Il y a un creux que les rayons de la lune et du soleil ne pénètrent jamais, bien à l’abri sous la canopée. Sur les pierres luisantes et suintantes grouillent mousses et lichens, champignons et insecte qui ne seront jamais vus que par d’autres insectes. Quelques bûches de bois mort pourrissent et abritent de nombreuses vies. Le long creux suit une pente, c’est une pente si douce que l’eau y chemine sans un bruit, sans un clapotait et seuls les insectes qui vivent au fond du creux savent que l’eau s’écoule.

Parfois, un mille-pattes monte sur une pierre qui revêt d’agréables courbes. Cette pierre oblongue semble parfois accuser de quelques méfaits hors d’âge les hautes branches qui dominent le creux de plusieurs mètres.

« Te souviens-tu de ces bestioles bruyantes et grouillantes qui ont façonné cette pierre à leur image ?

- Je ne suis pas certain de m’en souvenir, parle-moi, toi qui as vu autant de choses que cette pierre, parle-moi de ces créatures qui façonnaient les pierres à leur image, celles qui grouillaient tant et qui firent tant de bruit ?

- Elles furent légion, elles étaient couvertes de poils lorsqu’elles commencèrent à grouiller, elles se déplaçaient d’arbre en arbre avec une certaine grâce. Après longtemps d’escalade dans les arbres, elles allèrent s’abriter dans une grotte. Lorsqu’elles commencèrent à perdre leurs poils, elles firent un feu pour se réchauffer.

- Puis ce feu devint une fournaise.

- Oui, en effet, une, puis plusieurs. En très peu de temps, elles se rependaient, infectant toutes les plaines, les prairies et même les creux comme celui-ci. Les créatures enlevèrent les pierres de sous la terre pour faire de nouvelles grottes puis elles se firent la guerre.

- Oui, je me souviens de ce qu’ils appelaient la guerre, les combats. Cela était vraiment bruyant.

- Oui, l’eau se changeait en sang et ils hurlaient et faisaient du mal à leurs semblables. Puis ils firent du bruit avec de nouvelles armes, et ils tuèrent plus des leurs, jusqu’à ce que nous le l’acception plus. Puis vinrent les Ombres-Sentinelles.

- Oui, je me souviens des ombres, elles étaient belles.

- Belles, oui elles étaient même magnifiques, car elles firent venir le silence et la paix. Maintenant ce ne sont que les habitants du creux qui se meuvent et prolifèrent, ils ne font pas de bruit, ils ne tuent pas leurs semblables, ils n’arrachent pas les pierres à la terre.

- Te souviens-tu du nom de ces créatures grouillantes et bruyantes qui nous firent tant de mal ?

- Ils se nommaient eux même l’Homme.

- Oui, c’est cela, l’homme… »

Jean-Michel Martin

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