Le masque de la tortue rouge
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Le masque de la tortue rouge
Depuis plus d’un mois, nous avons quitté le monde épileptique, l’agitation des flots et des courants contraires et nous nous sommes échoués sur une ile presque déserte que nous partageons avec une petite communauté de proches. Il nous arrive par périodes et sous condition d’attestation de déplacement, de nous embarquer sur un radeau pour essayer une évasion, course à pied, courses de première nécessité… Mais irrémédiablement, au bout d’une heure ou deux, nous sommes rejetés sur l’île.
Ce scénario est un peu celui du beau film d’animation de Michael Dudok de Wit « la Tortue rouge » tourné en 2016. Le film met en scène un naufragé sur une île déserte. Lui aussi, il essaie de s’évader, de se fabriquer des radeaux mais, à chaque tentative d’escapade, et au bout de cinq minutes, il est rejeté au rivage à cause d’une grosse tortue rouge qui bouscule la fragile embarcation et le contraint au confinement.
Dans quel but cette créature mystérieuse agit-elle ?
D’abord, dans le but de le protéger des périls auxquels il s’expose s’il parvient à franchir la ligne de corail. La tortue lui met un masque de fureur rouge et le renvoie systématiquement chez lui.
Ensuite, dans le but de lui apprendre à redécouvrir son île et son environnement. Le projet est ambitieux. S’il abdique, s’il se résout au confinement, quelles richesses peut-il tirer de l’espace dont il dispose ? Évidemment, notre héros n’habite pas un 80 m2 sans terrasse, et il a, à sa disposition, une île tout entière, avec ses plages, ses eaux turquoise et sa faune paisible. Il peut par ailleurs, sans redouter la contravention, s’allonger sur le rivage, écouter le déroulement des vagues, les cris des goélands, contempler les lumières dans le ciel.
Mais son monde est clos, comme le montre très bien le plan qui superpose l’horizon de l’océan et les parois d’une bouteille en verre trouvée par son fils du naufragé (car, parmi les découvertes que lui réservait l’île, il y a eu celle de l’amour). C’est d’ailleurs le fils qui trouve le temps long et qui aimerait, comme le papa au début, se « déconfiner » et quitter la bulle, partir à bord d’un radeau et affronter le vaste monde.
Lorsqu’on on a survécu à un tsunami, comme c’est le cas du jeune héros qui a sauvé son père de la noyade, on peut espérer refaire le monde et le rendre meilleur parce qu’on a en soi une certaine idée de la beauté et de la solidarité entre les hommes mais aussi une mystérieuse tortue rouge prête à nous guider et à nous faire croire en la force de la métamorphose.