

Raconter la Terre une image à la fois : l’enfance au cœur de la création avec Yann Bonnin – Partie II
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Raconter la Terre une image à la fois : l’enfance au cœur de la création avec Yann Bonnin – Partie II
Conversation réalisée le 24 juin 2025 en Normandie, à Montigny avec Yann Bonnin, auteur-réalisateur, animateur et directeur de l'animation pour le projet Green Tales. Deuxième partie.
Propos recueillis par Imane Tamli, rédactrice multilingue et créative pour Panodyssey.
Green Tales est un projet pédagogique européen qui permet aux enfants de parler d’écologie autrement. Pas avec de grands discours, mais avec leurs mains, leurs dessins, leurs idées. En réalisant un court-métrage en stop-motion et différents diaporamas, ils explorent les quatre éléments de la nature : l’eau, l’air, le feu et la terre. Ils racontent le monde tel qu’ils le ressentent, chacun à leur manière.
Depuis les tout débuts du projet, Yann Bonnin accompagne ces ateliers. Il est artiste, auteur-réalisateur spécialisé dans l’image animée, et surtout quelqu’un qui aime transmettre. Dans cet entretien, il revient sur son parcours, sur ce que lui apporte ce travail avec les enfants, et sur ce que ça change aussi dans sa façon de créer.
Image composite de la série : Les Shadoks et le Big Blank – Réalisation : Jacques Rouxel et Laurent Bounoure Productions : AAA Productions, Canal+, INA – © 1999, tous droits réservés.
Pourquoi as-tu rejoint le projet GREEN TALES ? Qu’est-ce qui t’a donné envie ?
Comme souvent, la vie est faite de rencontres, d’un peu d’audace et d’une goutte de chance. J’ai fait la connaissance de Marianne Poncelet, la vice-présidente de la Fondation Internationale Yehudi Menuhin, à l’occasion d’un événement organisé par la fondation. J’avais été engagé pour la captation du concert de la soirée, et pour faire le montage ensuite.
À l’occasion d’une brève présentation, j’ai pris soin d’informer Marianne que mon activité principale, c'était l'animation, et le courant est tout de suite passé. Ravie d’entendre ça, elle m’a confié à son tour qu’en dehors de ses occupations à la fondation, elle était autrice de contes pour enfants, et qu’un jour… Elle aimerait beaucoup pouvoir réaliser un de ses contes en animation. Tiens donc ! Le hasard ne ferait-il pas bien les choses des fois ?
Un an plus tard, en 2020, alors que le monde était à l’arrêt, en plein confinement, elle m’a contacté pour avoir mon avis : « J’ai écrit un conte, j’ai aussi les illustrations et l’enregistrement de la voix… Tu crois qu’on pourrait en faire quelque chose ? »
Et je lui ai répondu : « Oui, bien sûr, tentons le coup. Avec ça, on peut toujours faire un animatique un peu poussé, et pourquoi pas un pilote.»
Je suis allé à la fondation pour rencontrer Marianne et récupérer tout ça, et quelques temps après, est née La Couleur Verte, le tout premier film du projet Green Tales.
À partir de là, nous avons commencé à structurer l’idée, pour qu’elle puisse ensuite chercher des partenaires et imaginer une ambition plus large à ce projet de contes animés éducatifs. Et en 2023, elle m’a annoncé que Green Tales allait officiellement voir le jour en 2024.
Marianne, c’est une fée. Elle peut transformer une idée en réalité. Pour nous, les artistes, des personnes comme elle sont extrêmement précieuses. Je dis ça, mais je sais qu’elle pense la même chose de nous, les artistes. Tout ça crée une équité et une générosité dans ce qu'on fait ensemble, qui transparaît dans le résultat final. Il ne faut pas oublier sa super équipe aussi. Être dans la lumière, c’est vrai que c’est agréable. Mais il faut rester humble, et mentionner toujours avant soi, les invisibles qui œuvrent dans l’ombre, et sans qui ça n’arriverait pas. Ça, c'est Méga important !
C’est une réalité ! Ce projet est né de cette contrainte liée au confinement, lui-même lié au COVID, de manière spontanée, avec les moyens du bord, dans un esprit de survie créative. Et peu à peu, l’élan a pris, l’énergie a grandi. Aujourd’hui, c’est devenu une aventure collective qui ne cesse de s’étoffer.
Comment tu décrirais GREEN TALES à quelqu’un qui ne connaît pas du tout ?
Green Tales, c’est un projet pédagogique européen qui a pour vocation de faire entrer l’animation stop-motion comme médium d’expression créatif pour les enfants, et les ados aussi. L’idée est de leur permettre à travers l’image animée, de partager leur ressenti sur les enjeux environnementaux. On travaille dans les écoles avec des enseignants et artistes locaux pour accompagner les élèves dans la création de mini courts métrages d'animation : de l’écriture à l’illustration, de la fabrication de décors, de marionnettes et d’accessoires qu’ils animent ensuite, jusqu’au montage vidéo final. Ils réalisent également les voix et la bande son de leur film.
C’est un projet accessible techniquement. Nous utilisons des smartphones, des applications simples, du papier découpé, des objets, et même des humains avec la pixilation. Tout est pensé pour que le corps enseignant puisse à terme être autonome avec ses classes. On ne cherche pas à détourner les jeunes des écrans, au contraire, on leur fait découvrir qu’ils ont un véritable pouvoir créatif entre les mains. Qu’ils ont cette chance, car ce qui était encore impossible il y a peu, est devenu financièrement et matériellement abordable. Ils peuvent faire de l’anim en famille, à l’école, entre amis, et ensuite, diffuser leurs films sur les réseaux. Certains festivals spécialisés en animation ont même ouvert de nouvelles catégories pour sélectionner et récompenser des films “bricolés”.
Avec Green Tales, chaque école travaille autour de l'un des quatre éléments de la nature : l’eau, l’air, le feu et la terre. Les enfants doivent imaginer une histoire dans laquelle l’élément qu’on leur a confié, peut être soit personnifié, soit évoqué. C’est le cas pour l’air notamment, parce qu’il est invisible et très difficile à matérialiser. En finalité, chaque histoire représente un chapitre d’un conte collectif.
Pour passer de l’un à l’autre et les lier entre eux, nous avons imaginé un personnage candide sous forme d’un petit extraterrestre. On l’a baptisé GT (Gi-ti), les initiales de Green Tales. Il voyage de pays en pays pour comprendre comment fonctionne notre monde.
À l’arrivée, le but est de démocratiser l’animation, de transmettre des savoir-faire artistiques et numériques, tout en sensibilisant à l’écologie de manière ludique. Et parce que l'union fait la force, le projet favorise les échanges interculturels. Par exemple, la Turquie et l’Islande travaillent en binôme, réalisant des diaporamas animés : l’un imagine un récit, l’autre l’illustre et le sonorise. Et vice-versa !
Bref, avec Green Tales, notre souhait est de créer des ponts culturels mixant l’éducation, l’art et l’engagement écologique.
Tu travailles avec d’autres artistes et avec des enfants. Qu’est-ce que ça t’apporte ?
Travailler aux côtés d’enfants, de professeurs et d’artistes locaux est une expérience des plus enrichissantes. Animer en latin, ça signifie “donner la vie“, “donner une âme“, pas simplement “faire bouger“. Pour que les enfants comprennent bien cette règle essentielle, qui régit l’animation, je leur conseille de mimer une action avant de l’animer. Et là, je peux vous assurer que ça rigole bien. Ils regardent ce grand bonhomme faire le clown devant eux, à mimer la joie comme la tristesse, un éléphant, une balle qui rebondit… Que sais-je encore ? Ça les interpelle, et on devient vite complices. Faut voir leurs yeux et leurs sourires, surtout quand je leur dis que c’est mon métier, et que j’ai fait ça quasi toute ma vie.
Mis en confiance, ce qui me touche le plus, c’est de voir à quel point les enfants s’impliquent avec un enthousiasme totalement viral. Ils découpent, dessinent, animent avec un plaisir évident. L’ambiance est joyeuse, presque festive, mais avec beaucoup d’application. Ils s’entraident beaucoup car avec l’animation, ils apprennent à mesurer le temps. Ils comprennent que pour arriver à un résultat, il faut d’abord créer, fabriquer, et ensuite animer. Le processus est long pour eux la première fois. Ils n’ont pas l’habitude… Et puis vient l’instant tant attendu : celui où ils voient leur personnage s’animer pour la toute première fois.
Alors là, c'est moi qui les observe… C’est à mon tour de trouver ça magique. D’avoir réussi mon coup, c’est mon véritable salaire, en fait. Pour nous les artistes, lorsqu'on présente un film dans un festival, le prix du public, c’est celui qu’on préfère. Soit ! Les regarder faire me ramène à l’enfant que j’étais, et que je suis resté en fait. À croire que l’anim ça conserve, et que ce rêve un peu fou que j’ai eu gamin, de faire du dessin animé, n’était pas si fou.
Cette dimension de transmission me tient vraiment à cœur. C’est certain ! À 59 ans, ce que j’aime le plus, c’est partager ce que j’ai appris, qu’on m’a appris, et de le rendre, augmenté, d'être un passeur. Ce mot ne m’effraie pas. De rendre l’animation accessible, vivante, concrète. De permettre aux enfants, petits et grands, de découvrir qu’ils ont entre les mains un super-pouvoir créatif. C’est sans doute ce qu’il y a de plus gratifiant.
2018 - Workshop ANima avec le Cactus, un écran d’épingle d’Alexandre Noyer,
sur lequel j’ai accueilli Peter Lord comme débutant à cette discipline… Qui l'eut crû ?
(crédit photo © Yann Bonnin)
Pour découvrir les autres volets de cette conversation, rendez-vous sur la Creative Room Green Tales
Envie d'en savoir plus sur ce projet européen ? Visitez le site officiel de Green Tales
Enfin, ne manquez pas l’article : Echappée créative au Pays de Caux 🍏
Et parce qu’il est aussi musicien, Yann nous a glissé ce morceau où il joue la partie guitare : "Mystery Train" (avec Wilfrid Devaux)

