Fils de…

Petit-fils de….

Sur le goudron éclairé de sodium faisant du trottoir une piste aux étoiles,

Claquent des talons rouge.

C’est l’heure du grand spectacle pour les petits garçons pas sages.

Les fauves bientôt vont être lâchés.

La dompteuse en dentelle a des lèvres débordantes de suaves soupirs et tient bien ferme dans sa main la queue du martinet, non pas l'oiseau, l'autre.

Les tambours roulent au milieu des klaxons. Les bêtes défilent.

Il y en a là de toutes sortes: des caniches taillés au poils près, des singes grimaçants, des roi-lions condescendants, des éléphants désabusés, des chevaux musclés et saillants.

Le public se donne lui aussi en spectacle. Les vitres jouent à la guillotine.

On voit au loin les clowns qui guettent, l’oeil brillant.

Ils ont mis leurs beaux habits de satin bariolés et gardent dans leurs poches des tours de passe-passe. Ils veillent.

Une femme marche sur un fil tendu. Ses jambes sont immenses. On dirait une chatte mais le toit ce soir n’est pas brûlant.

La lune éclaire son visage sans bouche. À bien y réfléchir, je ne vois pas ses bras.

Un homme crache du feu, il vrombit son âme autant que possible. L’enfer est inscrit sur son dos avec des clous dorés.

Une autre femme encore dressée de paillettes s’élance dans l’arène, c’est le mat chinois. Le corps s’enroule, démembrement fantasque, concupiscence désordonnée.

Puis voici venu le peuple des bigarrés: les nains en salopette, les femmes à barbe et les hommes à plumes, les géants fourbus. Un unijambiste roule sur une boule rouge, la foule saoûle se lève comme la houle. Applaudissements en cascade. Roulements de tambour.

Et toi fils de….

petit-fils de….

Tu es le descendant de ce grand cirque de la vie.