Le moineau
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Le moineau
Il était un moineau, dont la robe commune
N’avait d’autre fureur que lui donner rancune.
Que donc ressemblait-il à une prune ailée,
Mauvaise fortune par l’été oubliée ?
À chaque jour passé, son bahut contemplant,
Que d’impétuosité dans ce maigre tourment !
Du monde des Très Grands où règne faramine,
À jamais rejetée une si triste mine.
Il lui fallait trouver, jeune conquistador,
De quoi décapiter ses aspects de butor,
Mais comment réussir quand l’on est faible encore,
Et sans le moindre atout, dépourvu, triste sort ?
Peut-être fleur de lys, à ses plumes accrochée,
Égaierait ses atours et modestes livrées ?
Délusoire recours que ce vieil appareil,
Qu’importe Nature quand il n’y a point d’oseille !
Il n’est plus chez les Grands, valeur digeste aucune,
Tout juste une passion pour ‘moiselle Fortune !
Si à ses fats modèles il voulait ressembler,
De manger tout l’hiver, il devrait se passer.
Chaque mois à jeûner fut une fière souffrance,
De celui qui s’abnie aux dépens de sa panse,
Que veux-tu mon enfant, il est parfois démence
Qui prend le cœur de l’Homme et appelle navrance...
C’est ainsi qu’au sortir de l’hiver notre sot,
Chez Messire Tailleur se rendit le cœur haut :
Combien il serait beau dans ce drapé de soie,
À la mode dernière et la mode des rois !
Stupeur et tremblement en ce lieu d’exception,
Mais comme l’on grandit lorsqu’on porte doublons :
« Le meilleur je désire, dépêchez, je vous prie,
De votre Maisonnée la meilleure soierie ! »
On s’empresse, furie, on court à perdre haleine,
Voilà notre petit l’allure suzeraine.
Du monde des Très Grands, sublime phénomène,
Grande la porte ouverte et les soirées mondaines.
Mesdames et Messieurs, acclamez la nouvelle :
Votre monde est conquis, tombée la citadelle !
En ce jour bienheureux a triomphé Gandin,
Que s’affaissent genoux et soient baisées ses mains.
En ce siècle où tout peuple, à folie est en proie,
Où mauviette du jour connaît destin de roi,
Intouchable Pierrot qui a ravi la foule
Et, du haut de sa lune, commande à la houle.
Il ne saurait plus être autre parole aucune,
Que la sienne, chapitre, à connaître tribune,
De son pas contempteur, ô maîtresse pécune,
Adorons la gageure, oublions la commune.
À ses pieds désormais notre vie misérable,
La moinelle en grouillis, la louange implacable !
Que notre dictionnaire ouvre donc ses feuillets,
À toutes les grandeurs le modeste au rabais.
Mais déjà le temps passe, et le monstre odieux,
Se révèle, souffrance, à nos cœurs douloureux :
Il ne saurait miroir dont l’humeur volatile,
Atténue la douleur de la mire infertile.
Ô terrible agonie, de l’amour qui se lasse :
Quand sentiment n’est plus et que survie Disgrace,
À la mode toujours cet appétit vorace,
Qui mange l’Arlequin et cuisine Paillasse.
C’est ainsi qu’au sortir de l’été notre sot,
En son nid malaisé redevint un zéro,
À jamais refermé le monde des Très Grands,
Il n’est donc de pitié pour le fil triomphant !
Abandonné de tous, la clignotante hagarde,
Sur les bancs de l’école, atterri par mégarde,
Pierrot découvre Vie, sagesses et Pensée,
Leçon est retenue, nouvelle éternité.
Société se mesure à l’aune du modèle
Qu’elle donne à aimer, idée de l’éternel,
Prends garde mon enfant de n’oublier poète,
Le pouvoir n’a de faîte que celui qu’on lui prête.
Jérôme Pace.
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[Illustration : Miroir miroir... (©Clarisse Pace)]