Le Vagabond
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Le Vagabond
Long Branch, État du New Jersey, le 23 juillet 2009.
Un homme hagard erre dans les rues de la ville. Un voisin qui commence à s'inquiéter appelle la police. Il faut bien avouer que l'inconnu a vraiment l'air d'un parfait excentrique, pantalon de survêtement rentré dans des bottes de pluie, deux imperméables l'un sur l'autre, et qu'il regarde une maison avec insistance.
Peu de temps après l'appel, deux jeunes policiers arrivent sur les lieux, le repèrent et lui demandent de s'identifier. Ils s'entendent répondre:
- Je suis Bob Dylan.
Le premier réflexe de l'agent Kristie Buble est de dire :
- Vous ne pouvez pas être Bob Dylan. Bob Dylan est mort.
Comme l'homme n'a aucune pièce d'identité sur lui et qu'il ne semble pas trop virulent, un peu incohérent tout au plus, les policiers décident de l'accompagner jusqu'à son hôtel afin de tirer toute cette affaire au clair. Après vérification, il s'agit bien de Bob Dylan. Il sort de sa valise son permis de conduire. L'histoire ne dit cependant pas quelle date de naissance y figurait.
Bob Dylan avait simplement voulu prendre l'air avant de donner un concert. La maison autour de laquelle il rôdait ce soir-là était celle où Bruce Springsteen avait grandi. Inévitablement, c'était ici qu'il avait écrit et composé Born To Run.
Apparemment, ce n'était pas la première fois qu'il prenait à Dylan ce genre de lubies. Il avait déjà visité l'ancienne demeure de Neil Young, ou encore la maison de John Lennon en payant son ticket d'entrée comme n'importe quel autre touriste.
Ce qui intrigue dans son comportement, c'est la façon qu'il a de se rendre méconnaissable pour visiter ces lieux, en se déguisant ou en se coulant dans la foule. S'il disait qu'il est Bob Dylan, on lui ouvrirait sans doute grandes toutes ces portes, mais il préfère se taire, comme s'il n'avait pas le droit, en tant que barde vagabond solitaire né pour courir et rouler, de s'approcher de la moindre maison, ou de tout ce qui s'apparente à de la stabilité.
Le retour en arrière auquel il a renoncé pour lui-même, il tente parfois de le vivre par procuration. Derrière son dos, il n'y a plus que des cendres et de la poussière que le vent disperse. Tous les ponts sont coupés, autant ne pas se retourner. Comme il l'a dit souvent : « Don't look back ». Il peut appliquer à sa vie cette sentence. Il est lancé désormais dans la tempête.