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BALADE EN CIMETIÈRE

BALADE EN CIMETIÈRE

Pubblicato 4 nov 2024 Aggiornato 4 nov 2024 Young Adult
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BALADE EN CIMETIÈRE

31 octobre.

Ça faisait plus d'un mois qu'Ethan et Léa attendaient cette journée. Chaque pub, chaque catalogue leur donnaient l'occasion de rappeler à leurs parents qu’ils souhaitaient fêter Halloween. 

      – Est-ce que tu pourras me racheter un déguisement ? Le mien est trop petit, réclamait l'une.

     – Est-ce qu'on pourra décorer la maison avec des toiles d'araignée, des citrouilles et des trucs qui font peur ? demandait l'autre. 

      – Oui, on verra, répondait sans grande motivation leur maman.

      La semaine précédente, Amélie avait tout de même consenti à les emmener à la Foir'fouille pour choisir des costumes et quelques accessoires.

      Ce matin-là, après le petit-déjeuner, les enfants avaient enfilé leurs déguisements de sorcière et de vampire. Amélie n'avait pas prévu de costume pour elle-même ; néanmoins, elle voulait jouer le jeu un petit peu. Effet réussi. Les enfants s’étaient bien marrés en la voyant sortir de la salle de bains :
      – Wouah, trop bien, Maman s'est maquillée. Mais tu fais peur !
      Objectif atteint : amuser et s'amuser avec les enfants. 

      Vers dix-sept heures trente, ils avaient terminé leurs ateliers « décoration de la maison » et « cuisine ». Amélie proposa d'aller prendre un peu l’air. La journée était particulièrement belle pour la saison. 

      – OK mais on va où ? ronchonna l’aîné qui espérait avoir le droit de jouer à des jeux pas de son âge sur console, pour l’occasion. 

      – Et si on allait visiter le cimetière ? C'est le lieu idéal à Halloween, veille de la fête des morts. En plus, on ne l'a jamais fait. 

      – Oh ouais ! s'enthousiasmèrent-ils en chœur.

      La petite famille enfila chaussures et manteaux, puis monta en voiture, direction les hauteurs de la ville.
      Arrivés sur place, ils constatèrent que le jour et la fraîcheur tombaient déjà. La faute au changement d'heure. Tant pis. 

      Ils poussèrent la grille qui grinça comme pour protester et entrèrent dans ce lieu paisible. 

      – Les morts ont une belle vue, pour leur éternité, plaisanta Vincent. 

      Ce n’était pas faux, cela dit. Au loin, la mer se teintait de gris sombre et le ciel orangé était parsemé de quelques nuages blanc rosé. Les étoiles les plus lumineuses étaient déjà bien visibles et la lune se levait, monstrueusement pleine et jaunâtre. 
      Les enfants marchaient dans les pas de leurs parents. Ils semblaient intimidés. Le calme et la sérénité alentour régnaient en maîtres. En chuchotant, Léa tentait de déchiffrer les noms et les épitaphes inscrits sur les tombes, corrigée par son grand frère trop content de ramener sa science dès qu’elle butait sur un mot. Il l’énervait à la reprendre constamment, alors le ton montait de plus en plus fort entre eux. Ils allaient finir par déranger « les habitants ». Et leurs parents aussi : ils commençaient à se courser en tournant autour d’eux et manquèrent de les faire trébucher à plusieurs reprises. 

      – Et si vous alliez courir plus loin ? 

      – T’es sûr ? répliqua la maman, visiblement pleine de doute. 

      – Y a que nous, ici. Aucun risque.
      Les enfants s’éloignèrent. Plus aucune hésitation pour les retenir. L’appel d'un cache-cache était trop excitant. Surtout au crépuscule. Surtout aujourd’hui. 

      Après plusieurs dizaines de minutes à se planquer derrière monuments et troncs d’arbres, ils se sentirent essoufflés et assoiffés. Il fallait retourner auprès des parents. Mais où étaient-ils ?
      Ils appelèrent. Aucune réponse. Ils se rapprochèrent l’un de l’autre. Ethan prit la main de sa petite sœur. 

      – T’inquiète pas ! On va les retrouver, bredouilla-t-il comme pour se convaincre lui-même.
      L’endroit devenait inquiétant. Trop calme. Ils n’entendaient que les battements rapides de leurs cœurs. Trop sombre. Il faisait quasiment nuit. L’éclairage blafard de la lune donnait un aspect fantomatique à tout ce qui les entourait. Les arbres nus projetaient leurs ombres torturées sur les pierres tombales, conférant un contraste angoissant avec la lumière blême du satellite qui se reflétait sur les stèles.
      Ils commencèrent à remonter l’allée. Doucement. Complètement crispés. Les petits graviers crissaient sous leurs pieds. Çà et là, un voile blanc semblait flotter au-dessus du sol. 

      – Maman ? hélèrent-ils.

      De la fumée sortait de leurs bouches. Aucunement amusant. Pas comme d’habitude. Ils frissonnaient. De froid. De peur aussi. Ils étaient seuls. Tout seuls. Au milieu des tombes. De nuit. CETTE nuit. 
      Un hululement les fit sursauter. Leur rythme cardiaque accéléra un peu. Léa serra la main de son frère. 

      – C’était quoi, ça ? 

      – Une chouette, marmotta le garçon.
      Le souffle court, ils reprirent leur marche dans ce décor de plus en plus funèbre.
      Ils appelèrent encore, peu rassurés :

      – Papa ?…
      Ethan s’arrêta net. 

      – T’as entendu ? 

      – Entendu quoi ? bredouilla la petite. 

      Au même instant, une petite forme déboula dans l’allée à une dizaine de mètres d’eux, se figea, les fixa de ses yeux topaze. Puis déguerpit dans un feulement des plus glaçants. Une autre créature de la même espèce traversa l’allée, agressive et menaçante, à la poursuite de la première. 

      – Des chats. C’étaient des chats. Sales bêtes. Ils m’ont foutu les ch’tons ! souffla le frangin. 

      – À moi aussi.
      Leurs cœurs battaient à tout rompre. Leurs oreilles bourdonnaient. Pourtant, malgré l’ambiance macabre, il fallait trouver le courage de continuer. Il fallait trouver la sortie de ces lieux cauchemardesques. Ethan tira brusquement sur la main de sa sœur pour l’entraîner à sa suite. Elle perdit l’équilibre et poussa un cri de douleur déchirant. Dans sa chute, elle s’était arraché le collant et salement égratigné le tibia. Affolé, désemparé, Ethan s’accroupit à côté de sa sœur, l’enveloppa dans sa grande cape, essaya de lui parler pour la calmer. Il n’y parvint pas. Au contraire. Impuissant face aux larmes de sa petite sœur, stressé par la situation, il s’effondra à son tour. Les deux enfants, dans les bras l’un de l’autre, pleuraient sans plus pouvoir s’arrêter.
      Entre deux sanglots, Ethan aperçut une ombre noire. Fine. Allongée. Elle ne ressemblait à rien d’humain. Et elle s’approchait. Patibulaire. Silencieuse. Déterminée. Elle devait être attirée par l’odeur du sang.
      Il hurla, horrifié, aussitôt imité par Léa qui l'avait aperçue à son tour.
      Le monstre arriva à leur hauteur. Il tendit sa main vers eux. Ethan eut le temps de remarquer les ongles noirs qui terminaient de longs doigts fins à la peau claire avant que la chose ne les glissât dans ses cheveux, le forçant à la regarder. Il fit alors face à… un zombie. Un visage anguleux à la peau blanchâtre. Des yeux extraordinairement cernés de noir. Des lèvres rouge vermillon, inhumaines. Et ce qui ressemblait à des taches de sang séché tout autour de la bouche. 

      Vraisemblablement, l’épouvantable zombie essayait de dire quelque chose puisqu’il remuait les lèvres, mais ils n’entendaient rien tant ils hurlaient, terrifiés.
      Reprenant sa respiration, le gamin perçut quand même sa voix. Douce. Rassurante. Familière. Il en fut troublé. Devaient-ils continuer de s’égosiller ? Devaient-ils tenter de fuir ? Devaient-ils accepter leur triste sort ? Il remarqua que le zombie lui caressait les cheveux. Aucune animosité dans ses gestes.
      Décontenancé, il se tut et leva à nouveau les yeux vers la chose.
      Soudain, il comprit : 

      – Maman ? C’est toi ?
      Elle sourit, effrayante et apaisante tout à la fois.
      – Allez, mes petits monstres, on va rejoindre Papa.

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