ZÉROToute ressemblance avec une situation existante...
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ZÉROToute ressemblance avec une situation existante...
Un patient, la mine défaite, pénètre dans le cabinet de mon associé.
Nous sommes dans le milieu des années 80 et le SIDA, dont on parle depuis 81 aux États-Unis, déferle en France.
La punition de Dieu, comme l’appellent certains agités du bocal - mot de Céline – devant les cibles privilégiées que constituent homosexuels, toxicomanes et amateurs de partenaires multiples.
La maladie terrorise, comme tout ce que l’on connaît peu ou pas…
Le simple contact transmettrait-il la maladie ?
Une goutte de salive ?
Un moustique ? Formidable réservoir, mais aussi formidable transmetteur, piquant ça et là sans distinguo !
Qui peut se croire à l’abri de cette peste de la fin de ce XXe siècle qui aura pourtant tout traversé ! Est-ce l’annonce d’une fin du monde proche !
L’homme jeune qui se pose sur la chaise faisant face à son médecin tient dans sa main une liasse de feuilles qu’il brandit à son praticien. Des examens prescrits avant tout acte chirurgical afin de s’assurer qu’il n’existe aucun trouble de coagulation.
Regardez Docteur, je suis zéro positif !
Incompréhension totale de son vis-à-vis qui cherche à comprendre, à lire sur les feuilles qu’il garde en main…
L’homme s’énerve, tempête. La voix est chevrotante et l’inquiétude réelle. Mon associé cherche à savoir, à comprendre…
- Vous êtes quoi ?
Et soudain, tout s’éclaire devant la feuille accusatrice entraperçue.
Le patient tient en main sa carte de groupe. Il est O+ !
Pas un jour à l’époque, sans que les médias, qui se sont emparés du SIDA, nous en parlent, n’énumèrent avec des mines gourmandes les ravages de la maladie, nous abreuvent de mots qui, pour les auditeurs, ne sont pas forcément tous compréhensibles…
De là à ce que la lettre O devienne le nombre zéro, il n’y a qu’un pas surtout dans des esprits ébranlés par cette déferlante de séropositifs…
Le médecin est tenu par un code de déontologie et tout geste, aussi minime soit-il, doit répondre à un primum non nocere.
Cette façon de gérer à chaud l’information est dangereuse. Combien de patients se sont-ils trouvés dans ce cas ?
Des patients fragiles, certes, des patients peut-être inquiets sur leur parcours sexuel et qui ne demandent qu’à être rassurés. L’information médiatique mériterait un peu plus de considérations pour cette marge de la population mal renseignée.
Un primum non nocere pour les médias aussi? Certainement une bonne idée !
Photo Quora