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À toi, Sophie…
Sophie. De « sophia », la sagesse. Ironique quand on sait comment tu as voulu marquer les esprits. Tu connais sans doute l’origine de ton prénom. En théorie.
Tu te souviens ? C’était la rentrée. Le soleil hésitait, comme s’il pressentait la morsure du jour. Cour des marronniers. Terminale. Un mot qui sent la fin, mais inaugure la suite. Le bac. La majorité. Seuil des responsabilités.
Les bavardages voltigeaient, souvenirs d’été, angoisses partagées. Puis ta voix a fendu l’air.
« Oh non, pas elle, je peux pas la saquer, et elle est dans ma classe ! »
Six secondes. Une phrase. Une lame. Tranchante. Publique. J’existais, cela suffisait à te déranger. Un nom voisin du tien sur une liste. Rien de plus. Mais tu en as fait une affaire personnelle. Mais qui envahissait qui ? Il fallait que ta voix domine. Que ton fiel dessine les lignes de ton royaume imaginaire : Terminale L, propriété de Sophie S. Je ne t’avais rien fait. Rien demandé. Je me retrouvais là pour les mêmes raisons que les autres. Pour apprendre, avancer, construire l’avenir. Tu me faisais l’honneur d’un rejet si théâtral que j’aurais pu me sentir importante.
On vit tous sous le même ciel, vois-tu. Je t’aurais croisée ailleurs sans un regard. En vacances, dans une région que tu ne connais pas. File d’attente. Bus du matin. Ville différente. Trottoirs inconnus. Si demain encore quelqu’un ne te revient pas, tu fais quoi ? Tu pars en vrille ? Tu ordonnes qu’on le déloge ?
Alors non, je ne t’écris pas pour régler un vieux compte, je reprends ma place sur cette scène que tu croyais tienne. Je n’ai jamais eu besoin de la permission de personne pour exister.
Je suis celle que tu ne « pouvais pas saquer » et qui pourtant a appris à s’aimer. Je suis debout là où t’as voulu m’écraser. Les trônes en carton, ça prend vite la pluie dans nos contrées. Toi, Sophie, reine d’un jour dans la cour du lycée, que fais-tu aujourd’hui de ta langue fourchue ?

