Sang et songes d'hier - Receuil
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Sang et songes d'hier - Receuil
I.
Refuge imaginaire
Dans l’obscure illusion de l’esprit tourmenté,
Vogue un sanctuaire pur, sur la brume sereine…
Exhalent les parfums et le soupir hanté,
De cette île-vaisseau secrète et souterraine !
Nous en rêvons, gisant, les yeux à peine clos,
De ce palais perdu, refuge imaginaire,
Nous sentons ses jardins, entourés par les eaux,
Ses colonnes d’or blanc que le soleil éclaire.
Sur l’arcade alanguie, antique et solennelle
Dansent les vieux lampions et les lianes en fleurs,
Les rideaux, les fanions, de soie et de flanelle
Aux couleurs de la vie, que rythment les humeurs.
(En ces lieux préservés, où règne en harmonie,
Comme une aura de soin qui guérit l’affliction,
L’âme autrefois meurtrie, à la joie s’est unie,
Car c’est le cœur léger qu’elle en fait sa maison.)
II.
Le banquet des géants de sable
Dans l’antique cité d’édifices étroits,
De rues ensevelies qui ont perdu leurs toits,
N’émerge dans l’air sec, qu’une vaste tablée,
Où siège sans un mot la funeste assemblée.
De colosses obscurs en statues sans visages,
Les convives dormants, érodés par les âges,
Trinquent coupes à sec, savourant le festin,
Fait de vivres absents dans des plateaux d’étain.
Ô maître des géants de sable et de poussière,
Ta lande dénudée, autrefois nourricière,
Invite le néant, au grand repas des rois !
Ton corps s’est dispersé par couche maintes fois.
Ô toi, monarque grand, tu ne peux que te taire,
Si dans la course hélas, le chaos s’accélère !
Le soleil cramoisi lézarde ton manteau
Et le vent, ardemment, en sème le lambeau.
Tu répands le poison de ton essence aride,
À travers l’univers,
Et le vide.
III.
Chante le feu !
Tambour battant, au cœur, du feu sacré,
Danse des pas, transe des âmes vives !
Dans le couchant, frémit, le ciel nacré,
Embrasement, des terres primitives !
Coule la vie, la sève sous l’écorce,
Brûle la nuit, les murmures du bois,
Sème le vent, inspire en moi la force,
Libre est l’esprit de la meute aux abois !
Chante le feu, le brasier nous unit,
Dansent en rond nos grands corps dos aux ombres,
Sonne la joie du chaud festin bruni,
Avant d’entrer dans les cavernes sombres
IV.
Et in Arcadia ego
Dans les vertes vallées, les troupeaux paresseux,
Se repaissent sans bruit de la douce Arcadie,
De ses herbages frais et la tête hardie,
Grimpent docilement sur le flanc montagneux.
Dans les vertes vallées, une tombe repose,
Que dévoile en secret l’ombre des frênes noirs,
Au candide berger, qui profane aux savoirs,
Sur l’inscription sacrée, sa main craintive appose.
Une femme approchant le regarde en silence,
Songeant, à l’écouter prononcer la sentence,
Qu’on ignore la mort, en ce pays parfait.
Alors tel un agneau, de la phrase latine,
Sous les yeux attendris, de la femme qui sait,
Il omet en un sens la nature divine.
V.
La malle des rêves
Ton nom se perd sous la voûte de mon crâne
Souveraine rémanence du monde parallèle
Où tu t’exerces à l’art des sculpteurs d’eau
Pour pétrifier mon cœur
Goutte après goutte
Que de soupirs tremblent les parois humides
Quand sous tes doigts se transforme la roche
Et que tes yeux nourrissent la terre
De folles fleurs sauvages
Aux corolles décloses
Qui tour à tour frémissent et succombent
Alors dans les gouffres fleurissent
Des cristaux de mémoire
Que nous irons cueillir
Au soir
Et rangerons avec soin
Dans la malle des rêves
VI.
Dementia
Aux portes alignées la ligne parut nette.
Dans la clarté je vis la blanche silhouette ;
Et chassant l’animal, le lapin fit un bond,
Pelage de flocons fol esprit vagabond,
Je m’égarais ainsi, à force de le suivre,
Comme inscrit pas à pas dans les pages d’un livre,
J’entendis la comptine en mon cher palpitant,
De l’enfance attendrie qu’il me rappelait tant !
J’avançais lentement dans le couloir immense,
Aux dalles en damier, dédale de démence !
Un miroir affichait mon double dans l’abîme
Profondeur de l’ego, qu’ainsi le reflet mime.
Sur le grand échiquier, sans plus de clairvoyance,
En hâte mon esprit se fit très lourd et dense.
J’entendis dans un cri, cet appel de la peur
Propre au prophète noir, résonner dans mon cœur !
Cet oiseau de malheur avait la voix troublante !
Je perdais la raison, plongé dans la tourmente
Par un corbeau maudit, qui décrivait un rond ;
Triste sire tournant au-dessus de mon front,
Dont l’ombre remuait dessous la nue absente,
Un nébuleux plafond rendait l’allée pesante…
VII.
Dimanche
C’est un feuilleton de l’après-midi,
Un instant pluvieux dans un cocon de laine,
Une balade en famille parsemée de poussettes,
Une tasse de thé fumant baignée de rayons pâles,
C’est la mélancolie qui masque le jour,
La triste messe des fantômes et des parias,
Les feuilles mortes et le ciel uni, bleu ou gris,
Un air d’accordéon lancinant et désuet,
Les rues désertes comme une fin du monde,
C’est l’ennui par la fenêtre,
La boîte aux lettres paresseuse,
Le passage des oies sauvages au-dessus de nos têtes,
La volonté qui se fait la malle,
Un chien aboyant au lointain,
Des gamins qui traînent à vélo sans gaieté,
Une traînée d’avion au crépuscule du jour.
C’est dimanche et le temps s’arrête.
C’est un jour à errer immobile,
Un jour à pleurer des larmes invisibles.
Le dernier jour sans cesse recommencé.
C’est dimanche et le silence a sonné.
VIII.
Grand-soif
Au creux de l’abîme d’or sale,
J’attends, séante, l’eau.
Qui de tourments s’abreuve
Et de plaies vermeilles
Attisées par le sel
Se délecte parfois.
Puisse-t-elle inonder les nappes
De mes pensées arides,
Avant qu’en son absence,
Gisante je ne demeure,
Et dans le déclin,
Ne sois précipitée.
Le sol craquèle sous mon fardeau
Et propage ses ravageuses fissures
De veines creuses en crevasses profondes.
Les fleurs salines saupoudrées de francs rayons
Irritent mes yeux profonds et pâles
Quand de soif
Je souffre à tout jamais.
IX.
Le sommeil nettoie les songes
Le sommeil nettoie les songes
Quand la nuit les plonge
Lentement dans l’oubli
De mes nuits lunatiques
De la lune facétieuse
Je partage les trêves
M’accordant de répondre
À l’appel des rêves
Le sommeil nettoie les songes
Abîme ceux de la veille
Conduit ceux d’aujourd’hui
Le soleil réveille les songes
Et moi comme une éponge
Qui boit de ses rayons
Comme des lampées de miel
Distillées par le ciel
X.
Le cycle
Je ferai du temps un allié
Car durant l’existence
Poussière d’étoile
Je sèmerai au vent
Comme une part de mon corps
Le meilleur de moi-même
Ainsi va la vie
Ainsi va la mort
Et quand viendra la mort
Mon corps en son âme et conscience
À la terre se rendra
Poussière d’étoile dans l’univers
Je nourrirai la Terre, mère nourricière
Pour refermer le cycle
De la vie et de la mort
Sans regret et sans peine
Sans peur et sans haine
Pour l’heure j’écris
Pour l’heure je vis
Le vent frais dans le visage
Tel un navire voguant
Aujourd’hui au large
Demain près d’un rivage
L’eau fait partie de moi
Et je fais corps avec l’eau
Parfois mon esprit se dilue
Dans les mers et rivières
Un jour viendra
Où je chanterai sous la pluie
Et la pluie lavera
Et la pluie arrosera
Et mes larmes se confondront
Avec l’eau de pluie
Et ma joie sera douce
Et ma tristesse immense
Mais mon cœur plein d’espoir
Ne battra pas seul
Il chantera à l’unisson
Et nous serons unis toi et moi
Pour refermer le cycle
De l’eau et de la vie
XI.
Le goût des roses
J’ai cru que toute la vie
Aurait le goût des roses
J’ai cru que me blottir
Au creux d’une cascade
Pourrait me préserver
J’ai cru rendre refuge
Sa délicate alcôve
Ailleurs le monde pouvait tourner
De mystérieuses aventures
Peuplaient mes rêves
La vie coule encore
Et la fraîcheur des jardins
Ne m’est plus familière
Il n’y a qu’un pas à franchir
Il n’y a qu’un long silence
Entre le désert et le paradis