Une question de pouvoir
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Une question de pouvoir
Toute forme d'autorité, a fortiori, si elle est démocratique ou consentie, élue ou choisie, le gouvernant politique, le patron, le représentant d'un groupe avec une caractéristique commune, de place, d'âge ou de métier, tout dépositaire de l'autorité que chacun de nous se doit d'avoir pour le vivre ensemble et pour son développement personnel, tout responsable premier est à la fois fédérateur et décideur. Les deux. Comment cela peut être possible ? Comment "avancer" ensemble dans la compréhension mutuelle ou du moins dans la solidarité naturelle, le bien être que procure le sentiment riche et profond plutôt que la bousculade des émotions ?
Leadership
Le leader et les instances institutionnelles, instituées et instituantes, structurantes, accompagnent la transition. Il est des situations d'urgence. Des menaces avérées ou imminentes qui réduisent le facteur temps qui caractérise spontanément l'idée qu'on peut se faire d'une transition. Mais une transition ne se réduit pas à la temporalité. Elle a été définie grâce aux avancées de la réflexivité humaine, de se penser soi-même, humain, après avoir longtemps pensé le monde et les moyens, de se penser y compris dans l'impensable de l'inconscient, de la capacité permanente que nous avons à refouler, oublier, cliver tous nos dérangements, passés et futurs, le manque, la perte et la mort. La transition a été reconnue en tant qu'espace : l'espace transitionnel. La création imaginaire de l'enfant qui pallie l'absence de l'adulte responsable et affectueux, par un jeu. Il s'agit d'un espace immense, qui se déploie sur quelques minutes comme sur une journée entière voire un mois de vacances ou des années d'exil pour certains.
Transition
Le temps n'assure pas la transition. C'est l'investissement d'une zone interdite à d'autres paradoxalement, toute personnelle, toute possible, toute "réelle" pour celui ou celle qui la déploie qui constitue une transition. Ce refuge reste transitionnel puisqu'il est ouvert à d'autres lieux, à des retours à la vie en commun, à des choix de vie, dans des appartenances nouvelles aussi. L'adolescence est un temps arrêté pour celui ou celle qui la vit, en opposition radicale aux changements corporels ahurissants quand on le pense, monstrueux, et à la prise de responsabilités dans un monde qu'il faut changer pour y vivre. Les adolescents ne se trouvent bien qu'entre eux, dans l'espace de leurs rêves et découvertes sensibles. Tout rappel à se former selon les critères établis, à se laver, à se soigner, à parler de, à se tenir comme un adulte est d'une violence enfouie, peu exprimée par rapport à son insondable profondeur : celle d'un être complètement en devenir, et en devenir humain, en quête d'humanité dans toute cette sauvagerie aussi bien interne que "civilisée" prétendue.
Destruction acréatrice...
Il est une brutalité des mesures gouvernementales et des contraintes que nous vivons dans nos entreprises depuis des mois qui deviennent des années. Mais il est surtout un rétrécissement et ces jours-ci un proche anéantissement de nos capacités imaginaires singulières et collectives, plurielles, de collectif en collectif. L'espace transitionnel est bien connu depuis l'Antiquité, davantage de la part des femmes que des héros surbookés de défis et d'exploits : Hélène de Troie, Pénélope d'Ulysse, les reines mécènes de la Renaissance, Évita de Peron, Aung San Suu Kyi de Birmanie.
...ou création d'un renouveau ?
Situé à l'origine de chacun par Freud, caractérisé très précisément par les premiers psychanalystes véritables pour enfants. Surtout pas sa fille Anna, pédagogue avant tout, autoritaire d'un ordre formel plutôt qu' accompagnante de ce désordre créatif nécessaire à la vie. Mélanie Klein et puis Donald Winnicott plus proche de nous. L'espace qui fait que "la vie mérite d'être vécue" (1971). Un espace potentiel, du nom qu'il lui donna, actif, en lien. Un espace de jeu à plusieurs, le début d'un climat social, de proximité, durable, vrai, favorisant l'insertion dans l'ordre social universel. Encore une fois, tourné vers l'extérieur et l'au-delà de lui-même, sans aller loin, sans l'au-delà mortifère ou du moins morbide de la menace de non existence sociale qui s'abat sur nous, conformes ou pas, vax ou no vax, pas ou no pass.
Sans dépasser l'imagination
Nous sommes pris dans un engrenage qui dépasse l'imagination. Chacun de vous me le confie en séance plus confidentielle que jamais. Vous qui êtes aux ressources humaines de grandes entreprises, en mission de transformation ou fonctionnaire des grands organismes publiques, vous qui vivez un plan social et cherchez à vous lancer dans l'activité indépendante d'un bien-être qui, si bien est un marché en croissance, c'est aussi un bien rare qu'il s'agit de retrouver dans sa version de ressource naturelle et de bien commun. Cet espace potentiel se réduit aujourd'hui pour beaucoup à l'échelle individuelle et il est peuplé de cauchemars. Les cauchemars de nos jours charrient moins la vie interne, inavouable de chacun, que la vie sociale inacceptable.
Réhumaniser le débat
Dès le lendemain de la plus récente intervention officielle du Président élu des Français, élu il y a des siècles, en d'autres lieux, vous m'aviez confiée votre nuit tourmentée. Sans rien comprendre encore aux mesures. Seul sentiment d'anxiété, d'une existence réduite à l'opérationnel, sans place pour inventer, réinventer notre propre humanité. Que cela passe ou que cela casse, cultivez votre jardin. Et inventons les jardins partagés. Des jardins suspendus peut-être. De Babylone, une énigme qui perdure.
C'est en notre pouvoir
Mais nous ne nous laisserons pas fasciner par les énigmes du pouvoir. Nous bâtissons au quotidien, parcelle après parcelle, coude à coude, dans la distanciation et la solidarité à la fois, des jardins imaginaires qui perdurent comme je le vis dans vos efforts d'encadrement, de tutorat d'une résilience dans les ressources humaines, dans les formations dont je suis, universitaires universelles, dans les projets sociaux et les initiatives qui ne sont plus privées mais concertées. L'imagination au pouvoir plus que jamais. Un vrai pass au naturel, au plus singulier et au plus banal. Banal, commun, communal.