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Retraite chamanique et diete de plantes à Takiwasi

Retraite chamanique et diete de plantes à Takiwasi

Pubblicato 16 gen 2024 Aggiornato 14 apr 2024 Viaggi
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Retraite chamanique et diete de plantes à Takiwasi

mai 2023

 

Clou ou aboutissment de mon voyage sur les traces du chamanisme amazonien, j'arrive donc à Tarapoto pour rejoindre le centre Takiwasi, et participer à une retraite diète de plantes pendant 10 jours, isolé en forêt amazonienne.

Takiwasi est un centre fondé par Jacques Mabit, médecin français et humanitaire, venu au Pérou en 1980 pour gérer une mission pour le compte de MSF. C'est dans ce cadre qu'il découvre et s'intéresse aux médecines et pratiques traditionnelles péruviennes, à propos desquelles il va débuter des recherches auprès de l'institut français de recherches andines puis bénéficier d'initiations auprès de guérisseurs traditionnels. C'est dans sa rencontre répétée avec l'Ayahuasca qu'il entend un appel l'incitant à créer un centre de prise en charge des toxicomanies par le biais des plantes.

Statut d'ONG, Takiwasi est ainsi fondé en 1992, en se fixant comme cadre une prise en charge interculturelle alliant savoirs médicaux modernes et traditionnels pour une prise en charge globale du patient, tant au niveau physique que psychique et spirituel. Utilisant l'intermédiaire des plantes, de la psychothérapie et de la psychanalyse, Takiwasi offre ainsi un cadre adapté et rassurant pour ceux qui veulent bénéficier d'une approche chamanique pour la prise en charge de leurs problèmes de santé mentale. Takiwasi reste également un centre de recherche et de promotion des savoirs et de l'utilisation des plantes médicinales et sacrées de cette médecine traditionnelle, et participe ainsi à de nombreux travaux et conférences institutionnelles et académiques sur les bienfaits de ce patrimoine culturel du Pérou.

Depuis plusieurs années, face à l'interêt et la demande croissante des Occidentaux, ils organisent des diètes de plantes pour des personnes ne souffrant pas de problèmes d'addiction ou de santé mentale, mais désireuses de ce cadre sécurisé pour bénéficier de ces médecines et de cette approche. Ce n'est en effet pas seulement l'usage contrôlé de plantes, mais aussi une conception différente du fonctionnement de l'être humain, des dysfonctionnements qu'il peut rencontrer, du soin pour participer de sa guérison. Une conception chamanique, cherchant à recréer du lien entre le monde visible et le monde invisible, entre la partie consciente et inconsciente de la psyché humaine, entre la Nature enseignante et l'Homme qui doit se repenser comme faisant partie d'un Tout et non séparé et indépendant de son environnement.

C'est donc ici que je débarque, et où je rencontre Françoise, une belge déjà venue il y a 10 ans à Takiwasi, et revenant aujourd'hui pour travailler d'autres thématiques profondes et enfouies qui la concernent. Tout de suite, nous nous entendons bien et partageons nos compréhensions respectives du fonctionnement du monde et du chamanisme. Elle-même a déjà fait un gros travail sur elle-même et d'exploration de ce qui peut animer l'être humain ; elle me parle de conceptions parfois très esotériques que j'apprends à écouter et approfondir, et me dit venir nettoyer des mémoires individuelles présentes/passées et familiales qu'elle sait ne pas être en mesure d'atteindre sans l'accompagnement du travail des plantes pour aller dans les profondeurs.

La retraite à Takiwasi commence par une phase préparatoire avec la prise d'une purge intestinale, puis d'une plante vomitive 2 jours après, au décours de laquelle nous sommes amenés à boire de l'eau tiède en grande quantité pour favoriser les vomissements et le nettoyage. S'ensuit la prise de Mucura, et la réalisation de bains de fleurs et plantes aromatiques, afin de nous préparer à la session d'Ayahuasca le soir-même. Le lendemain de la session, nous prenons la route pour la forêt, où nous allons gagner chacun notre Tambo, petite cahute de bois de 6m2 dans laquelle siègent un lit et un hamac, lieu dans lequel nous allons rester isolé pendant 8 jours complets.

Interdiction de déambuler dans la forêt ou d'aller à la rencontre des autres. Nous devons rester à proximité immédiate de notre Tambo, et sommes uniquement autorisés à aller une ou deux fois à la rivière pour faire notre toilette. Si nous croisons quelqu'un, nous devons faire demi-tour et éviter de croiser les regards, ne jamais se parler. Nous n'avons le droit à aucun appareil électronique, aucun téléphone portable ; seuls des livres, du papier et des crayons sont autorisés. Au niveau alimentaire, on nous apporte deux fois par jour du riz blanc bouilli sans sel et des bananes vertes. Le but de ces règles est de limiter au strict minimum les stimulations par une véritable mise à distance de toutes nos sources de distraction et de divertissement habituelles, afin d'entrer le plus possible en communion avec la nature qui nous entoure.

En parallèle, un curandero nous apporte trois fois par jour du jus de la/des plantes qui ont été choisies pour traiter les problématiques que nous avons soulevées lors d'un entretien préalable avec un psychologue. Ces plantes ne sont pas psychodysleptiques, c'est à dire qu'elles n'altèrent pas le fonctionnement ordinaire de notre pensée ou de notre conscience, contrairement à l'Ayahuasca. Le but est, là encore, d'entrer en relation avec la plante et de se laisser apprivoiser par elle, durant cette diète qui dure 8 jours. C'est en effet ainsi que travaillent les chamans, dans leur long apprentissage de l'usage des plantes, qu'ils apprivoisent successivement au cours de retraites isolés en forêt, pouvant durer quelques jours à plusieurs semaines voire mois selon la plante et son pouvoir. Pour manier correctement une plante, il faut l'avoir pratiquée et s'être fait accepté par elle. Les plantes maitresses et sacrées comme l'Ayahuasca, le tabac, la coca, demandent souvent une rencontre plus prolongée et répétée pour bien les maîtriser. Sinon, on se fait piéger par manque de compréhension et de communion avec elles, donnant lieu aux dérives d'usage et aux addictions si propres à la société occidentale. Ce n'est pas la substance qui est une drogue : c'est l'usage qu'on en fait ! Cet apprivoisement et le développement de la communication entre le chaman et la plante est précisément à la base de son savoir et de ses pratiques.

Il est encore important de préciser que tout ceci nécessite également des règles strictes de régime alimentaire et d'abstinence sexuelle quelques jours avant et jusqu'à un mois après. Pas d'alcool, de tabac ni d'usage d'aucune drogue ou autre plante maitresse. La consommation de médicaments est soumise à vérification et approbation de Jacques pour éviter les interactions. Pas de sucres, fruits compris, pas de graisses ni de fritures, pas de viande de porc ou de bœuf. Pas de pratiques sexuelles même individuelle. Il s'agit d'une véritable préparation physique et psychique pour maximiser la capacité de rencontre avec la plante et prolonger son pouvoir guérisseur au décours de la cure, qui va agir aux trois niveaux de notre être. A ces conditions préalables seulement, vous êtes autorisés à participer à la diète.

 

Que dire pour ma part de cette expérience ?

Tout d'abord, Jacques Mabit n'était pas là ce mois-ci, parti en congés en France, et je n'ai donc pas pu le rencontrer. J'aurai aimé pouvoir rencontrer ce personnage très renommé et très impliqué à propos des ponts entre médecine traditionnelle et médecine moderne, de la promotion de ces approches et conceptions plus globales de ce qui anime le monde et le fonctionnement des humains, sur les dangers et risques également de ces approches. Il met souvent en garde désormais sur le néo-chamanisme et cette frénésie de l'expérience chamanique occidentale actuelle, utilisant ces plantes sacrées sans aucun cadre structurant, débarquant naïvement en Amérique du Sud sans prudence ni conscience des enjeux de pouvoir et des manipulations qui peuvent se cacher derrière des chamans ou des apprentis chamans peu consciencieux, avides de pouvoir ou incompétents. Le chaman n'est pas forcément un sage ou un gourou ! C'est la connaissance et l'usage qu'il fait des plantes qui le rend sage ou dangereux, magicien blanc ou magicien noir.

 

Dans la Maloca

La séance d'Ayahuasca, quant à elle, répondait vraiment au cérémoniel chamanique très codifié. Elle a eu lieu dans une Maloca, sorte de grand tipi circulaire construit en bois et recouvert d'un toit de paille. Le maître de cérémonie, un psychologue de la structure, etait accompagné de plusieurs curanderos et curanderas (celui ou celle qui soigne) avec qui ils ont animé la séance. Chantant en boucle des Icaros (chants rituels) aux sonorités très particulières et étranges, accompagnés d'instruments comme des maracas, des éventails de plumes ou de feuille qu'ils agitent, fumant des Mapachos, cigarettes de tabac brun non transformé (le Tabac est une des grandes plantes maîtresse pour les chamans), ils posent le cadre (le setting) qui va nous accompagner durant toute la nuit dans notre voyage. L'intention et la démarche avec laquelle nous abordons cette expérience (le set) est le deuxième pillier du rituel, le troisième étant la plante elle-même et ses vertus (rôle d'étincelle). Au moment de boire l'Ayahuasca, le maître de cérémonie chante un Icaro, souffle dans la bouteille une mélodie dont il sort une sonorité particulière, aspire ensuite trois grosses bouffées de mapucho qu'il souffle à la surface du verre, puis nous le tend.

Je le bois d'un trait, puis je vais me rasseoir en attendant que chacun soit servi et que la plante fasse son effet. Quelques sensations flottantes au début, quelques insights dans mon dialogue avec la Madre, mais je n'aurai pas l'impression de véritablement décoller ou d'accéder à un autre niveau de conscience durant la soirée. Je sens l'effet, mais celui ci reste très modéré. Je ne suis pas pris de nausées ni de vomissements, je ne sens pas le feu à l'intérieur de moi. Un peu déçu, je cherche toutefois à profiter de ce qui s'offre à moi et autour de moi en cet instant, en observant l'ensemble du déroulement du rituel.

Il fait nuit noire, nous ne voyons absolument rien. A côté de moi, certains vomissent toutes leur tripes. Je compatis, je me rappelle que ce travail, aussi éprouvant soit-il, est salvateur et participe d'un assainissement, et est donc bénéfique à plus long terme pour celui qui passe par là et subit la purge temporairement. J'entends les icaros se succéder, chanté d'un curandero à un autre alternativement. J'entends également toute la circulation des curanderos, qui passent de l'un à l'autre des participants, en fonction de ce qu'ils perçoivent, pour réaliser certaines pratiques de nettoyage et de libération de choses enfouies et demandant à sortir.

Le curandero, quand il se met face à moi, vient me souffler trois bouffées de mapacho au niveau de la fontanelle. Il peut en souffler aussi d'autres sur le reste de mon corps, au creux de mes mains qu'il a joint. Il agite frénétiquement son éventail de plumes ou de plantes sur l'ensemble de ma tête et de mon corps, tel un balai pour m'épousseter. Il prend ensuite dans la bouche de l'Agua de Florida, une eau de fleurs parfumée, qu'il va me souffler puissamment sur le corps et au niveau du visage. Parfois, il reste quelques secondes avec moi, puis s'en va. A d'autres moments, il peut rester plusieurs minutes pour une pratique plus longue, s'apprête à repartir, revient à moi pour reprendre son travail de nettoyage qu'il estime incomplet.

Que sent- il ? Que perçoit-il ? Comment sait-il que j'ai besoin d'un travail à tel moment plutôt qu'à tel autre ? Pourquoi se lève-t-il et se dirige-t-il d'un pas déterminé, dans le noir, vers une personne précise plutôt qu'une autre ? Pourquoi m'ignore-t-il pendant une autre partie de la soirée, passant devant moi sans jamais s'arrêter ? Là réside tout le savoir et la force du curandero, sa capacité à voir des choses que nous ne percevons pas ; bref, à entrer en communication avec le monde de l'invisible...

Vers la fin de la cérémonie, chacun est appelé successivement devant un curandero pour peaufiner le travail de nettoyage. Là, il passe une bonne dizaine de minutes à pratiquer l'ensemble de ces rituels alliant les puissances de l'eau, de la terre, du vent, du feu et de la fumée, en même temps qu'il chante un Icaro choisi. Je suis en ma position d'observateur véritablement impressionné par un curandero particulier. A chaque fois qu'il prend en charge quelqu'un, on entend dans le noir des raclements de gorge et des éructations très sonores, sortant d'outre-tombe, qu'il recrache ou vomit ensuite dans un seau à côté de lui, aspirant puissamment le dessus de la tête comme il aspirerait du venin, afin de nettoyer en profondeur tout ce que le pratiquant n'a semble-t-il pas réussi de lui même à évacuer. C'est terrifiant et fascinant à la fois, je me demande quel mal immonde et très profond il va chercher, je me dis que quand on passe avec lui on doit se dire « mais y a toute cette merde encore en moi ? », on doit le bénir de bien vouloir faire ce travail peu ragoutant à notre place ; mais je ne passerai malheureusement pas avec lui.

La cérémonie se termine. Je peux de mon côté aller évacuer ce que j'ai besoin d'éliminer par le bas. Puis nous nous allongeons tous dans la Maloca pour terminer notre nuit déjà bien entamée, exténués mais apaisés désormais.

                                                                            chapelle de Takiwasi

 

Dans la Tambo

Les 8 jours dans la Tambo, quant à eux, sont un moment de vie très particulier à traverser. L'ennui est là, indéniablement, qui ponctue chaque journée. J'essaie de le traverser au mieux, de l'accueillir et de l'accepter, de m'ouvrir au maximum à l'écoute de la nature. Je passe de longues heures allongé dans mon hamac, à regarder les arbres et à me laisser hypnotiser par eux, par le vent dans les feuilles, par les formes serpentines des lianes qui pendent. Je suis très surpris de voir que certains endroits très précis, certaines branches notamment, sont animées d'un mouvement permanent et parfoi très agité, quand c'est le calme plat tout autour d'elles. J'écoute le bruit de la nature, du vent, le chant des oiseaux que j'observe dans le ciel.

Chaque jour, un colibri, cet oiseau qui se manifeste à moi si régulièrement dans mes explorations chamaniques et durant ce séjour, vient me rendre visite. Le premier jour, j'entends une vibration très intense se déplacer à proximité immédiate de ma tambo ; puis toujours très fugace, disparaît. Je m'interroge. Bourdonnement d'insecte ou battement d'ailes très rapide du colibri ? Le lendemain, allongé dans mon hamac, j'entends de nouveau cette vibration ; le colibri est face de moi, à l'entrée de ma tambo ; il m'observe le temps d'une seconde ou deux, puis disparaît de nouveau. Je le vois repasser au dessus de ma tête le 4ème ou 5ème jour ; passer un peu plus à distance d'autres jours. Vraiment, le colibri s'est manifesté à moi à de nombreuses reprises durant ce séjour, et revêt une dimension symbolique très forte pour moi.

Quand je ne suis pas dans mon hamac, je m’assois sur une chaise à l'extérieur. J'observe notamment de longues heures des colonnes de fourmis transporter des petits morceaux de feuille déchiquetées, je m'amuse à perturber leur colonne et les phéromones déposées au sol pour marquer le chemin, je suis fasciné par leur capacité à rétablir rapidement la continuité de la colonne, dense. J'essaie également de méditer et pratiquer un body scan complet tel qu'appris dans une expérience de retraite très similaire de Vipassana au Népal. Je m'y attelle chaque jour, mais j'ai parfois du mal à y parvenir, perturbé par les nombreux moustiques qui viennent se déposer et piquer la moindre surface exposée de mon corps. Je joue avec les branches, les cailloux, les lianes, pour essayer de passer le temps. Je passe également de longues heures à lire plusieurs livres récupérés à la bibliothèque de Takiwasi, très fournie en romans divers et essais philosophiques, psychologiques, botaniques, chamaniques, et parfais ainsi mes lectures nombreuses et très orientées chamanisme durant ce voyage.

Ma journée est rythmée par deux moments très importants. Ma baignade à la rivière, deux fois par jour, qui me fait sortir du périmètre restreint de ma tambo et me fait beaucoup de bien. Vous me connaissez, j'adore l'eau. Le chemin est très boueux, il faut mettre des bottes pour accéder à la rivière. J'y fais ma toilette et m'allonge tout nu dans l'eau fraiche, passe ma tête sous la petite cascade, contemple la nature de ce nouveau point de vue. Une sensation de retour aux sources très agréable et profonde.

Et en second lieu, les repas et la diète de plantes. Certains choisissent de jeûner pendant plusieurs jours ou tout le séjour. Pour ma part, j'y pense un moment mais je comprends rapidement que c'est un moment trop important et structurant de ma journée pour m'en priver ! C'est totalement insipide, mais qu'est ce que ça fait du bien de se mettre quelque chose dans la bouche ! Je savoure ces moments de repas, prends le temps de chaque bouchée, me concentre sur le plaisir de la consistance de la banane dure mélangée à l'aspect gluant du riz, à défaut du goût, inexistant.


                                                                                    ushpa washa sanango

                                                                                            Chuchuwasi

Quant à ma diète de plantes, je diète deux plantes : La Ushpa le matin et le midi, le Chuchuwasi le soir. La première est très amère ; on m'avait prévenu ! Je retiens un effort de vomissement après chaque gobelet pris, servi très généreusement, que je préfère boire d'un trait pour ne pas avoir à y revenir. Le chuchuwasi, quant à lui, est un jus d'écorce assez âcre, d'une couleur rouge pourpre-marron, mais passe mieux. Je me nettoie la bouche malgré tout après chaque verre de boisson. Je ne ressens aucun effet particulier suite à l'ingestion de ces plantes.

Le 4ème jour, au milieu de la cure, le curandero vient procéder à un nettoyage en me soufflant des bouffées de Mapacho sur le sommet du crâne, puis me sert un verre de jus de tabac. Si le goût passe relativement bien, je sens rapidement une chaleur gagner ma poitrine, des nausées me gagner, une grande fatigue m'envahir. Je vais m'allonger, un peu hébété et sonné, sur mon lit. Je sens que ma psyché est agitée d'images fugaces, qui vont et viennent dans une sorte de rêve éveillé. Un travail se fait, profond et peu conscient, venant renforcer le travail des deux autres plantes ; et je suis surpris de boire ensuite les jours suivants mes décoctions sans plus aucune appréhension ni réflexe de rejet. Le processus d'acceptation mutuel est en cours ! Je poursuivrai pendant 1 mois après la retraite ma diète par la prise en gouttes de concentré de chuchuwasi.

Enfin, Uriel, mon psychologue attribué, vient me rendre visite 2 fois dans le séjour pour voir comment je supporte cette retraite, comment je dors, quelles pensées et rêves m'animent. Etant allongé et nous reposant la plus grande partie de la journée, les nuits, rythmées par la pénombre qui survient à 18h jusque 5-6h du matin, sont parfois longues. Je parviens toutefois à dormir, malgré plusieurs réveils et besoins très fréquents d'uriner (le chuchuwasi est il un diurétique?). Moi qui ne me souviens quasi jamais d'avoir rêvé, je parviens à me souvenir de rêves très particuliers. Par moments, je rêve de plats et de mets succulents. A d'autres moments, certains membres de ma famille ou des personnes auxquelles je tiens viennent me rendre visiter et échanger. Il y a des êtres symboliques, des animaux totems qui peuvent aussi venir se manifester. Je ne sais comment interpréter réellement tout ça, mais je l'observe et l'accepte comme partie prenante de l'expérience.

La fin de la diète est marquée par un grand son de trompette. Nous sommes invités à quitter notre tambo et gagner la maison des gardiens, où une divine soupe de légumes salée avec cuisse de poulet morceaux de pain et infusion de plantes nous attend. Que ça fait du bien de se retrouver ! Que c'est bon de partager un repas qui a de la saveur ! C'est la meilleure soupe que j'ai jamais mangée !! Nous avons tous en effet perdus quelques kilos. Certains qui ont jeûné, sont assez livides. Mais tous sont contents. Nous échangeons notre vécu, notre expérience de cette retraite, de la diète de plantes, des manifestations que nous avons pu observer en forêt et dans notre propre corps. Nous regagnons notre tambo pour une dernière nuit avant de retrouver la civilisation et Tarapoto.

Je passe encore quelques jours avec Françoise. Nos conversations sont toujours aussi passionnantes. Difficile avec nos restrictions alimentaires de savoir quoi boire en dehors d'une citronnade, de ne pas pouvoir manger les délicieux patacones frits (banane plantain) qui accompagnent notre assiette. Nous dégustons toutefois de savoureux poissons cuits dans des feuilles de bananier typique de la Selva, des ceviches de poisson à tomber, du poulet en sauce accompagné de salade et de riz. Le sucre me manque terriblement, j'ai de envies de sucre irresistibles qu'il me faut chasser régulièrement de la tête. Pour Françoise, c'est plutôt la cigarette. Mais nous tenons bon.

 

C'est l'heure du départ. Nous nous embrassons chaleureusement, et un petit rikshaw (taximoto à 3 roues, comme en Inde) vient me déposer à l'aéroport. Direction Lima, pour pouvoir ensuite rejoindre Quito. La voie par la route aurait été trop longue, 4 à 5 jours au moins ! Il me reste encore une dizaine de jours avant de rentrer en France, et je vais en profiter pour découvrir le nord de l'Equateur, au dessus de Quito.

Au revoir, Pérou ! Tu es vraiment un pays fascinant qui me marque en profondeur à chaque fois. Ce n'est pas la dernière fois que nous nous rencontrons, c'est certain...

 

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