Le virus
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Le virus
Mamie avait cette bagnole : une Fiat 126. Sacré souvenir.
1990, mamie est veuve, depuis quelques mois. Elle qui ne conduit pour ainsi dire jamais, a besoin de retrouver une certaine indépendance.
Dans le garage, la Renault 12 bleu EDF semble encore pleurer le départ précipité du patriarche, mais mamie n’en a cure : cette voiture est bien trop grosse pour elle. Elle se met en quête d’un véhicule plus adapté à son menu gabarit. L'automobile émancipe.
Elle trouve donc cette FIAT blanche. Ce « pot de yaourt» à la fraîcheur quelque peu douteuse. Qu’importe ! Mamie ne roule pas sur l’or, quatre roulettes et un volant suffisent à son bonheur.
La révision de la petite auto est confiée au commis mécano de la famille : Mon père. Moi et mes 7 ans ne sommes jamais bien loin. L’engin espiègle et ses dimensions menues semblent communiquer directement avec mon cœur d’enfant. Je l’imagine blessé, mais je sais que mon père saura le soigner. Mon père ? C’est l’homme qui murmure à l’oreille des capots. Il est sensible aux vibrations de la mécanique, peut-être même plus qu’au battement des cœurs humains. Dans son royaume, les princes ont les mains sales et réveillent les belles endormies en trifouillant leurs entrailles. Et en plus, quand il fait de la mécanique, il jure, bruyamment, à la cantonade, ça me fait beaucoup rire.
Papa ne connait pas l’engin, mon oncle Georges de lui explique donc la procédure de démarrage. Assis sur le siège conducteur, je n’en perds pas une miette :
- Tu vois entre les sièges ? A gauche c’est le starter : tu tires la tige et après tu tires l’autre tige à droite, c’est le démarreur ».
Mon père prend note et commence à s’affairer sur le petit bicylindre, qui, ô bizarrerie, a été placé « dans le coffre » par les ingénieurs italiens. Décidément, cette petite voiture étrange me plait beaucoup !
Toujours au volant, seul avec mon imaginaire d’enfant, je commence à m’inventer une « dolce vita » version roannaise. Des « brouam » et des « vrouuuum » émanent de ma bouche en guise de bande sonore.
Pendant ce te temps, mon père, plié en deux, est en pleine communion avec le bouilleur turinois. Les mains dans l’allumage de la voiture, il a complètement oublié ma présence dans les parages…
Je m’amuse, je rebondis sur le siège et m’agrippe au volant, je me rêve roulant à vive allure sur une route ensoleillée… mais je ne suis qu’à moitié conquis : Que ce jeu manque de réalisme !
Devant moi, les clés laissées sur le contact et dans ma tête, encore fraîches, les instructions de démarrage données par mon oncle :
« Tour de clé, tirette gauche puis tirette droite… Fastoche ! »
Le moteur s’ébroue : un frisson terrible me parcourt l’échine : Je l’ai réveillée !!!!!
Mon père sort alors de l’arrière train du pot de yaourt afin de corriger ce quasi-meurtre.
Je prends alors une soufflante puissance 10 et ma grand-mère, alertée par l’engueulade, jaillit de la maison pour y ajouter de l’écho.
Mes oreilles sifflent fort et longtemps, mais il est trop tard :
Le virus est inoculé !