Le vieil Alistair n’empoignait la queue d'billard

que dans deux cas de figure.

Et il était toujours question d’humeur de femme.

Soit qu'la grande bleue faisait le gros dos,

soit qu'la petite Joe f'sait les gros yeux.

Quand MacNulty se pointait au bar,

je savais qu’une tempête grondait quelque part,

et que le Light était son seul refuge.

Alors, en attendant que passe l’orage,

que le temps chasse les nuages,

l’ancien attrapait une canne,

lui crayonnait le bout’,

et envoyait balader les cocos dans les poches,

sous le regard médusé des pousses-boules.

Alistair MacNulty enquillait les billes comme personne.

Virtuose du bâton d’érable,

maître incontesté du side spin, du rétro et du jump shot,

le capt'ain naviguait le tapis feutré avec autant d’aisance

qu’il avait d’amour pour la mer.

Une relation extraconjugale qui n’était pas du goût de la p’tite Josie.

Miss MacNulty n’appréciait guère

que son vieux crouton patauge dans la grande soupe

dès qu’il en avait l’occasion.

Alors, quand le ciel dégagé assombrissait la masure,

Alistair levait l’ancre et s’en allait humer les fragrances salines.

Mais quand le climat était aussi mauvais en dedans qu’au dehors,

il poussait la porte du LightHouse,

commandait son « whisky écossais, bien tourbé, touche de citron »

et breakait la pelouse en grommelant dans son hirsute barbe grise.

Si l'on devait juger la relation d’un homme

aux compétences forgées par les disputes,

alors, à voir le talent d'Alistair au billard,

on pourrait en conclure que l'amour qui l'unit à Josie

est aussi tumultueux qu'une mer du Nord.

Et pourtant,

il n’existe sur cette Terre

guère amour plus sincère

que celui de Joe et d’Alistair.