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1) Tabac, bacon et coup d'État - Première partie

1) Tabac, bacon et coup d'État - Première partie

Pubblicato 19 ott 2024 Aggiornato 19 ott 2024 Cultura
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1) Tabac, bacon et coup d'État - Première partie

Qui manipule vos perceptions et vos désirs contrôle votre esprit

« La communication politique est l’art de persuader, pas l’art de dire la vérité. » – Edward L. Bernays (1891 – 1995)

Cette affirmation n’est pas un tweet complotiste. Elle sort tout droit d’un ouvrage que beaucoup d’hommes et de femmes de pouvoir ont lu… Lisent encore…

Et que vous aussi, vous pourriez lire.

Ce livre publié en 1928 s’intitule « Propaganda : Comment manipuler l'opinion en démocratie ». Et il a été écrit par Edward Bernays.

Aux États-Unis, Edward Bernays est considéré comme un maître de l’influence des masses (les masses = vous et moi).

Moins connu en Europe, il est pourtant d’origine autrichienne. Et détail important, il est le neveu direct de Sigmund Freud, lui-même maître de la psychanalyse.

Accessoirement, c’est aussi le grand-oncle de Marc Randolph, le co-fondateur de Netflix.

Nous avons donc là une lignée familiale influente, aux multiples expertises :

Psychanalyse, Lobbying-Publicité et Diffusion de Contenus Culturels.

Dans Propaganda, Edward BERNAYS expose cyniquement et sans aucune ambiguïté, toutes les techniques qui permettent de manipuler efficacement l’opinion et la masse :

Au moyen de la Propagande, de la Désinformation et de la Publicité, il s’agit de vous influencer, pour que vous vous forgiez de nouvelles convictions.

Des convictions qui vont vous amener, de vous-même, à adopter de nouveaux comportements… Prendre certaines décisions… Et approuver les décisions que d’autres prendront pour vous.

Des décisions que vous n’auriez ni prises ni approuvées, sans ce travail préalable de Propagande, de Désinformation et de Publicité.

Edward Bernays Bain News Service, Public domain, via Wikimedia Commons

Edward Bernays craignait-il que la population soit trop idiote pour savoir se conduire elle-même ?

C’est ce que laisse entendre cette phrase du livre :

 « […] les minorités intelligentes doivent, en permanence et systématiquement, nous soumettre à leur propagande », car seule cette minorité est apte à gouverner et orienter l’ensemble des activités politiques, économiques, sociales et culturelles. »

(Vous verrez si vous le lisez : il y a plein de pépites du même genre à l’intérieur).

Car Edward Bernays a une vision bien personnelle de ce qu’est une démocratie

L’Austro-Américain est catégorique : pour lui, la démocratie repose sur une minorité éclairée qui doit façonner l'opinion publique pour le bien de la société.

Dans Propaganda, il écrit :

« La manipulation consciente et intelligente des actions et des opinions des masses est un élément important dans une société démocratique. Ceux qui manipulent ce mécanisme invisible de la société constituent un gouvernement invisible qui est le véritable pouvoir dans notre pays. Nous sommes gouvernés, nos esprits sont formés, nos goûts éduqués, nos idées suggérées en grande partie par des hommes dont nous n’avons jamais entendu parler. »

Et il enfonce le clou, considérant qu’une bonne démocratie, c’est un système où l’opinion publique est manipulée plutôt que contrainte.

Dans une dictature qui impose ses lois par la force, l’autoritarisme et la contrainte ne sont pas viables à long terme… Puisque le peuple finit toujours par se révolter.

Selon Bernays, la démocratie est une forme de contrôle bien plus aboutie.

Car plutôt que de soumettre le peuple à leurs décisions… Ses dirigeants influencent subtilement ses opinions, pour obtenir son consentement.

La manipulation des masses a aussi cette vertu sympa de faire croire aux gens qu’ils conservent leur libre-arbitre. Et qu’ils décident et agissent de manière rationnelle.

Mais manipuler, c’est tout un art… Dans lequel Edward Bernays excellera toute sa vie.

Et Propaganda se veut un véritable mode d’emploi de manipulation idéologique, destiné aux politiciens, aux industriels et aux publicitaires.

Des clients au service desquels Bernays a travaillé tout au long de sa carrière, pour les aider à atteindre leurs objectifs d’image, de pouvoir et de chiffre d’affaires.

Pour y parvenir, il a largement exploité les recherches de son oncle, Sigmund Freud, sur l’inconscient humain.

Edward Bernays ou la psychanalyse au service de la propagande, de la désinformation et de la publicité

Il s’est beaucoup inspiré des travaux de son oncle, notamment ceux consacrés à l’importance de l’inconscient dans nos choix.

Freud considérait que notre vie consciente n’est que la surface visible de notre psyché.

Il a démontré que la majeure partie de notre vie psychique est gouvernée par des désirs refoulés et des pulsions inconscientes. Des instincts et des pulsions qu’il appelait le Ça.

Bernays est tout aussi convaincu que chaque individu est gouverné par des motivations et des désirs cachés.

Et que pour atteindre leurs objectifs, tout homme de pouvoir, propagandiste et publicitaire dignes de ce nom, doivent comprendre les désirs et les motivations des foules, pour les manipuler à leur guise.

Ses stratégies de contrôle de l’opinion s’attaquent donc aux désirs inconscients des masses, pour orienter leurs actions.

Il écrit :

« Nos pensées et nos actions sont des substituts compensatoires de désirs que nous avons dû refouler. Autrement dit, il nous arrive de désirer telle chose non parce qu’elle est intrinsèquement précieuse, mais parce que nous y voyons un symbole d’autre chose que nous n’osons pas nous avouer. »

En marketing, sa tactique est de vendre non pas des produits, mais des concepts et des styles de vie associés à ses produits.

Et sur le terrain, Bernays va faire des étincelles. Tant dans la propagande politique que dans la publicité.

Car les stratégies de propagande de Bernays vont inciter les citoyens à faire la guerre, manger du bacon tous les jours, fumer davantage et approuver les coups d’état

1917 : l’art de donner envie aux gens de quitter leurs foyers pour aller faire la guerre

Edward Bernays a joué un rôle crucial dans la préparation de l'opinion publique américaine à participer à la Première Guerre mondiale.

En 1916, le président Woodrow Wilson s’est fait réélire en promettant de garder les États-Unis à l'écart du conflit européen.

Car à l’époque, la majorité des Américains est pacifiste et refuse d’engager le pays dans une guerre lointaine.

Mais les intérêts économiques et géopolitiques des États-Unis évoluent. Et le président Wilson réalise que pour défendre ces intérêts, l'intervention militaire des États-Unis s’annonce inévitable.

Mais il doit d’abord obtenir des citoyens américains qu’ils soutiennent la guerre, alors qu’ils sont massivement pour une politique isolationniste.

Un organisme de propagande est donc spécialement créé, pour influencer l'opinion publique en faveur de l'intervention militaire : c’est la Commission Creel.

Et Edward Bernays intervient à ses côtés, pour déployer une série de tactiques destinées à transformer les perceptions du peuple américain.

Il lance une campagne de propagande diversifiée, diffusant des films patriotiques, des tracts, des discours et des affiches. Une communication de masse qui agit sur la psychologie des foules, pour modeler les pensées et les attitudes de toute une nation.

Parmi les œuvres les plus emblématiques de cette campagne figure la célèbre affiche de l'oncle Sam, accompagnée du slogan "I Want You for U.S. Army", qui incitait directement les Américains à s'enrôler dans l'armée.

James Montgomery Flagg, Public domain, via Wikimedia Commons

Parfaitement orchestrée, cette campagne retourne peu à peu l'opinion publique américaine.

Initialement pacifiste, elle bascule en faveur de l'entrée en guerre. Et finit par soutenir avec ferveur l’engagement de son pays dans le conflit européen, en 1917.

Cette démonstration d’efficacité de la propagande dans une démocratie moderne, va être suivie de nombreux autres coups d’éclat, cette fois dans le domaine de la consommation.

Il faut manger du bacon beaucoup et tous les jours, car c’est bon pour vous

Dans les années 1920, l’industrie agro-alimentaire US veut vendre beaucoup plus de bacon. Elle charge donc Bernays d’inciter les consommateurs américains à en manger davantage. Et si possible, tous les jours.

À l’époque, le petit-déjeuner typique américain ne comporte pas encore le fameux binôme œufs/bacon - aujourd’hui incontournable -.

Pour l’industrie, il est crucial de promouvoir un petit-déjeuner plus copieux et au passage, d'inciter les Américains à intégrer le bacon dans leurs habitudes alimentaires.

Une fois de plus, Bernays va recourir à ses méthodes d’influence psychologique.

Il va se servir de l’autorité scientifique, pour recommander la consommation de bacon. Et solliciter des médecins nutritionnistes, pour qu’ils produisent une étude démontrant les bienfaits d’un petit-déjeuner copieux pour la santé.

Dans l’étude qu’ils remettent, ces médecins affirment en choeur que manger des aliments riches en protéines et en graisses, comme le bacon et les œufs par exemple, permet de mieux commencer la journée.

Bernays fait largement diffuser leurs conclusions dans la presse. Auréolées de crédibilité médicale, ces informations inondent les médias. C’est ainsi qu’une grande partie de la population acquiert la conviction que consommer du bacon au petit-déjeuner est sain et nécessaire.

Mais cette conviction est encore plus ancrée chez les industriels américains du bacon, qui voient leurs ventes et leurs bénéfices exploser. Depuis, le petit-déjeuner traditionnel composé de bacon et d’œufs est devenu une véritable institution outre-Atlantique.

Bernays va réitérer l’exploit pour l’industrie du tabac.

Alors qu’il connaît les dangers du tabagisme et qu’il essaiera lui-même de convaincre son épouse d’arrêter de fumer…

Il va tout faire pour inciter fois les Américaines à fumer des cigarettes.

Je vous raconte ça ici. Si vous voulez voir le cynisme en action, vous serez servi.

Merci de m’avoir lue 😊

Maivan Lecoq

Article publié dans L’Écho de la Source

© Maivan LECOQ - 2024 - Tous droits réservés – Reproduction même partielle interdite

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Commento (3)

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Cedric Simon 1 mese fa

Instructif. Il suffit de se souvenir des campagnes de vaccination, par exemple.

Mais le succès dépend d'une part du niveau d'éducation et donc de l'esprit critique.
C'est la raison pour laquelle, nous avons, en France, l'éducation nationale et non plus l'instruction publique.
Et que tout pouvoir veut posséder les médias. D'où les subventions...
Et d'autre part des circonstances, de l'étincelle. Le Lusitania en 1915 ou Pearl Harbour en 41.
Bonne journée et bonne poursuite d'écriture

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Maivan 1 mese fa

Vous avez parfaitement compris où je voulais en venir.

J'aimerais récolter plus souvent des commentaires aussi qualitatifs que le vôtre.

Merci pour votre lecture avisée :)

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