Brazil (Terry Gilliam, 1985)
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Brazil (Terry Gilliam, 1985)
Film cultissime. Après l'avoir vu de multiples fois à domicile, j'ai eu la chance d'assister à une projection dans une salle art et essai peuplée d'aficionados qui le connaissaient par coeur et réagissaient à chaque séquence, décuplant son pouvoir humoristique.
Car si le fond du film est très noir, son traitement est un bijou d'humour noir. Et pour cause, Terry Gilliam est l'un des membres des célèbres Monty Python connus pour leur humour corrosif et absurde. Il applique au célèbre roman de George Orwell 1984 un traitement de choc. Brazil devait au départ s'intituler 1984 1/2 en référence à 8 1/2 de Fellini à qui le film fait des clins d'oeil (la mère qui se transforme en l'épouse ou la femme aimée). De façon plus générale, Brazil est un festival d'influences cinématographiques: Fellini donc, les Marx Brothers (on voit une courte séquence de Coconuts), Kurosawa (Sam Lowry en homme-oiseau combattant un samourai), Hitchcock (Psychose et Vertigo), Kubrick, Capra, Eisenstein (chute d'un aspirateur dans les escaliers, allusion au landau du cuirassé Potemkine), Fritz Lang (l'esthétique de Metropolis) Casablanca,... et c'est la même chose du côté de la littérature (Kafka, Verne, Cervantes...) et de la peinture (Bosch, Brueghel, Boticelli, Magritte...)
A cette superposition de références répond une superposition de lectures. Au premier degré bien sûr, Brazil dresse une satire à la fois effrayante et hilarante de notre société, mélangée aux systèmes totalitaires des années 30. D'un côté l'obsession de la réussite matérielle et du jeunisme, une technologie envahissante, une consommation effrénée. De l'autre des inégalités sociales criantes et une menace terroriste permanente à laquelle répond un Etat policier et bureaucratique qui fiche et surveille ses citoyens et parfois par erreur les enlève et les torture à mort. Au deuxième degré à travers la révolte du petit fonctionnaire Sam Lowry qui rêve en secret d'être un héros, Gilliam décrit sa lutte de cinéaste hors-norme face à la puissance de l'industrie cinématographique. Les studios Universal n'avaient pas hésité à mutiler la fin de Brazil pour en faire une stupide romance avec un happy end.