Heureusement !
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Heureusement !
Ces temps-ci, je suis assez remontée contre la manière dont l'épidémie est gérée en Allemagne.
Je trouve qu'on demande des efforts toujours aux mêmes : les jeunes générations, c'est à dire les forces vives du pays, notamment les familles.
Sans rentrer dans le détail du pourquoi et du comment des mesures, pensez que dans le Land où je vis, la plupart des adolescents de 12 à 17 ans n'ont pas du tout été en classe depuis les vacances de Noël. Quatre mois entiers. Les plus jeunes y allaient à mi temps, et encore les parents étaient incités à les garder à domicile à temps plein. Et d'un seul coup, avec l'entrée en vigueur du "frein d'urgence fédéral" le 25 avril, tous les établissements scolaires sont passés en cours à distance, sauf pour les Terminales qui ne couperont pas au sacro-saint Abitur en présenciel. Et les crèches aussi ont (re)fermé. Pour ce qui est des universités, elles fonctionnent totalement à distance depuis plus d'un an. Et ici, c'est silence radio dans les grands médias au sujet de ce que vivent les étudiants. Quant au télétravail, il est vivement recommandé pour les parents. Mais là, bizarrement, les contraintes pour les entreprises semblent nettement plus floues.
Dans les médias, de rares articles trouvent qu'on en demande trop aux plus jeunes. Par contre on lit que l'Etat fédéral va débourser des sommes importantes pour le soutien scolaire, ou bien, dans un exercice d'auto-persuasion, que telle étude montre que finalement les plus jeunes s'en tireront en majorité assez bien. Même la Chancelière y est allée de son petit couplet à destination des télétravailleurs pour le 1er mai.
Mais le grand débat, en ce moment, est de savoir si les personnes vaccinées peuvent jouir de plus de libertés. Or la vaccination est toujours réservée aux groupes prioritaires, suivant une liste d'une complexité kafkaïenne. Elle ne sera pas ouverte au public ordinaire de moins de 70 ans avant plusieurs semaines. On pourrait donc se retrouver dans la situation où les retraités, vaccinés, partiraient en vacances, mais pas leurs enfants et petits-enfants, après des mois de télétravail et d'école à distance... Et franchement, à la lecture des différentes opinions qui s'expriment dans les médias, cela pourrait bien arriver ! Serait-ce si étonnant vue la démographie de ce pays finalement âgé ? Les décisions ne sont-elles pas prises par des sexagénaires et septuagénaires ? Qui ont eu plutôt un seul enfant, voire pas du tout ?
Précisons que les vacances dans le pays sont impossibles depuis des mois, même à 10 kilomètres de chez soi : les hébergements touristiques sont interdits.
Les médias n'en parlent pas beaucoup, mais on sent l'incompréhension vis-à vis du choix de la France de garder les écoles ouvertes à tout prix. Pour les responsables allemands, les plus jeunes contribuent fortement à l'épidémie. En France on en est moins sûr. Toute l'ambivalence générale des Allemands vis à vis des enfants s'y retrouve. C'est comme ça que je le perçois du moins.
Ajoutons que tout est basé sur le nombre de cas pour 100.000 habitants, scruté quotidiennement, canton par canton et à la décimale près. Que ce chiffre soit entre autres dépendant du nombre de tests, terrain sur lequel l'Allemagne fait beaucoup moins que ses voisins, ne semble pas ébranler le moins du monde ni les responsables, ni les médias, ni le grand public, qui n'hésitent pourtant pas à se lancer dans des comparaisons internationales forcément invalides.
Enfin pour ajouter à ma frustration, l'eau et la natation me manquent. Impossible depuis plus d'un an de voyager jusqu'à Nouméa et de piquer une tête à la Baie des Citrons. Et ici, toutes les piscines sont fermées depuis novembre. "Ma" piscine chauffée en plein air, qui ouvre habituellement fin mars, est toujours inaccessible au public. Mais pourtant, au club de tennis, on peut voir des gens ordinaires - ni des tous jeunes, ni des champions - qui se renvoient une petite balle jaune. Absurdistan tout germanique...
J'en étais là du bouillonnement incontrôlé - comme souvent - de mon cerveau bizarre, quand par une journée de printemps radieuse, j'ai enfourché mon vélo pour suivre la piste cyclable qui serpente le long de la Nidda jusqu'à la petite ville d'eaux de Bad Vilbel à une douzaine de kilomètres de mon quartier de Francfort. Une balade magnifique au milieu des champs de colza en fleurs, et des pommiers et cerisiers couverts de pompons de pétales roses et blancs. Souvent au détour d'un virage, l'illusion est quasi parfaite : on se croirait en pleine nature, à des dizaines de kilomètres de toute agglomération. Le regard n'embrasse que de la végétation, et les serpents enlacés de la rivière et de la piste cyclable. Difficile de croire qu'on se trouve dans les faubourgs de la capitale économique de l'Allemagne. Il y avait même sur mon chemin une baraque à asperges et fraises, typique en cette saison dans la région.
Au retour, la tempête qui sévissait sous mon front s'était apaisée. L'Allemagne en général, et la Hesse et les contreforts du Taunus en particulier me semblaient le plus bel endroit du monde.
Conclusion : vite, refaire une balade à vélo !
JP Hamon, CC BY-SA 3.0 , via Wikimedia Commons