La lame, gorgée d'un sang écarlate, libère Jenna de son emprise. Memba, impassible, la regarde sombrer dans le néant.

Sous la pâle lueur lunaire, nous assistons avec tragédie à la disparition imminente de notre camarade, la voix nouée par la douleur.

_ Son : “ Jenna je t’en supplie ne part pas !! “

_ Jenna : “ Désolée… tout… le monde… “

Son, les doigts crispés sur la blessure béante, cherche à endiguer l'hémorragie. Ses efforts pour étancher la source de vie s'avèrent vains, la blessure défiant toute tentative de guérison. "

_ Jenna : “ Maîtresse Ay… désolée… je ne vais… pas pouvoir… vous redonner… votre parchemin. “

Dans un ultime sursaut de désespoir, Son s'acharne sur la blessure, mais la mort semble déjà avoir posé ses marques.

_ Son : “ PUTAIIIN !! “

Cette Forêt, dans laquelle nous somme, est le théâtre de nos lamentations. La plupart pleurent amèrement la mort de notre ami, englouti dans ses entrailles.

Indifférent au chaos ambiant, leur leader jette un œil furtif à son camarade.

_ Memba : “ À ton tour Pico, élimine celle-là. “

_ Pico : “ Je n’aurais jamais cru qu’il exécute une simple gamine. Mais bon, les ordres sont les ordres. “

Un projectile incandescent jaillit des profondeurs de la forêt, filant droit vers Pico.

Ce dernier, d’un mouvement instinctif, détourne le projectile avec l’une de ses barres.

_ Pico : “ C’est quoi ça ? “

De plus proche, un stylet se distingue. Une petite dague à lame triangulaire très fine d’une longueur d’environ 20 cm.

Opposée à cette scène, une silhouette apparaît. Un brassard marron s’affiche dans nos yeux. Des pupilles scintillantes violettes se dessinent. Notre cheffe du village entre en jeu.

_ Son : “ Cheffe ? “

_ Ayden : “ Comment la cheffe a pu nous trouver ? “

Moana, témoin impuissante d'une tragédie, observe Jenna, la vie éteinte.

Pas très loin, Shailly, grièvement blessée, se débat.

Enfin, plusieurs orphelins mal en point remplissent sa vision. Son regard, glacé de haine, se pose sur les auteurs de ce crime.

En ébullition, sa peau semble irradier de chaleur, et ses lèvres, de fines volutes de vapeur.

Déterminée, elle se rue en direction de Pico. La cible Shailly abandonnée, il matérialise un cône et le lance pour suspendre l’avancée de Moana.

Avec une agilité débordante, elle pare le coup d’une seule main en activant sa Source. Une projection de particule se libère de sa main stoppant ainsi la vitesse du cône. Dans un cri sourd, elle augmente la pression, réduisant le cône à néant.

_ Pico : “ Mais qu'est-ce que ? “

Elle reprend sa course, le souffle court. Pris de panique, le Reclu, d’un mouvement accéléré, attaque directement avec ses barres au dos.

D’un geste fluide et précis, les barres se dissolvent d’un revers de main.

_ Pico : “ C’est impossible !! “

Pointée maintenant à quelques mètres, Pico matérialise un prisme pour contrer le prochain assaut. Au contact de ceci, elle incendie le prisme.

La surprise le fige un instant, puis, annule volontairement son prisme espérant ainsi étouffer l'embrasement. Mais le feu, plus rapide que son réflexe, s'étend sur toute la longueur de son bras.

_ Pico : “ AHHHHH !! “

Frénétique, il s'ébat dans une lutte désespérée contre le feu incontrôlable. Dans ce chaos visuel et sonore, Moana, l'œil luisant de haine, saisit un deuxième stylet de sa poche et d’un coup sec, le plonge dans la poitrine de son adversaire, profitant de sa vulnérabilité.

Ainsi, les barres au dos se brisent dans la foulée, signifiant l’état critique de Pico.

Un croche-patte sournois se poursuit. L’équilibre rompu, Pico s’abat au sol, le corps lourd et inerte. Sans hésitation, Moana se baisse pour saisir l’autre stylet par terre, et le plante dans le crâne de sa cible, un geste brutal mettant un terme définitif au combat.

Le choc de la victoire fulgurante de Moana nous fige. La brutalité de son assaut met à nu une facette de sa personnalité jusqu'alors insoupçonnée, laissant entrevoir un cœur aussi froid que son regard.

À peine l'affrontement terminé, je déchire ma tunique avec une hâte fébrile.

Parallèlement, Maïko et Hazel s’empressent de venir à la rescousse de Shailly, puis, le bandage improvisé, je cours en leur direction. J'applique sur la plaie béante le bandage, tentant d'endiguer l’hémorragie qui s’en échappe.

_ Memba : “ Humm, très intéressant. “ dit-il, sans transparaître la moindre émotion pour son camarade éteint

Les stylets encore sanglants, Moana les arrache de la chair inerte. Elle se relève et avance à pas lents vers son prochain duel.

Puis, les pupilles, deux gouffres noirs, se lèvent et se plantent sur Memba, prête à l’engloutir.

_ Moana : “ T’es le prochain. “

La provocation de la cheffe, aussi sûre d'elle, allume en Memba une mèche de colère qui ne tarde pas à embraser tous ses sens.

_ Memba : “ Reste à ta place insolente ! “

Comme une flèche lâchée d'un arc, il fonce sur cette dernière, sa lame vibrante d'une intention meurtrière. Mais la jeune femme, agile, esquive l'attaque avec une aisance déconcertante. Se dérobant de l’assaut et avec une froide détermination, elle enfonce son stylet dans le flanc de son adversaire.

Stabilisé sur place par la contre-attaque, Moana, croyant le combat plié, se relâche. Mais du coin de l'œil, un sourire malicieux sur le visage de son ennemi apparaît dans sa vision, la surprenant.

Un coup de poing, d'une violence inouïe, fuse vers son crâne. Ses bras, levés à l'instant précis, parviennent à détourner le coup de peu. L'impact la propulse violemment à plusieurs mètres. Le visage impassible, elle contemple les dégâts infligés à ses membres, comprenant la puissance de son adversaire.

_ Memba : “ Ce n’est pas de cette manière que tu m'élimineras. “

Le stylet retiré de son flanc, il constate que son poing dégage une légère vapeur. Un sourcil se hausse.

_ Memba : “ Mon poing chauffe. Que se passe-t-il ? “

Un geste ample se dessine à l'horizon, un bras tendu, la paume ouverte comme une invitation.

_ Moana : “ Pourtant tu es déjà mort. “

Elle renferme la paume de sa main et dans l’immédiat, le poing de Memba s’enflamme considérablement.

La folie l'envahit, il se débat comme un damné. La douleur, insupportable, le pousse à l'extrême. D'un coup de lame sec et précis, il se tranche la main, un cri déchirant s'élevant vers le ciel.

Au même moment, Edna, encore chancelante, comme sortant d'un long rêve, se redresse lentement. Ses yeux, embrumés, se posent sur la scène qui se déroule sous ses yeux. Assise, elle est spectatrice impuissante d'un tableau macabre : Memba, grimaçant de douleur, une main en moins. Et non loin, Pico, figé dans la mort. Un spectacle saisissant qui la laisse sans voix.

Edna : “ Putain mais… c’est quoi ce délire ?? “

Reprenant péniblement ses esprits, Memba lève ses pupilles, le regard noir de colère. Balayant des yeux l'espace environnant, à la recherche de son adversaire, il s’étonne de voir sa cible volatilisée.

Une ombre colossale s'étend à ses pieds, obscurcissant son champ de vision. L'élevant vers le ciel, il distingue enfin sa proie, mais un sentiment de répugnance le saisit. Il réalise avec amertume qu'il est à la merci de son vis-à-vis.

À quelques mètres simplement, elle concentre sa Source en un point et au contact du dernier, dégage une énorme fumée de particule carbonisant progressivement Memba.

Peu après, il s'écroule lourdement, son corps massif s'étalant sans vie sur le sol.

_ Kona : “ J’en reviens pas… “

_ Son : “ C’est fou... “

_ Ayden : “ C’est juste hallucinant. Je pense ces deux combats cumulés ont à peine duré cinq minutes et elle vient de gagner sans difficulté. “

Au loin, la même stupéfaction se dessine chez l’ennemi.

_ Edna : “ Mais… Comment… D’où sort cette meuf ?? “

Les yeux de Moana, deux puits sans fond, se tournent vers Edna. Un lien invisible, troublant, s'établit entre leurs regards. La terreur la saisit, la laissant muette et pétrifiée.

_ Edna : “ Qu'est ce qui me prends ? Je tremble vraiment ?? Moi aussi je vais… “

_ Moana : “ Dégage. “

La Recluse écarquille ses yeux, toujours le visage pâle, la sueur au front, sans dire le moindre mot.

_ Moana : “ Je t'ai dit de dégager. Disparaît de ma vue. “

Épouvantée, Edna se redresse complètement, son corps tendu, puis s'exécute sur le champ. Sans un mot, elle s’engouffre dans la forêt, sa silhouette se perdant dans l’obscurité grandissante.

Moana, légèrement apaisée, se dirige vers le corps inanimé de Jenna. Elle la recueille avec délicatesse, et la dépose au pied d'un arbre ombragé. Fermant les yeux de notre défunte amie, elle lui offre un dernier adieu silencieux.

Le parchemin récupéré, elle s'avançe cette fois-ci vers Shailly, ayant reçu déjà les premiers soins. Mais un obstacle inattendu se dresse sur son chemin. Un orphelin, les bras grands ouverts en signe d'arrêt, barre son passage.

_ Son : “ Ne vous approchez pas. “

_ Moana : “ … “

_ Son : “ On vous remercie de nous avoir sauvée. Mais maintenant, vous comptez récupérer Shailly et nous autres, pour nous sacrifier au village. C’est hors de question ! “

_ Maïko : “ De toute façon, on ne peut pas se permettre de retourner au village. Shailly ne tiendra jamais aussi longtemps ! “

Le visage impassible, elle fixe chacun d’eux.

_ Moana : “ De quoi vous parlez ? On part en direction du Village Sainté. “

Très étonné de cette réponse, chacun s'échangent des regards interrogateurs.

_ Moana : “ Entre chef, ce sera plus facile de négocier pour obtenir de l’aide. “

D'un geste recueilli, elle soulève le corps de Shailly pour la déposer sur ses épaules.

_ Moana : “ Maintenant allons-y. “

Dans un lent cortège, nous nous enfonçons à notre tour, dans les entrailles obscures de la forêt, laissant à jamais derrière nous leur dépouille.