L'homme qui criait au loup
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L'homme qui criait au loup
L'art de Miura.
Une psychologie littéraire.
Un avant-goût de l'Enfer.
Séquelle mentale d’une génération entière, Kentaro Miura a offert à ses lecteurs un bouquet de fleurs empoisonnées. Cette harmonie parfaite entre des dessins aux traits précis, des textes impactants, et une trame envoutante rentrant alors en confrontation avec des scènes prenant aux tripes, des mentalités obscures et une ambiance qui pousse à faire douter; qu’est-ce qu’est réellement le bien et le mal ? Froid. Sanglant. Traumatisant. Cette œuvre mythique des temps modernes fait frissonner rien qu’à l’entente de son nom. Une entrée durant laquelle le mental est mis à l’épreuve. Un plat qu’on digère mal et qu’on regrette d’avoir commandé. Un dessert à l’aspect inquiétant qu’on se refrène à goûter, et on se lance malgré tout. Puis finalement, on se rend compte qu’on aime ce qu’il vient de se passer. Car Berserk, c’est ça. C’est une torture qu’on redemande. C’est endurer un mal-être durant la lecture mais souffrir encore plus quand on ne le lit pas. On se laisse entrainer dans un combat de boxe en étant conscient que nos mains sont liées et que les coups s’acharnent sur nous. Et puis, l’art se transforme en addiction. Tout devient drogue et illicite. Indéniablement, nous tombons dans le piège Miura.
Philosophie.
Berserk est une guerre sans fin entre des notions considérées comme abstraites et idiotes mais pour lesquelles l’Homme accorde une confiance aveugle. Dieu et Satan, le bien et le mal, les forts et les faibles, la survie ou le confort. Frôlant alors les retranchements humains les plus tabous. La définition de ces thèmes est-elle vraie ? Où leurs limites se situent-elles ? Qui a imposé l’existence de Dieu ? Devrions-nous croire à des entités que nous n’avons jamais vu pour mourir en paix ou bien croire en nous-même en ayant une incertitude d’un « après la mort ». Qui a raison dans l’histoire, l’antagoniste ou le personnage principal ? Toutes ces questions viennent à être illustrer par des personnages diverses et profonds, nous poussant à être attacher à certains d’entre eux. Ainsi, l’œuvre devient le miroir de nos pensées, de nos sentiments et de notre âme. On s’identifie à travers les paroles et les actes des personnages. Tout devient une rétrospection de soi-même, un questionnement incessant. On se voit sur le champ de bataille, on se voit crier, rire ou pleurer. Et nous fermons le livre. On soupire et on s’allume une dernière cigarette. On se regarde une dernière fois dans le miroir de notre chambre. On éteint la lumière, hésitant. Et on se rend compte, que c’est à notre tour, de faire face à nos démons.
Et les ténèbres furent...
Et tout comme Guts, nous combattons pour une vie qu’un certain destin nous aurait imposé, poursuivi par des ombres remplies de nos émotions négatives. La haine, le dégoût, la vengeance, la colère. L’humain est une création de Dieu, et toute forme bâtie par sa lumière est parfaite, pourtant l’Homme reste un être médiocre et mauvais. Comme un vase qui a été conçu directement brisé, élaboré avec des failles, des défauts qu’on ne pourra jamais effacer Sous sa forme corporelle et ses qualités hypocrites, l’humain est la cachette naturelle et préférée du diable. IL est l’ombre de sa propre déshumanisation. Berserk est l’avertissement de notre état animal et que devenir maître de son destin mène à des choix et des compromis. Celui durant lequel le contrôle se perd et que les actes les plus immoraux peuvent jouer. Cet esprit qui nous possède et que nous regrettons d’avoir lâché. Nous sommes tous Guts au fond. Une personne banale qui doit survivre dans un monde vide de sens, ignoble et discriminant, dans lequel penser à nous-même peut être un synonyme d’égoïsme. Nous sommes tous hantés et traumatisés par un loup qui nous hurle d’innombrables fois de franchir la barrière de la bienséance afin de rentrer dans cet état incontrôlable durant lequel nous devenons insensible à la douleur physique et morale. Car l’Homme est faible, il le sait, et il en a peur. Puis nous nous battons pour ceux que nous aimons, jusqu’à les perdre et vouloir se venger d’une quelconque manière. Berserk, c’est faire le choix de ne jamais perdre son humanité ou de devenir le détenteur de son destin et ainsi, être son propre martyre. Durant la lecture de son œuvre, Miura nous donne un cours de philosophie mais surtout, d’une vie. Il est notre professeur et nous expose une réalité que nous faisons semblant de ne pas connaître. Miura nous crie au loup, cependant il trouve une seule différence entre le conte originel et la vérité : nous sommes et nous serons toujours notre propre loup.