John Train
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John Train
Le 7 avril 1976, Phil Ochs se pendait dans un appartement de New-York.
C’était un auteur compositeur et interprète de folksongs, comme Joan Baez, Karen Dalton ou Bob Dylan. Ils avaient tous chanté sur les mêmes scènes dans les années 60. Ochs et Dylan étaient d'ailleurs si proches qu'un jour ils se sont brouillés. Bagarre dans une voiture : Bob Dylan jette Phil Ochs dehors à grands coups de pieds. C’est en tout cas ce qui se dit.
Malheureusement pour lui, Phil Ochs n'a pas eu la même réussite que Bob Dylan. En 1973, alors qu'il se trouve en Afrique, une bande de petites frappes l'agresse sur une plage où il se promenait. A priori, rien de bien méchant, il s'en tire avec une belle frayeur et quelques ecchymoses, mais ses cordes vocales sont endommagées. Il doit s'arrêter de chanter. Dès lors, la suite de sa vie n'est qu'une lente série d'échecs et de désillusions. De plus, la schizophrénie le ronge et, la plupart du temps, il se prend pour un certain John Train et prétend avoir tué Phil Ochs pour prendre sa place. À sa mort, ses cendres seront dispersées à Édimbourg, près d'un château.
Il ne faut en aucun cas dénigrer la vie de ce monsieur John Train sous prétexte qu'elle n'a pas eu la possibilité d'exister ailleurs que dans le cerveau malade et déchiré de Phil Ochs. Qui sait ce qu'ils auraient l'un et l'autre pu accomplir s'ils n'avaient pas été obligés de se partager une seule existence pour deux. Les vies imaginaires ont autant droit de cité que les autres vies. Parfois, un individu peut se faire déposséder de tout par un double qu'il a créé, si bien qu'il devient difficile de discerner si c'est l'homme réel qui se sert de son double ou le contraire. Voici encore deux exemples de doubles terribles qui ont explosé à la tête de leurs créateurs respectifs : Vernon Sullivan, qui a plus ou moins coûté à Boris Vian tous ses rêves d'être un jour un écrivain reconnu, et sur un autre plan, la créature du Docteur Frankenstein, qui a juré de le tuer et le pourchasse tout au long du roman de Mary Shelley. Il est d'ailleurs troublant de constater que dans l'imaginaire collectif les deux êtres sont souvent confondus : pour beaucoup, Frankenstein est le nom de la créature. Cette erreur si souvent reproduite prouve bien que les deux destinées, celle de la créature comme celle de son créateur, sont intimement mêlées.