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Jeter la première pierre ?

Jeter la première pierre ?

Publicado el 10, feb, 2025 Actualizado 10, feb, 2025 Society
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Jeter la première pierre ?

Cet article est un commentaire étendu d'un article de Charitha Liyanage qui est en fait la traduction par ses soins d'une nouvelle de l'écrivain cinghalais Martin Wickramasinghe intitulée "Jeter la première pierre", publiée en 1935.

Ce commentaire, réalisé le 6 novembre 2024, a été un peu remanié suite à des informations complémentaires fournies par Charitha. La publication est un peu tardive, ceux qui me suivent un peu savent que j'ai donné une priorité à un autre projet de plus grande envergure ;-) mais mieux vaut tard que jamais comme on dit... retardé certes, abandonné jamais !

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Il y a décidément bien des parallèles entre Jésus-Christ et le Bouddha (on pourrait aussi parler côté Jésus de Marie-Madeleine et de l'usurier Zachée).

Tant de cruauté envers des femmes en train d'accoucher me révolte. Parce qu'elles sont seules à ce moment-là, parce qu'elles sont pauvres, voire dans une misère noire - parce qu'il faut vraiment en être réduite à une misère noire pour en arriver à accoucher dans un bus (parce qu'on se rendait justement à l'hôpital peut-être ?) ou sur le bord du chemin - on en déduit automatiquement que ce sont des "prostituées" ?!...

"Détresse, oui, mais impudeur aussi..."

Bon, il faut dire aussi une chose : c'est que moi, à la lecture des deux histoires racontées par Charitha Liyanage (ou plutôt en fait par Martin Wickramasinghe), je me suis représenté deux femmes en détresse qui avaient besoin d'aide (ce n'est quand même pas la situation la plus courante au monde au vingt-et-unième siècle que se retrouver en train d'accoucher dans le bus, ou au bord du chemin, ou autrement en public... dans sa voiture éventuellement, si on est coincé dans les bouchons au mauvais moment et que les choses se passent plus rapidement que prévu... et même au vingtième siècle, et même en 1935 - un siècle, même pas, ce n'est pas si ancien finalement - c'était certainement loin d'être la norme).

Mais ce que les témoins ont plutôt vu dans l'affaire, eux, c'est une situation qu'ils ont jugé impudique et indécente (en se disant que tout de même, quand on est en train d'accoucher, ce n'est pas le moment de se mettre en route dehors quel qu'en soit le moyen, qu'accoucher, ça se fait en privé et dans l'intimité, qu'elles devaient bien savoir elles-mêmes ce qu'il en était et ce qui était en train de se passer, et qu'elles auraient dû avoir assez de jugement pour ne pas aller dans un lieu public à un moment pareil) et c'est plutôt à cela qu'ils ont réagi sur le moment même.

Entre solidarité et idéologie de l'honneur

La société cinghalaise est probablement aussi plus conviviale et plus solidaire que la société occidentale, ce qui peut peut-être expliquer qu'en ayant vu une femme seule non entourée des siens et tellement démunie et isolée qu'elle en est réduite à circuler en public dans un moment pareil (où elle devrait normalement être en privé chez elle dans l'intimité de sa maison ou dans la salle d'accouchement d'un hôpital), les gens en aient tout de suite déduit que si elle n'avait pas d'autre choix que de se montrer ainsi "impudique", c'était parce qu'elle avait été rejetée par sa famille et que si tel était le cas, ça ne pouvait être que parce que son état résultait d'un comportement de sa part que la morale de la société où elle vit réprouve.

C'est surtout le cas dans une société où l'on estime que "son comportement socialement conforme à soi, c'est l'honneur des autres" (surtout si on est une femme) ce qui à son tour fait peser sur les épaules des familles une pression sociale énorme dans le sens du rejet plutôt que de la compassion, de la compréhension et de l'entraide une fois qu'un(e) de ses membres a franchi la "ligne rouge" tracée par la société : si sa famille ne le/la rejette pas, c'est la famille dans son ensemble qui est considérée comme solidaire du comportement "déviant", donc considérée comme "déshonorée" donc rejetée socialement à son tour.

Donc, pour survivre, pour permettre à ses autres membres de survivre dans la société, la famille n'a pas d'autre choix que se désolidariser publiquement de celui ou de celle de ses membres qui a "dévié", et elle ne peut le faire qu'en le/la rejetant, en le/la sacrifiant pour sauver tous les autres - et qui d'autre dans la société voudra mettre sa réputation en danger en tendant la main à une personne dont le rejet social a été entériné par sa propre famille ? La suspicion sociale est telle qu'ils auront tous l'impression d'avoir été contaminés par une maladie incurable, mortelle et surtout contagieuse !

Définir la prostitution

Je voudrais ouvrir ici une petite parenthèse en soulignant que le terme de "prostituée" a une acception beaucoup plus large dans les sociétés traditionnelles en général que dans les sociétés modernes. J'entends presque d'ici les traditionnels dire aux modernes que "vous enfermez ce pauvre malheureux petit mot de "prostituée" dans une prison (sémantique) dans laquelle il étouffe et n'arrive plus à respirer".

En effet, les modernes définissent la prostitution comme "des relations sexuelles tarifées", à l'exclusion de quoi que ce soit d'autre.

Mais pour les traditionnels, la prostitution va bien au-delà du fait de tarifer ses relations.

Pour les traditionnel(le)s, toute relation intime en dehors du mariage est de la prostitution, notamment pour les femmes et les jeunes filles. Que ces relations soient volontaires ou non, d'ailleurs : une femme victime de viol ou de harcèlement se fera accuser de ne pas s'être suffisamment défendue (parce qu'ils sont persuadés que toute femme qui "se défend suffisamment" - ou à défaut qui sait se faire accompagner - est tout à fait capable d'empêcher un homme agresseur de s'en prendre à elles), ou alors d'avoir manqué de prudence voire de méfiance (notamment en se trouvant là où elle n'aurait pas dû être et en quittant ainsi le cadre où elle aurait été protégée de toute agression), voire même de "l'avoir bien cherché"(pour la même raison - et ici, les traditionnels ne sont pas les seuls à le penser, les modernes y joignent volontiers leur voix : Juliette Norel peut en témoigner pour avoir été elle-même victime de ce préjugé, et pourtant ça s'est passé chez nous à notre époque).

La "prostitution", pour les traditionnel(le)s (partout dans le monde), n'implique pas forcément des relations intimes, d'ailleurs : se montrer familière ou abordable, même "en tout bien tout honneur", avec un garçon ou un homme qui n'est pas de sa famille (et encore, parfois même s'il en fait partie) suffit pour eux à attirer sur une fille ou une femme le qualificatif de "prostituée". Parfois, le simple fait de s'habiller d'une manière pas suffisamment "couvrante" qui pourrait être jugée "provocante" suffit, même si la fille en question est toute seule dans son coin et n'a jamais vu un garçon ou un homme de toute sa vie (bon, ici, je sais que je deviens un peu extrême mais il ne faut pas s'y tromper : parfois, on n'en est pas loin !)

Application au cas du moment

Dans ce contexte, aux yeux des témoins des deux anecdotes rapportées par Charitha (ou par Martin), les femmes concernées, quelle qu'ait été leur situation et quelle qu'en aient été l'origine, n'étaient nullement des personnes en détresse qui avaient besoin d'aide mais elles étaient, bien au contraire, entièrement responsables de leur situation et ne méritaient que l'opprobre et le rejet - en plus, cela va de soi, que ce qui était en train de leur arriver. Aux yeux de ces témoins, que leurs familles comme la société aient laissé la vie à ces femmes comme à leurs bébés était déjà un immense et magnifique cadeau totalement immérité voire dangereux pour les gens réputés être "de bonnes mœurs" (je serais curieuse de connaître l'existence et l'étendue du "crime d'honneur" dans la société cinghalaise, je ne possède pas de statistiques à ce sujet mais si l'on me disait qu'il s'agit d'un phénomène répandu, vu cet état d'esprit, cela ne m'étonnerait pas).

Les tradis et les modernes : petit dialogue virtuel

Non seulement une telle conception de la "prostitution" - aussi extensible - refuse à toute femme ou jeune fille (et même à tout jeune garçon !) le statut de victime en cas d'agression, mais elle ignore aussi que la plupart des agressions même sexuelles à leur encontre se font justement dans le cadre où elles sont censées être le mieux protégées, à savoir : au sein des familles.

Elle l'ignore... ou elle est persuadée de l'inexistence de telles agressions, en tout cas dans les sociétés traditionnelles.

Les traditionnel(le)s : "nous, nous ne sommes pas comme vous les modernes qui n'avez plus aucune pudeur, aucune retenue, aucune morale et aucune limite : nous autres les traditionnel(le)s, nous avons encore quelque chose qui s'appelle des "tabous", quelque chose que vous, vous avez perdu, et croyez-nous, les tabous, ça empêche beaucoup, beaucoup de choses, et ça retient beaucoup de gens de faire le mal, parce que le tabou, c'est la distance, le tabou, c'est le respect" .

Les modernes : "ce sont là des illusions que vous vous faites depuis la nuit des temps (et que nous nous sommes faites nous aussi en notre temps) : ce qui vous induit en erreur, c'est que chez nous, les gens ont commencé à sortir les poubelles, tandis que chez vous, les gens en sont encore à balayer la crasse sous le tapis".

Les traditionnel(le)s : "quelle crasse ? quel tapis ? de quelle crasse et de quel tapis parlez-vous ? il ne faut pas croire que les autres sont comme vous, il ne faut pas croire que tout le monde est comme vous ! ailleurs, il reste encore des gens propres !"

(et, à voix basse, certain(e)s parmi les traditionnel(le)s : "et même si c'est le cas, c'est tout de même plus décent de balayer sa crasse sous son tapis que de l'exposer dehors devant tout le monde, non ?") .

Les modernes : "et comment peut-on le savoir, qu'il n'y a pas de crasse sous le tapis, si les victimes sont réduites au silence et ne disent rien ? parce que c'est systématiquement à elles que tout le monde donne la faute si elles osent se plaindre et dire qu'il y a de la crasse sous le tapis ? quand personne ne dit rien, personne ne sait rien et tout le monde croit qu'il n'y a rien !"

Les traditionnel(le)s : "alors d'accord, on veut bien accepter le défi, à une condition : c'est que chacun balaie chez soi : vous balayez chez vous (au lieu de prétendre vouloir le faire chez les autres) et nous balayons chez nous... mais au vu de tous les excès qui ont cours par chez vous, et que chez nous les gens n'oseraient même pas imaginer, nous serions tout de même curieux de voir qui, de vous ou de nous, se retrouverait avec le plus de poubelles à sortir..."

Revenons à nos accouchées livrées au public

Revenons à ces femmes qui se sont fait conspuer pour avoir dû subir leur accouchement dans un lieu public (parce que, pour ceux qui ne le sauraient pas encore, une femme ne peut pas se retenir d'accoucher comme on se retient dans d'autres circonstances et que si ces femmes en étaient là, ce n'était certainement pas de leur plein gré ni de leur propre choix - en tout cas j'ai beaucoup de mal à me l'imaginer : je crois plutôt que quand on a le choix, accoucher est naturellement quelque chose qu'on fait dans l'intimité et qu'accoucher dans un lieu public, c'est une situation dans laquelle on se retrouve et que l'on subit, pas une situation que l'on a choisie).

La question du châtiment

Mais je pense que le premier souci de tous ces gens qui les rejettent est de protéger la société en faisant de ces femmes l'exemple à ne pas suivre. Comme ils sont persuadés qu'en dernière analyse, si l'on va au fond des choses, si elles se retrouvent dans une telle situation, c'est de leur faute à elles, ils sont juste persuadés d'être en train de les punir, de les châtier.

C'est l'une des fonctions du châtiment : non seulement compenser la victime (et si possible obliger le contrevenant à le faire lui-même) (donc en d'autres termes reprendre la fonction de la vengeance), non seulement décourager le contrevenant de recommencer, et non seulement faire expier le contrevenant et "exorciser le mal en lui" (ce dernier point uniquement dans les sociétés où une certaine forme de spiritualité est encore vivace), mais aussi décourager les autres de l'imiter... autrement dit, faire un exemple... et dans leur esprit, refuser à ces femmes qui se retrouvent en train d'accoucher en public (donc, aussi, impudiquement dans des sociétés qui sont encore très strictes sur tout ce qui concerne la pudeur) toute aide au moment précis où elles auraient le plus besoin d'aide (ne serait-ce que pour être conduites vers un hôpital) est en fait un châtiment comme un autre - enfin, pas tout à fait comme un autre : l'un des rares châtiments qui soit à la fois assez public et assez dissuasif pour constituer une leçon, un exemple, pour tous les autres qui y assistent, et en particulier pour les enfants. "Ne vous conduisez pas comme elles, sinon c'est la même chose qui va vous arriver". Un peu comme la peine de mort (c'est pourquoi certains sont non seulement pour la peine de mort, mais pour que son application soit publique, filmée et diffusée publiquement au besoin à la télévision ou sur Internet).

La "contagion du mauvais exemple"

Dans l'esprit de beaucoup, "le reste de la société", c'est d'abord et avant tout leurs propres enfants, et c'est pour cela qu'ils estiment que le souci de protéger l'ensemble de la société - c'est-à-dire de protéger leurs propres enfants de la "contagion du mauvais exemple" - prime la compassion envers un contrevenant qui souvent n'en est là qu'au terme de nombreuses difficultés (et souvent le mot "difficultés" est un mot bien faible, surtout dans une société très répressive et prompte à stigmatiser - et pas uniquement sur les questions dites de "mœurs").

"C'est bien facile d'être prophète"... ou pas ?

Certes, grands prophètes, saint(e)s et autres leaders spirituels majeurs ont régulièrement pratiqué la compassion avec tout le monde, et ils sont souvent cités en exemple pour cela, quelle que soit la religion considérée.

Mais, diront la plupart des gens ordinaires, même s'ils sont croyants de l'une ou de l'autre religion, il faut bien reconnaître que la plupart du temps, c'étaient des célibataires sans enfants, et qu'à ce titre, ils (et elles) avaient beau jeu de le faire et que leur point de vue aurait peut-être été différent s'ils (ou elles) avaient fondé un foyer comme tout le monde et s'ils (ou elles) avaient eu leurs propres enfants à protéger du mauvais exemple et à maintenir dans le droit chemin avant tout autre préoccupation...

Et les sociétés bouddhistes paraissent promptes à dire qu'avoir fondé un foyer, avoir eu femmes et enfants, n'a fait que ralentir Bouddha et bodhisattvas sur le chemin de leur accomplissement spirituel...

Quoique même célibataires, vierges et sans enfants, les prophètes, saint(e)s et leaders spirituels majeurs n'avaient peut-être pas si beau jeu qu'on pourrait le croire de pratiquer la compassion : pour en revenir à Jésus-Christ, il s'était lui aussi gagné une réputation sulfureuse dans la société de son temps parce qu'on lui reprochait, justement, de fréquenter les voleurs, prostituées et autres pécheurs... et même de guérir les lépreux (dont on pensait que la maladie était un châtiment infligé par Dieu en personne pour expier les péchés de leurs ancêtres !). On lui reprochait aussi de s'en prendre aux pharisiens en les accusant d'hypocrisie ("sépulcres blanchis" !) alors que dans la société juive de leur époque, les pharisiens étaient considérés comme des modèles de moralité que tout le monde devait suivre et imiter... et tout cela n'est pas du tout étranger à sa mise en croix : on a activement cherché un prétexte pour le faire, quitte à se servir de Judas...


Crédit image : lovleah - iStock

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Comentario (2)

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Erwann Avalach verif

Erwann Avalach hace 8 horas

Vos réflexions ont le mérite ce matin,
De nous montrer comment s’y prend l’esprit humain
Pour faire rimer de toute bonne foi le mot horreur
Avec un autre, guère plus joli, le mot honneur...

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Jackie H verif

Jackie H hace 5 horas

L'honneur est respectable
Quand il ne rime pas avec horreur 🙂

Merci Erwan 🙏🏻

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