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Rencontres
Peu à peu, le voilà qui reprend pied avec la réalité et nous nous retrouvons à échanger de nouveau au sujet de toutes sortes de thèmes
Il y a bien longtemps que je n’ai pas ouvert la page à des textes de Jean-Marie Delthil. Je le fais maintenant en pensant aux personnes présentes dans les maisons de retraite et à celles que l’on n’a pu saluer pour cause de Covid.
Certains parlent de guerre bactériologique. Est-ce vrai selon la volonté des puissants ? Théorie du complot ? Toujours est-il que tout citoyen est directement concerné et que nous sommes inévitablement invités à considérer les limites du pouvoir humain. Mais nous ne pouvons en faire une fatalité.
François, à la suite du Haut-Comité pour la fraternité humaine invite tous les croyants à une prière pour l'humanité le 14 mai contre le Covid-19. Il propose également d'observer le jeûne et de participer à des œuvres de miséricorde. N’oublions pas de nous adresser à Dieu lors de cette crise du Covid-19, « danger imminent menaçant la vie de millions de personnes dans le monde ». C'est pourquoi le Comité appelle « tous les humains partout dans le monde de s’adresser à Dieu en priant, en observant le jeûne, en faisant des œuvres de miséricorde et en L’invoquant - chacun là où il se trouve selon sa religion, sa croyance, ou sa doctrine – de mettre fin à cette pandémie, de nous Sauver de ce malheur et d'inspirer les savants les moyens permettant de découvrir un remède susceptible de réduire à néant cette pandémie ». Voir ci-dessous la vidéo.
Jean-Marie Delthil : Virer le virus !
Virer le virus – de nos âmes !…
Hier après-midi : il faisait sur notre région un temps plus sombre que la mort… Alors je suis allé rendre visite à mon très bon copain et fidèle Ami : Claude.
Maison de retraite de Châtillon-sur-Loire… les consignes de lavage des mains… et je trouve Claude endormi devant le poste de TV, parmi une petite dizaine de pensionnaires passablement ralentis.
Je le salue… il s'éveille doucement, lentement – me reconnaît tout d'abord à peine, puis, et sans transition aucune, me fait part du fait qu'il va “crever !”, comme ça… il me le répète, et me le répète encore ; il me parle de “destin”…
Il est triste, et comme il n'a jamais été.
Accablé.
Nous entamons alors lentement la discussion...
Peu à peu, le voilà qui reprend pied, qui reprend pied avec la réalité… et nous nous retrouvons à échanger de nouveau – et comme nous avion d'ailleurs tellement de plaisir à le faire par le passé – au sujet de toutes sortes de thèmes, des plus triviaux aux plus philosophiques, encore.
Bien souvent, nous éclations de rire en abordant tel ou tel point – souvent très sérieux, d'ailleurs – et voilà bien le succès de nos âmes… point de dérision, non... mais une certaine élégance des choses, de la lecture des choses – une certaine distance, une noblesse dans le bon sens du terme.
Claude, en ce jour, avait littéralement illuminé ma journée !
Jean-Marie Delthil. Bonny-sur-Loire, le 9 mars 2020
Gaël Faye
Il m’importe également de citer Gaël Faye qu’un ami rwandais vivant en Finlande vient de réveiller dans ma mémoire. Ce que je découvre sur France-inter est plein d’émotion et de vérité. Les guerres qui accablent l’humanité devraient nous instruire. Or, il se trouve que même si nous disons : « désormais plus rien ne sera comme avant ; nous avons compris la leçon », par inertie de chacun d’entre nous peut-être, tout redevient comme avant.
Gaël Faye « est né au Burundi. Il est auteur, compositeur, interprète et écrivain. En 2016, il publie "Petit Pays". Au début de l'épidémie, il contracte le Covid 19. Dans cette lettre adressée à un ami d'enfance, il met en doute la capacité des nos sociétés à tirer profit des enseignements du passé. Source de la photo.
Reims, le 27 avril 2020
Mucyo, mon ami,
Le début de cette étrange période s’est joué dans une sorte d’épais brouillard. Le médecin m’avait mis en quarantaine. Le virus avait tissé sa toile dans mes poumons, c’était comme si mon thorax abritait une volière où s’ébattaient des oiseaux en feu.
Pendant ce tour de grand huit, maintes fois j’ai sombré dans des fatigues qui me ramenaient aux crises de paludisme de mon enfance, quand je divaguais, fiévreux, et que ma grand-mère à mon chevet, me forçait à ingurgiter sa bouillie de sorgho.
Durant cette période de maladie, j’ai souvent rêvé de toi
De ces dimanches d’ennui, où pour tuer le temps, nous tournions des heures entières autour de la petite maison verte de ma grand-mère, laissant nos mains courir sur le crépi rêche. On faisait bon manège !
Aujourd’hui, le monde est un carrousel à l’arrêt. Ma grand-mère vient de partir et je ne pardonnerai jamais à ce foutu virus de m’avoir empêché de lui faire un dernier adieu.
Dès que je m’en sentirai le courage, j’irai fomenter poèmes et chansons pour déposer sur sa tombe, le moment venu, ma gratitude, mon amour et ces larmes séquestrées en moi depuis l’annonce de sa disparition. Cela fait plusieurs semaines que je ne parviens plus à écrire. Je respire à nouveau, mais impossible de fixer des mots sur les choses. Je ne crois pas aux bons côtés du confinement, aux vertus de ces jours désemplis.
Cette situation nous confronte surtout à l’échec de nos sociétés, fait apparaître nos fragilités dans une lumière crue. Bien sûr, comme tout le monde, je pronostique le jour d’après. Mais je crains que les promesses du « Plus Jamais ça » n'aillent pas plus loin que la prochaine page de publicité.
Ce mois d’avril me rappelle que nous venons, toi et moi, d’une histoire qui tire à bout portant. Au printemps 1994, les « plus jamais ça » du XXe siècle ont raisonné dans le vide pendant que nos familles disparaissaient de la surface de la terre.
Nous serons toujours plus enclins à reprendre nos vieilles habitudes, à retrouver nos petits conforts qu’à ouvrir d’autres horizons. Tous nos « hélas » et nos « à quoi bon » préparent patiemment les fins de monde. Mais… Nous pouvons aussi changer le cours de l’histoire si nous arrêtons de douter du bien que l’on peut faire.
Avant de t’embrasser, je joins à ce courrier une photo que j’ai retrouvée. C’était le jour de mon baptême. On y voit ma grand-mère d’un côté, qui m’entoure la taille d’un bras discret, et toi de l’autre, qui t’appuies sur mon épaule. Cette photo me bouleverse.
On existe toujours seul dans la vie. Mais tu resteras l’une des rares solitudes à qui je puisse tenir la main.
Après tout ça, j’ai hâte de te retrouver, que nous poursuivions la vie, cette valse du temps, ce manège étourdissant, comme autrefois autour de la petite maison verte de ma grand-mère."
Gaël Faye
Le 14 mai, le monde en prière pour éradiquer le Covid-19