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Frédéric Jousset : De la tradition des Beaux-Arts à l’innovation de Art Explora

Frédéric Jousset : De la tradition des Beaux-Arts à l’innovation de Art Explora

Veröffentlicht am 10, Juli, 2020 Aktualisiert am 10, Juli, 2020 Kultur
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Frédéric Jousset : De la tradition des Beaux-Arts à l’innovation de Art Explora

 Écrit par Claudia Moscovici.

 Frédéric Jousset a parcouru toute la gamme des arts au cours de sa carrière.

Élevé dans une famille artistique - sa mère, Marie-Laure Jousset était conservatrice en chef à Beaubourg, et son père, Hubert Jousset, était Président de l’école Normale de musique de Paris - Frédéric Jousset a joué un rôle-clé dans la Culture française. Il a commencé sa carrière dans les domaines du marketing et de la finance, dont il s’est ensuite servi pour soutenir et financer les arts. En 1994, il a commencé à travailler pour L’Oréal (Kérastase) à plusieurs postes de marketing, suivi par la gestion de fonds de capital-investissement internationals chez Bain & Company. En 2000, il s’est associé à Olivier Duha pour créer sa propre société sur Internet, Webhelp SA. L’entreprise s’est implantée dans plus de 40 pays à travers le monde, générant près de 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2019. Tout en prospérant en tant qu’homme d’affaires, Frédéric Jousset n’a pas oublié son patrimoine artistique. Entre 2011 et 2014, il a été président du conseil d’administration de l’école Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris et membre du comité des acquisitions du musée du Louvre (2007-2014). Dans ce rôle, il a développé le site web du musée et financé l’achat d’un tableau célèbre de Nicolas Poussin, La Fuite en Egypte (1657).

Nicolas Poussin, La Fuite en Egypte

Beaux-Arts Magazine et le Système Beaux-Arts

Frédéric Jousset finit par devenir un administrateur du Louvre. En 2016, il devient directeur général du prestigieux Beaux-Arts Magazine, revue mensuelle d’art fondée en 1938, qui couvre l’histoire de l’art dans tous les domaines de l’antiquité à nos jours. Le magazine porte le nom de l’Académie des Beaux-Arts fondée en 1816 sous le règne de Louis XVIII. Cette Académie, à son tour, a fusionné avec l’Académie de Peinture et de Sculpture, l’Académie d'Architecture : toutes fondées à l’origine par le ministre de la Culture de Louis XIV, Jean-Baptiste Colbert.

Le système des Beaux-Arts a été institué pour répondre aux exigences de l’Académie enseignées à L’École des Beaux-Arts. Il s’agissait notamment des principes suivants :

  1. Un respect de la hiérarchie des genres qui privilégiait, par ordre décroissant, les peintures d’histoire, les thèmes religieux, les portraits et les natures mortes. Bien sur, les principes sont toujours quelque peu différents du goût et des pratiques du public. Même au XVIIIème siècle, alors que les natures mortes de Chardin étaient extrêmement populaires et défendues par des philosophes notables tels que Diderot, la hiérarchie des genres instituée sous le règne de Louis XIV était remise en question. Au cours du XIXème siècle, avec la montée en popularité du réalisme et la représentation des sujets de la vie de tous les jours, cette hiérarchie a été encore plus radicalement modifiée. Bien que certains artistes respectés, comme Cabanel et Bouguereau, aient continué d’observer ces règles, de nombreux artistes ne l’ont pas fait. Comme l’a annoncé Théophile Gautier dans le Salon de 1846, “les sujets religieux sont peu nombreux ; il y a beaucoup moins de bataille ; ce qu’on appelle la peinture d’histoire disparaîtra... Glorification de l’homme et des beautés de la nature, cela semble être le but de l’art dans l’avenir”.
  2. Le dessin est plus important que la couleur. La raison derrière cette règle était que le dessin de formes était considéré comme plus abstrait parce qu’il n’était pas déjà trouvé dans la nature. Ainsi, on a supposé qu’il fallait plus de talents artistique pour transmettre des formes en dessinant leurs formes et leurs contours plutôt que de transférer leurs couleurs données par la nature.
  3. S’inspirer de modèles vivants conformes à l’étude de l’anatomie, non pas pour transmettre la nature telle quelle, mais pour l’améliorer en la rendant plus noble, élégante et belle. Au cours du XVIIème siècle, le néoclassicisme a perpétué cette amélioration de la nature, l’idée de capturer la belle nature.
  4. Peindre en atelier, par opposition à la peinture en plein air, puisque l’atelier était un lieu où la source et l’intensité de la lumière et, plus généralement l'ensemble de l’environnement de la peinture, pouvaient être contrôlés en fonction des besoins esthétiques de l’artiste.
  5. Les peintures devaient être minutieusement détaillées, méticuleusement exécutées et, surtout, avoir l’air polies et finies.
  6. Le cadre général et implicite derrière le système des Beaux-Arts était la vraisemblance : représenter la tridimensionnalité des objets vus par l'oeil grâce à l’ombrage, le raccourcissement, le sfumato et l'observation d’une perspective en trois points.

Du milieu à la fin du XIXème siècle, les impressionnistes défaisaient une grande partie du système des Beaux-Arts et de ses règles strictes avec leur plein air, leurs coups de pinceau rapides et leurs peintures faites de couleur. Mais l’héritage d’une forte tradition institutionnelle valorisant les arts continue en France à ce jour. Un pays dont la plus grande contribution est encore, sans doute, la culture et dont l’industrie principale reste le tourisme, largement centré sur son inestimable patrimoine artistique et ses musées exquis.

Innovation artistique du 21ème siècle : Google Art Project et Art Explora

Pour préserver un patrimoine artistique partout dans le monde, nous devons suivre - et même inventer - les technologies de notre temps. De cette façon, nous pouvons nouer le dialogue avec de nouveaux publics et étendre la portée des arts à de plus en plus d’endroits dans le monde. Il y a une dizaine d’années, Google a permis de visiter des musées virtuellement sans avoir à y aller. Le 1er février 2011, Google a lancé le projet novateur Google Art Project. (Voir https://artsandculture.google.com/). Ce site web offre une compilation en ligne et en haute définition, une centaine des plus grandes oeuvres d’art, présentées dans certains des musées les plus célèbres du monde : dont le Metropolitan Museum or Art (MET), le Museum of Modern Art (MOMA), la Collection Frick de New-York, Les Offices de Florence, le Château de Versailles, Le Louvre, le Musée d’Orsay, le Musée Rodin de Paris et la Tate Gallery de Londres. Depuis sa création, 600 musées dans 60 pays ont participé à cette aventure artistique révolutionnaire.

Selon Wikipédia, Elizabeth Merritt, directrice du Centre pour l’Avenir des musées, a décrit le projet comme “une expérience intéressante”. D’autres leaders de l’art ont salué cette initiative avec plus d’optimisme. Julian Raby, directeur de la Freer Gallery of Art, a déclaré que ce projet augmenterait l'intérêt des spectateurs à visiter les musées actuels. Brian Kennedy partage ce point de vue, déclarant que même si les visites virtuelles du musée et de la galerie offrent une meilleure résolution et des perspectives panoramiques, cela ne remplace toujours pas de voir les oeuvres d’art en personne.

Ce n’est pas la même chose, mais, à mon avis, le Google Art Project représente la vague de l’avenir, sinon du présent, non seulement pour les musées, mais aussi pour les galeries d’art. Les galeries en particulier ont été durement frappées au cours des dernières années. Bon nombre d’entre elles ont été forcées de fermer leurs portes. En période économique difficile, l’art est considéré comme un luxe auquel de nombreux consommateurs sont prêts à renoncer. Le Google Art Project suscite à nouveau l'intérêt pour les grandes oeuvres d’art. Et avec l'intérêt viennent les visites au musée et aux galeries, qui à leur tour, augmente le nombre de collectionneurs d’art et les acheteurs.

Le monde de l’art a atteint un tournant décisif en raison de cela, et les progrès technologiques similaires. Les galeries qui s'adapteront à ces nouvelles façons de toucher les visiteurs pour informer et attirer le grand public seront beaucoup plus susceptibles de survivre que celles qui ne le feront pas. Je ne peux pas voir la réalité virtuelle devenir un substitut à la réalité dans n’importe quel domaine : que ce soit l’art, le sexe ou le divertissement. Mais je considère la réalité virtuelle comme le moyen le plus efficace - et maintenant indispensable - de diffuser l’information sur la réalité qui comptera le plus au 21ème siècle.

Dostoievsky, "La beauté sauvera le monde"

Art Explora : “La beauté sauvera le monde”

Frédéric Jousset semble partager cette vision car dernièrement il s’est concentré sur une innovation artistique similaire au Google Art Project. En décembre 2019, il s’associa à Bruno Julliard et lance Art Explora. Bruno Julliard, ancien premier adjoint au maire de Paris, apporte à la table sa grande expérience dans le domaine des arts. Entre 2014 et 2016, il a été en charge des institutions culturelles et a assumé le rôle de Président des Musées de Paris, dont 14 grands musées parisiens. Il est devenu le directeur de la Fondation Art Explora. Comme pour le projet Google Art Project, l’objectif d’Art Explora est de rendre les arts plus accessibles à un plus grand nombre de personnes à travers le monde. Comme Frédéric Jousset le dit sur son site : “Je suis convaincu que l’art est essentiel à la vie de tous, mais que les inégalités liées à l’accès à sa création sont encore trop profondes. Il est urgent que la culture sorte de sa zone de confort pour aller à la rencontre d’un public plus large. Je crée Art Explora pour relever ce défi majeur : partager la culture avec le plus de gens possible” (https://artexplora.org/en/who-are-we/).

Art Explora a adopté la célèbre expression de Fiodor Dostoïevski, “la beauté sauvera le monde”. Mais ce nouveau forum va bien au-delà de ce que le XIXème siècle aurait pu considérer comme beau. Comme l’explique le manifeste d’Art Explora, au XXIème siècle “la culture peut prendre de nombreuses formes, qu’il s'agisse d'opéra ou de battle de hip-hop, du Cri de Munch ou des oiseaux d’Hitchcock, c'est une métamorphose constante. Elle passe d’une main à l’autre, d’un regard à l’autre et se transmet par la puissance des sens”. Art Explora vise à nous apporter tous les arts, non seulement en ligne, mais aussi à travers ses visites passionnantes de l’Art Explorer. Comme environ 60% de la population mondiale vit près des côtes, Art Explorer, “le plus grand catamaran du monde”, présente des évènements artistiques immersifs auxquels 200 personnes peuvent assister chaque jour. Partout où il sera ancré, Art Explorer s’efforcera d’inclure les communautés locales, en organisant des évènements culturels qui accueillent les artistes et les amateurs d’art locaux. L’exposition artistique flottante devrait lancer sa première tournée en 2023. En ce moment, Art Explora est en train de développer sa plateforme numérique et éducative, en collaboration avec la prestigieuse Sorbonne et avec la Cité internationale des arts pour créer ensemble des cours d’histoire de l’art.

J’ai pris connaissance de ces nouveaux développements passionnants dans les arts grâce à ma participation à une autre nouvelle entreprise culturelle française, Panodyssey, qui cherche également à atteindre et à unir un public international. Panodyssey crée des “creative room” où artistes, écrivains, réalisateurs, architectes et explorateurs des arts de toutes sortes peuvent collaborer à des projets et à des objectifs communs. Comme je le disais dans mon article sur la mission de Panodyssey, lors de la création du système des Beaux-Arts, les rois, le clergé et l’aristocratie étaient les patrons des arts.

(voir https://panodyssey.com/en/article/culture/claudia-moscovici-brbq6rstuk58)

Aujourd’hui, ce sont les entrepreneurs innovateurs qui aiment les arts - des créateurs comme Frédéric Jousset, Bruno Juillard, Alexandre Leforestier et Valentin Bert - qui font en sorte que l’art, sous toutes ses formes, continue non seulement de survivre, mais aussi de s’épanouir.

 

 

 

 

 

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