

Un esprit sain
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Un esprit sain
-Monsieur Talance, voulez-vous bien me suivre ?
Charles Talance était un homme richissime et très occupé. Les années passant, les déjeuners d’affaires et les diners de gala avaient modifié en profondeur sa morphologie. Mais prendre soin de sa santé, cela prenait du temps et « le temps c’est de l’argent » aimait il répéter. Cet après-midi, il avait rendez-vous dans une clinique qui lui promettait l’impensable : Retrouver un corps en pleine santé sans avoir à y consacrer du temps. Il avait immédiatement pris rendez-vous pour en savoir davantage et s’apprêtait à débuter la visite :
-Je vous suis, répondit Charles à son guide.
Le bâtiment était flambant neuf. Une odeur de peinture fraiche planait encore dans les couloirs. Le guide ouvrit une lourde porte et la présentation débuta :
-Je suis très heureux de vous présenter notre nouveau programme de remise en forme, lança le guide rempli de fierté. La magie débute ici. La première étape consiste à séparer votre esprit de votre corps dans ce bloc opératoire.
-Séparer mon esprit de mon corps ? bredouilla Charles.
-Evidemment, reprit le guide. Votre esprit s’occupera de gérer vos tâches quotidiennes pendant que votre corps subira un entrainement de remise en forme.
-C’est douloureux ?
-Absolument pas. L’opération est très peu intrusive. Nous allons seulement récupérer votre activité cérébrale à l’aide d’un casque et la sauvegarder sur un serveur informatique. Votre esprit vivra dans un monde numérique dans lequel vous pourrez continuer à communiquer avec l’extérieur.
-Je pourrai envoyer des messages et participer à des visio-conférences ?
-Comme si vous étiez dans votre corps. Vous ne pourrez cependant pas vous rendre physiquement à un rendez-vous.
-Et qu’allez-vous faire de mon corps pendant ce temps ?
Le guide esquissa un léger sourire et fit signe à Charles de le suivre dans la pièce suivante. Un long couloir vitré longeait ce qui ressemblait à une salle de sport. Des corps en mouvement sur des tapis de course, des rameurs, des vélos, mais Charles eut une impression étrange. Les regards semblaient vides, les gestes mécaniques.
-C’est ici que les personnes s’entrainent ? lança Charles une fois que l’effet de sidération le lui permit.
-Pas vraiment des personnes, le reprit le guide, uniquement leurs corps.
-Uniquement leurs corps ?
-Je vous l’ai dit, l’esprit de ces personnes se trouve sur un serveur. Ici, ce sont uniquement des corps que l’on commande par impulsions électriques. Vous pouvez d’ailleurs observer que chaque muscle est relié à une électrode.
Charles s’approcha de la vitre et nota effectivement de nombreux câbles reliés aux bras et aux jambes des sportifs. Une machine semblait contrôler ces pantins articulés. Milles questions provoquaient un embouteillage dans la tête de Charles :
-Mais comment ces corps ont-ils de l’énergie pour faire autant de mouvement ?
-Nous les alimentons directement en intra veineuse avec la dose exacte de nutriments nécessaires aux mouvements. Ainsi, l’énergie est toujours dépensée et il n’y a pas de stockage. Nous leur faisons également respecter un cycle de sommeil adéquat. En quelques jours nous avons déjà des résultats visibles. En quelques semaines, ils sont carrément impressionnants.
-Et comment se termine le processus ?
-Nous restons en contact avec votre esprit. Nous vous envoyons des états des lieux de votre corps et lorsque vous êtes satisfait, nous réinitialisons votre cerveau à partir de la sauvegarde du serveur.
Charles était toujours collé à la vitre de la salle de sport. Il n’en croyait pas ses yeux :
-Il vous reste de la disponibilité pour un patient de plus ? interrogea Charles au bout de quelques minutes de rêverie.
-Je peux vous intercaler mardi, si vous pouvez vous décider rapidement et si vous êtes en mesure de financer l’intervention. Naturellement, le procédé est encore relativement récent et peut comporter des risques.
-L’argent n’est pas un problème et je sais prendre des risques dans la vie. Dites moi seulement où je dois signer.
***
Il n’était que 10h ce mardi matin et Charles se promenait déjà dans une ville numérique. Son avatar lui ressemblait beaucoup. La clinique lui avait dit que les modifications physiques de son corps se répercutaient en temps réel sur sa représentation virtuelle.
Charles voulut s’assurer qu’il était en mesure de pouvoir communiquer avec l’extérieur. Il lui suffisait de penser à quelque chose pour le voir apparaitre instantanément. Il pensa donc à son bureau et ce dernier se matérialisa devant lui. Il s’assit dans son fauteuil virtuel qui à première vue était aussi confortable que le vrai.
Il lui fallut un peu moins de 30 minutes pour expédier les affaires courantes et se sentir rassuré. Il commençait même à voir de nombreux avantages. Il ne perdait pas de temps dans les transports. Il avait même le temps de se détendre entre deux coups de fil. Une simple pensée et il se trouvait au pied du Kilimandjaro. Entre deux réunions en visio-conférence il s’autorisait à flâner quelques minutes sur la muraille de Chine.
Sa vie privée ne s’en trouva pas non plus chamboulée. Il avait pris l’habitude de rentrer après le coucher de ses enfants et de mettre les voiles avant leur réveil. Sa femme ne lui adressait plus vraiment la parole depuis des années. Charles commençait à se dire qu’il s’acclimaterait rapidement à cette nouvelle vie. Malheureusement, le séjour à la clinique était très onéreux et chaque jour supplémentaire passé ici coûtait une véritable fortune.
Au bout d’une semaine, il reçut le premier compte rendu de la clinique. Il avait remarqué que son avatar s’était affiné et les informations concernant son corps physique le confirmaient. Tous les prélèvements témoignaient d’une remise en forme phénoménale. Le risque de maladie chronique s’éloignait et il pourrait bientôt reprendre le contrôle de son véhicule remis à neuf.
Le compte rendu proposait également un choix à Charles : Rester deux jours de plus et avoir un corps en pleine santé ou rester 8 jours supplémentaires pour récupérer en bonus des abdominaux visibles et des bras de déménageur. Charles se sentait à l’aise dans son environnement numérique et opta pour les huit jours.
***
Charles avait été bien occupé ces derniers jours. Le temps avait filé à toute vitesse. Le lendemain, il reprendrait possession de son corps et il avait l’impression d’avoir rajeuni de 15 ans. Il allait avoir fière allure et probablement provoquer la jalousie de ses proches.
Puisque rien n’avait d’impact physique dans son monde virtuel, Charles imagina une table pleine de victuailles et une pyramide de flutes de champagne. Il s’aperçut que la technologie montrait encore des limites. Elle ne parvenait pas à berner son goût avec cette simulation. L’expérience lui paraissait bien fade et il était impatient de la répéter dans la réalité le lendemain.
En y réfléchissant, plus rien n’aurait jamais de conséquence. A chaque fois qu’il aurait un souci de santé, il pourrait revenir dans cette clinique passer quelques jours de vacances. Il inclina son fauteuil et sourit à l’idée de cette perspective.
Il fut sorti de sa rêverie par la disparition de sa coupe de champagne qu’il tenait à la main. Puis c’est le festin qui disparut avec un bruit de téléviseur qui s’éteint. Charles encore interloqué fut projeté à terre lorsque son fauteuil disparut à son tour. Alors qu’il se relevait, il constata avec inquiétude que ses mains s’effaçaient progressivement. Il voulut crier. Trop tard, Charles Talance venait de disparaitre.
La clinique avait fait une telle publicité autour de sa nouvelle méthode de régime que les clients avaient afflué par milliers. Des milliers d’esprits parcouraient les serveurs et remplissaient leur monde virtuel avec pour seule limite leur imagination. Cette multitude de créations avait provoqué une surcharge de la capacité électrique de la clinique. Le générateur de secours avait lui aussi rendu l’âme. Les serveurs s’étaient éteints, supprimant à jamais les données de leurs occupants.
Image Libre de droits : https://www.pexels.com/fr-fr/photo/club-discotheque-boite-de-nuit-rangee-12250460/


Yvon Stein hace 7 horas
Au moins, ça ne lui coûtera pas un bras...
Algomius hace 6 horas
C'est vrai, il faut voir le bon côté de chose :D