu’il ramène des balles. Parce qu’il l’avait dit à maman, il avait pas le droit. Mais des fois, quand il rentrait le mardi après le cours de tir, des fois il en avait.
Une fois, il en avait montré, tu t’en rappelles ?
Il était fier ce connard. Il disait qu’il n’hésiterait pas le jour où il aurait un raton en face de lui. Et puis il avait bien montré comment ça marche. C’est pas difficile.
Il y a juste la sécurité sur le pistolet. Tu parles, il faut tirer le petit crochet en arrière.
Alors j’ai attendu.
Il a dit à maman qu’il avait sorti 4 balles du stand et qu’il lui ferait essayer dans le bois du marais.
J’ai eu peur qu’il les garde pas, alors je me suis décidée tout de suite.
Et puis voilà.
Je pense à toi très fort mon petit frère, mon Victor que j’aime tant.
Ça m’est venu comme ça.
Je sais pas si j’ai fait exprès.
Je suis rentrée dans la chambre, juste quand les oiseaux commençaient à chanter. Ils dormaient super fort. Lui il faisait un bruit pire que la chaudière, comme d’habitude.
J’avais bien enlevé la sécurité.
Alors j’ai tiré.
Sur maman en premier.
En vrai, je sais pas pourquoi.
Lui, il s’est relevé, j’ai eu le temps de voir sa gueule.
T’aurais vu ça Victor. LOL.
Il a même pas eu le temps de parler.
J’ai tiré dessus.
Sa tête, elle a claqué contre le mur.
Pis je l’ai regardé un peu. Pis je me suis mise à rire. Tu peux pas savoir. J’ai rigolé. Je tremblais de partout. Mais je rigolais. Ça a duré je sais pas combien de temps. Il avait les yeux ouverts. Il me regardait ce connard, cette saloperie. Alors je savais qu’il restait deux balles. J’étais contente. Alors je me suis bien approchée. Et je lui ai tiré, dans le ventre, là où il me faisait mal, rien que pour le faire chier.
Maman elle, elle était morte.
Elle avait sa chemise de nuit bleue.
Pis je sais pas pourquoi, j’avais peur qu’il le fasse encore.
Alors je suis allée dans le cagibi, j’ai pris le gros marteau.
Quand je suis revenue, il y avait une tâche de sang sur la couette, mais ça m’a même pas dégoûtée.
Je voulais pas qu’il te fasse encore tout ça.
Alors j’ai tapé dessus avec le marteau.
Sur sa grosse bite et puis ses couilles de merde. J’ai tout écrabouillé.
Ça pissait le sang, il y avait plus rien.
Je peux te dire, j’ai tapé fort.
Et je peux te dire, j’arrêtais pas de rigoler.
Et puis comme ses yeux étaient encore ouverts, il me dégoutait à me regarder comme ça, je lui ai mis le marteau sur sa tronche de bâtard. Ça a explosé partout. J’ai abîmé le mur, parce qu’il y avait du sang qui giclait, et puis des fois, le marteau, il a tapé dans le mur. Parce que je tremblais sans arrêt. Mais je te jure Victor, il en a pris plein la gueule. Tu peux être tranquille, il te fera plus jamais tout ça.
J’ai pas fait de mal à maman.
Elle était toute sale, avec le sang, mais je lui ai pas fait de mal.
Après, je me suis lavée, parce que moi aussi j’étais toute sale. Et puis je me suis fait super mignonne.
J’ai mis mon Pépé Jean’s, mon maillot que tu aimes bien, celui Spice Girls, et j’ai piqué du maquillage à maman, et puis même son parfum.
J’étais fière, j’étais super canon.
Je sais pas pourquoi, j’étais super bien. Je me sentais une vraie femme.
Et puis je suis allée chez mamie.
Tu la connais, elle s’est mise à hurler.
Et puis après, je sais plus trop.
Maintenant je suis là.
C’est la première fois que j’ai le droit d’avoir du papier et un crayon. C’est pour ça que je me dépêche de t’écrire. J’espère que tu auras la lettre.
Je sais pas combien de temps ils vont me garder.
Ils veulent toujours que je parle, mais moi j’ai rien à raconter. Sauf à toi, mon petit frère que j’aime tant.
De toute façon, dès que je dis un truc, ils me demandent si c’est vraiment vrai. Et puis il y a plein de fois, je sais même plus, à force qu’ils me demandent.
Je leur ai dit que je voulais t’écrire. Ils m’ont dit que c’était d’accord et qu’ils te donneraient la lettre.
Il y a une femme qui est plus gentille que les autres. On dirait maman, elle a des grands cheveux noirs comme elle.
Elle m’a dit que tu allais bien, qu’il ne fallait pas que je m’inquiète, et que papa allait bien aussi.
Je vais sortir de là bientôt, de toute façon, je sais par où je peux passer pour me sauver.
Je t’embrasse très très fort mon petit frère chéri.
Ta grande sœur.
Marie

