UNE AUTRE VIE
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UNE AUTRE VIE
Lorsque le courrier lui parvint, il était perdu au milieu d’un continent depuis des jours, des semaines, des mois.
Aucun réseau ne polluait son espace. Aucun ami Internet ne lui demandait un service.
Toute sa vie, il avait fait attention aux autres, souvent à son détriment, parfois par amour, parfois par innocence, parfois par bêtise.
Dans toutes ses activités antérieures, quelque soit son intérêt, il avait cherché à apporter un peu de compréhension, de compatissance, en refusant parfois de contracter s’il n’était pas convaincu du besoin chez son interlocuteur.
Là où il est, dorénavant, il n’a pas, il n’a plus d’utilité pour ses voisins, pour les personnes qu’il côtoie.
Aucun ne demande mais chacun offre.
La vie est dure ici, on y subit tous les climats, toutes les tempêtes, toutes les plaies d’Egypte ou d’ailleurs.
Chaque chose impose un effort démesuré. Surtout à son âge.
Si ses voisins se sont demandé les raisons qui l’ont poussé à venir, ou plutôt à s’arrêter, ils ne lui ont pas posé la question.
Tant par manque de curiosité que par volonté de celer les leurs.
Ils sont là. Il est là.
C’est un monde complet, une société multiple mais unique où chacun a développé des compétences indispensables à l’ensemble.
Celui qui sait construire un abri, celui qui connait les plantes qui soignent, celui qui fabrique des outils ou les répare, celui qui ne craint pas de suturer les plaies avec ce qu’il a sous la main ou de remettre en place les os fracturés, celui qui trouve les insectes comestibles et les rongeurs délicieux, celui qui sait le temps à venir, celui qui raconte des histoires, plutôt des contes, des légendes, ou celle qui aime.
Parfois l’un d’entre eux retournait vers la ville, pour un trajet de plusieurs jours, et un séjour, là-bas, le plus court possible.
La carriole et son cheval fourbu revenait avec quelques objets et un peu de courrier en réponse à celui que l’un d’eux avait porté des mois auparavant.
Parfois, un visiteur passait chez eux, souvent perdu, en réalité. Il restait le temps de se repérer, de se remettre et de découvrir.
Quelques-uns, très peu, restaient, sans ressentir la moindre envie de laisser une trace, un message ou un au-revoir.
Dans les faits, les seuls qui partaient rejoignaient les quelques tombes creusées à l’Est du village, ou plutôt du camp.
Trop occupé à son silence, il mit plusieurs jours à se décider d’ouvrir cette enveloppe.
Le « Cher Monsieur » le choqua, oublieux qu’il était de la vie sociale qu’il avait menée.