Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures (LOONG BOONMEE RALEUK CHAAT, Apichatpong WEERASETHAKUL (2010)
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Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures (LOONG BOONMEE RALEUK CHAAT, Apichatpong WEERASETHAKUL (2010)
"Oncle Bonmee" fait partie des palmes d'or cannoises controversées. En 2010, le festival ne couronnait pas comme aujourd'hui des films outranciers ou bien comme dans les années 2000 des films politiques ou sociaux. Il choisissait une oeuvre radicale, ésotérique, contemplative, expérimentale et au final, hermétique. Aucun des thèmes traités par le film n'est inaccessible en soi et le fait d'être imprégné de culture asiatique ne l'est pas non plus, sinon comment expliquer l'immense succès chez nous des mangas et anime japonais, peuplés de croyances animistes, d'esprits, de fantômes et de créatures hybrides? Le fantôme au cinéma n'est d'ailleurs pas une spécialité asiatique, y compris sous sa forme poétique, romantique et mélancolique, de "L'aventure de Madame Muir" à "Sixième sens" en passant par de nombreux films de Tim Burton qui était justement cette année-là président du jury. Mais la ressemblance s'arrête là. "Oncle Bonmee" est fait de séquences juxtaposées montrant un homme qui au moment de mourir se connecte à son passé (proche et lointain puisque comme le titre l'indique, il peut remonter à ses vies antérieures) et aux esprits de ses proches défunts qui prennent une forme humaine ou semi-animale, le tout de façon très naturelle. Les barrières entre espèces, entre vie et mort ou encore entre passé, présent et futur s'effacent afin de l'aider à effectuer son passage de vie à trépas. Le problème est que cette expérience, très esthétique au demeurant confine à l'abstraction. Elle manque cruellement d'incarnation charnelle. Si le réalisateur avait créé un vrai lien entre l'oncle Bonmee et le spectateur, celui-ci aurait pu le suivre partout où il allait alors qu'il est laissé à bonne distance, regardant de façon extérieure, détachée ses différentes pérégrinations quand il n'est pas tout simplement largué devant ces changements incessants de paramètres qui ne semblent avoir ni queue ni tête sans le liant du corps, du coeur et des tripes (là où se situent également les émotions...) Il y a selon moi un problème fondamental dans ce film qui se prétend spirituel mais qui au lieu de créer de la mémoire collective et d'élever l'âme (ce qui est quand même le sens de l'art) divise et rabaisse les spectateurs qui se retrouvent dans la peau d'un snob ou d'un crétin.