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Lire Villers-Cotterêts entre les lignes

Lire Villers-Cotterêts entre les lignes

Pubblicato 6 lug 2024 Aggiornato 6 lug 2024 Cultura
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Lire Villers-Cotterêts entre les lignes

Il s’agit bien évidemment de la Cité internationale de la langue française et le titre m’a été inspiré du magnifique ouvrage de Heinz Wismann que je recommande vivement, Lire entre les lignes1. Tel sera notre fil d’Ariane de ce monument que constitue la CILF.

L’ambition est immense, elle touche le peuple français, mais aussi et surtout tous ceux qui hors de France ont cette langue en partage. Villers-Cotterêts doit se découvrir comme une œuvre à part entière qui se prête à autant de lectures que de visiteurs et de lecteurs de l’ouvrage qui l’accompagne Le livre d’une langue2. Ce livre, comme l’indique d’entrée Xavier North, n’est en rien le livre officiel d’une exposition, et pourtant il est indissociable de la Cité qui voudrait surtout ne pas être un musée mais une Cité bien vivante.

Les Français sont réputés avoir une certaine sensibilité linguistique, mais on serait peut-être surpris de savoir quelles représentations ils se font de la langue française, quelle représentation ils en ont avant, et quelle représentation ils s’en font après, selon qu’ils auront passé deux heures à parcourir la Cité au pas de charge, en bons touristes, ou qu’ils y auraient médité dix fois deux heures pour y trouver peut-être la pépite que d’aucuns n’auront peut-être pas remarquée mais qui ouvre un abime de réflexion.

Il est hors de question ici de décrire ce que nous y avons vu, ou cru y voir, en deux visites de deux heures chacune, et autant à parcourir le site internet, ce qui est très peu.

Mais nous avons maintenant quelques clés nous permettant de poursuivre l’enquête avec profit.

La langue française et le monde

Voici une première piste : qu’en ressort-il des rapports entre la langue française et la France et de la langue française avec le monde ? La France est à la fois absente et omniprésente par la force des choses, le monde y est à la fois présent par la force de la langue française, et omniabsent. Drôle de sensation !

On est d’abord saisi par l’immense bibliothèque au centre de la première salle, du sol au plafond, et qui n’est qu’un minuscule aperçu d’un immense patrimoine littéraire, scientifique et philosophique. On chercherait vainement une statistique, mais ce patrimoine dans lequel on est invité à naviguer au gré de ses rêves et de ses impulsions, est d’abord de France, mais pas seulement. On est aussi entrainé aux subtilités quasi infinies de cette langue que véhicule une variété d’artistes et humoristes dont il est facile de comprendre qu’ils ne sont pas tous issus d’une longue lignée prenant ses racines dans l’Hexagone. Ce sentiment est renforcé dans la salle suivante où des francophones du monde entier témoignent de leur expérience avec la langue française, et davantage encore dans cette autre grande salle à la rencontre de l’histoire des mots. On est ici de plain-pied dans la langue française langue-monde et c’est la grandeur ou le mérite de ceux qui ont imaginé, qui ont voulu et pensé la CILF d’avoir compris que quand on parle du français, on parle d’une langue parlée dans le monde entier et l’on parle du monde.

La langue française est ainsi très accueillante et s’est nourrie abondamment, papillonnant à travers le monde, de l’Antiquité jusqu’à nos jours. Bizarre ! La langue française aurait quelque chose à voir avec l’Antiquité, soit bien avant que la France n’existe comme nation. Voici un beau sujet !

Or, nous avons failli passer à côté d’une salle où il est question de la colonisation et notamment de l’Afrique. Je conseille vivement aux futurs visiteurs d’écouter la vidéo du grand philosophe sénégalais Souleymane Bachir Diagne et de lire son article « La francophonie, c’est le pluriel des langues » dans Le livre d’une langue, et puisque l’on y est, de poursuivre dans le même ouvrage, qui n’est pas celui du musée, avec « Le roi des griots est un zèbre », de Hassane Kassi Kouyaté, propos recueillis par Xavier North. Vous serez transporté et commencerez à comprendre le français en Afrique. À propos, les Français savent-ils que l’Afrique représente la moitié des francophones dans le monde. Permettez. Je fais un rêve. J’ai dit que le monde est présent, mais omniabsent, dans le sens où il n’est pas incarné. L’Afrique porte en elle l’avenir du français. Ce n’est pas rien, et cela mérite d’y réfléchir. Pourquoi les pays africains, et les autres pays de la francophonie bien sûr, qui le souhaitent n’auraient-ils pas une place à Villers-Cotterêts pour y présenter leur paysage linguistique. Car les langues en Afrique, à côté du français (de l’anglais, du portugais, de l’arabe et de l’espagnol) composent un paysage sublime qu’il faut traiter avec l’amour du jardinier. Certains y ont déjà certainement pensé.

Un peu d’histoire

Il y a une autre petite salle, sur le côté, que l’on pourrait facilement manquer : De Louis le Germanique à Senghor (pages 122 à 131). Tiens, tiens ! En 842 Louis le Germanique et Charles le Chauve, petits-fils de Charlemagne, échangent entre eux les Serments de Strasbourg, Charles les lisant en langue tudesque, ancêtre de l’allemand, et Louis devant les troupes de Charles en une langue qui n’est plus du latin mais du roman, que les linguistes considèrent comme l’ancêtre du français. Donc sept siècles avant l’ordonnance de Villers-Cotterêts, les Serments constituent la première manifestation d’un document officiel en français, qui n’est pas le français moderne, ni même l’ancien français, mais qui n’est plus du latin. Donc, l’histoire du français, si tant est que l’on peut dater la naissance d’une langue, commence environ sept siècles avant l’ordonnance de Villers-Cotterêts3.

Ce que nous dit cette salle, c’est que l’histoire du français précède de très loin l’histoire du Royaume de France qui sera la France.

Par exemple, quand Guillaume le Conquérant s’empare de la couronne d’Angleterre, après sa victoire d’Hastings en 1066, c’est un français qu’il exporte, « la variante septentrionale de l’ancien français » selon l’expression si heureuse de Bernard Cerquiglini4. Et, doit-on observer, Guillaume le Conquérant, duc de Normandie, n’était pas roi de France, ce qui veut dire, au cas où il y aurait un doute, que, contrairement à la légende développée au 19e siècle du francien encore si répandue dans les esprits aujourd’hui, le français existait indépendamment et avant que le royaume de France en fasse sa langue officielle.

Ce qui nous amène à relativiser l’importance de l’ordonnance. Bien qu’il s’agisse d’une innovation juridique majeure (principe du droit à la lisibilité des textes juridiques et administratifs, réinvention de la notion de langue officielle après le code l’empereur byzantin Justinien publié en 529 et 534), sur le plan linguistique elle entérine une évolution déjà très avancée et s’inscrit dans une continuité qui verra le français classique puis le français moderne que l’on connaît.

Comme l’explique très bien Jacques Chaurand5, le rayonnement du français au XIIsiècle (trois siècles avant l’ordonnance) doit bien plus aux cours des Plantagenêts, des ducs de Bourgogne et de Champagne qu’au royaume de France. Outre l’Angleterre, et tout l’ouest de ce qui est aujourd’hui la France, le français est présent en Hainaut, en Bourgogne, en Savoie, en Italie, à Venise et à Naples et jusqu’au Proche-Orient. Bien évidemment, ne sont concernés que les lettrés, les poètes, les scribes, les légistes, l’aristocratie et la bourgeoisie, car c’est toujours par les « élites » que se propagent les langues.

La vitalité de l’occitan était cependant indéniable. Si l’occitan des troubadours qui fleurissait à la Cour du comte de Toulouse, entre en déclin après la croisade des Albigeois (1209-1229), comme le roi de France, après l’annexion au domaine royal (1271) n’imposa pas le français dans l’administration du Languedoc, il put demeurer, selon Alain Rey6, langue administrative et juridique, souvent à côté du latin jusqu’au XVIe siècle. Toutefois, il sera soumis à une forte pression du français septentrional dès après la fin de la guerre de Cent Ans, et l’on comprend pourquoi. On verra le nombre de documents juridiques, de chartes et de documents administratifs en langue d’oil se multiplier pendant le siècle qui précède l’ordonnance de Villers-Cotterêts. Et quand intervient l’ordonnance, il s’agit encore d’un français non normé, susceptible de nombreuses variations, la normalisation intervenant plus tardivement à partir du XVIIsiècle. Et précision d’une grande portée, il y est question de « langue maternelle française », c’est-à-dire de la langue que l’on parle. Dès lors, la question de savoir si l’ordonnance, bien que guidée par la volonté de mettre un terme à l’utilisation du latin dans les textes juridiques du royaume de France, aurait eu pour effet de détruire les langues régionales, question qui hante beaucoup d’esprits, serait purement et simplement incongrue, de même que l’idée d’établir une filiation entre l’ordonnance et le rapport de l’Abbé Grégoire à la Convention7.

C’est cela que nous dit en réalité cette petite salle et que l’on aimerait voir développer à Villers-Cotterêts. Cela aiderait beaucoup à l’interprétation à donner à la salle dédiée à l’ordonnance, petit corridor plutôt discret, et au support pédagogique produit par artips.fr, accessible sur Internet, chapitre V, histoire du français. On peut y trouver des formulations surprenantes, génératrices de contresens. Ainsi :

                                                               « Titre : Le français remplace le latin

                                                       On remonte le temps : François Ier impose sa langue.

                                  1539. À cette date, les habitants du royaume de France ne parlent pas tous la même langue :

                                    chaque région a sa langue. L’usage du français, langue du roi, commence malgré tout

                                                               à se diffuser au nord. »

Ici, on n’est pas dans l’histoire mais dans la légende.

On vient de dire que le français prônée par l’ordonnance c’est « la langue maternelle françoise » et que le français parlé à la Cour et dans son environnement, est un français tel qu’adopté par le Roi. Qu’il en ait fait « sa langue », on peut le dire ainsi. Qu’il « impose sa langue », c’est un peu fort. D’ailleurs, quand au XVIIIe siècle toutes les cours européennes parleront français, ce n’est pas le Roi de France qui leur aura imposée, mais les cours qui l’auront choisi8.

Quant à savoir si « chaque région a sa langue », c’est une vision bien contemporaine. Mis à part le breton ou le basque, l’image de la France linguistique au temps de François 1er est plutôt un fondu enchaîné qu’un patchwork.

Passons, tout ne peut être parfait.

Un peu de philosophie

En cherchant dans les coins, là où n’ira sans doute pas le grand public, on peut avoir d’autres surprises à Villers-Cotterêts, en particulier avec le quiz toujours proposé par artips.fr aux professionnels en son chapitre I p. 1 : « Pour commencer, qu’est-ce qu’une langue ? C’est ce qu’on utilise pour communiquer. ». On peut en dire autant d’un smartphone. On peut prolonger : Qu’est-ce que l’eau ? C’est ce que les poissons utilisent pour nager. Qu’est-ce que l’air ? C’est ce que les oiseaux utilisent pour voler, etc. La langue réduite à un outil, il n’en faut pas moins pour justifier l’extension du globish et le tout anglais. « Toute le monde pense comme ça, direz-vous ? ». C’est justement parce « les gens » pensent comme ça, qu’il faut se défaire de ce genre de simplification.

Si vous avez le temps de parcourir Le livre d’une langue, page 30, vous lirez sous la plume de Barbara Cassin et de Xavier North, exactement le contraire : « Pas facile d’exposer une langue, c’est-à-dire une culture, une idée, une histoire, des femmes et des hommes qui la parlent et de la raconter en un parcours. ».

Et le plurilinguisme ?

Qu’il s’agisse de la Délégation générale à la langue française et aux langues de France, de l’Organisation internationale de la Francophonie ou des discours du président de la République, le plurilinguisme voisine avec la langue française. Leur vision de la langue est affranchie du monolinguisme et la CILF s’inscrit résolument dans le plurilinguisme. Le plurilinguisme est une conception moderne de la langue et c’est un humanisme.

Quand on entre dans le plurilinguisme on défend la diversité culturelle, à commencer par la diversité linguistique. On se place dans le « plus d’une langue » selon l’expression de Derrida reprise par Barbara Cassin9. Permettez à l’auteur de ces lignes, dont c’est l’un des grands combats, de souhaiter voir cette dimension développée à Villers-Cotterêts. Il faut des petits Villers-Cotterêts ailleurs dans le monde, en francophonie notamment. Il n’est pas trop tard. Bravo pour Villers-Cotterêts 1.0, c’est un beau début. Et si le sommet d’octobre prochain débouchait sur un Villers-Cotterêts 2.0 ? Alors il n’y a pas de temps à perdre.

Christian Tremblay
Président de l’OEP

https://www.observatoireplurilinguisme.eu

1Heinz Wismann, 2024, Lire entre les lignes, Albin Michel

2Le Livre d’une langue, sous la direction de Barbara Cassin, avec Xavier North, Zeev Gourarier et Hassane Kassi Kouyaté, Editions du patrimoine, Centre des monuments nationaux, Paris, 2023

3Nous renvoyons pour plus de détails au Que sais-je ? de Bernard Cerquiglini, Naissance du français, PUF, 1991 et, toujours de Bernard Cerquiglini, L’invention de Nithard, aux Editions de minuit, 2018, ainsi qu’au roman de Pascal Quignard Les larmes, Grasset&Fasquelle, 2016, sans oublier la Nouvelle histoire de la langue française, sous la direction de Jacques Chaurand, Editions du Seuil, 1999, p. 26 à 34, ainsi que 1000 ans de langue française, histoire d’une passion, sous la direction d’Alain Rey, Editions Perrin, 2007, p.86 à 98.

4Bernard Cerquiglini, 2024, « la langue anglaise n’existe pas », c’est un français mal prononcé, Gallimard, p.92.

5Ibid. P. 98-99

6Ibid. P. 369-376

7Rapport sur la nécessité et les moyens d’anéantir les patois et d’universaliser l’usage de la langue française, Convention nationale, 1794.

8Voir à ce sujet Quand l’Europe parlait français de Marc Fumaroli, Livre de Poche, 2003.

9Barbara Cassin, 2023, Plus d’une langue, Bayard

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