Qu’a dit Zarathoustra

1ʳᵉ édition, mars 2025, FIAP – Paris

La première édition de l'événement international "Qu’a dit Zarathoustra" a été organisée à Paris par l’association AIA, en collaboration avec le Mouvement Iranien Renaissance et le FIAP Jean Monnet. Elle a eu lieu le dimanche 16 mars 2025 à 14h au FIAP, sous le thème : "Zarathoustra : un guide pour le présent et l’avenir".

Depuis plusieurs millénaires, Zarathoustra demeure une figure mystérieuse qui suscite la curiosité des chercheurs, philosophes et scientifiques à travers le monde. À la fois ancien et étonnamment moderne, son message est plus actuel que jamais. Aujourd’hui, le zoroastrisme est souvent considéré davantage comme une philosophie que comme une religion, car il repose sur le libre arbitre et ne prescrit d’autres obligations que celles de la bonne pensée, de la bonne parole et du bon acte.

Lors de cet événement, Mobed Kamran Jamshidi (Suède), Vanecha Roudbaraki (France), Sousan Abadian (USA), Shahin Bekhradnia (Angleterre), Alexander Bard (Suède), Shahin Nezhad (USA) et Ramin Golbang (Norvège) sont intervenus, chacun apportant son éclairage spécifique sur la pensée et l’héritage de Zarathoustra.

La conférence s’ouvre avec Kamran Jamshidi, Mobed (prêtre zoroastrien), qui évoque la pertinence actuelle des enseignements de Zarathoustra, vieux de plus de 3 000 ans. Il a vécu à une époque marquée par le chaos et l’injustice, cherchant à instaurer l’équilibre et la justice par la sagesse et la responsabilité individuelle.

Au cœur de sa pensée se trouve Asha, principe de vérité, d'ordre et de justice, appelant chacun à aligner ses pensées, paroles et actions sur cet ordre universel. Un autre concept fondamental, Vohu Manah (la bonne pensée), met en avant l’intelligence et la réflexion critique. À une époque marquée par la désinformation et les divisions idéologiques, l’appel de Zarathoustra à l’usage de la raison est plus essentiel que jamais.

Il valorise aussi le libre arbitre, affirmant que chaque individu est responsable du choix entre le bien et le mal. Ce message nous rappelle que nos décisions façonnent notre avenir et celui du monde, notamment face aux défis actuels tels que le changement climatique et les inégalités sociales.

Le zoroastrisme repose sur une éthique universelle : "Bonne pensée, bonne parole, bonne action". Ce principe ne concerne pas seulement la moralité individuelle, mais aussi la justice sociale et politique. Les dirigeants doivent incarner la sagesse et la justice, œuvrant pour la prospérité de la société.

De plus, Zarathoustra prône le respect de l’environnement, considéré comme un don sacré d’Ahura Mazda. En cette époque de crise écologique, ses enseignements nous rappellent notre devoir de protéger la planète.

Enfin, un aspect inspirant de son message réside dans son optimisme inébranlable : il croit en la victoire du bien sur le mal, de la lumière sur l’obscurité. Cette vision nous encourage à persévérer malgré les défis, pour bâtir un avenir plus juste et harmonieux.

Ainsi, bien que millénaires, ses enseignements restent profondément actuels, nous invitant à embrasser la vérité, la sagesse et la bienveillance pour façonner un monde meilleur.

Ensuite, Vanecha Roudbaraki, artiste peintre et chercheuse en humanisme, présente une introduction à la philosophie du zoroastrisme.

Les Gathas, hymnes de Zarathoustra, qui font partie de l’Avesta ancien, sont la seule source fiable pour comprendre le zoroastrisme. Ces textes ont été compilés environ deux mille ans après Zarathoustra, sous le règne de Shapur II. Selon les études linguistiques, Zarathoustra serait né vers 1790 av. J.-C. dans le nord-est de l’Iran.

La philosophie de Zarathoustra repose sur la sagesse, la liberté et la responsabilité. Il ne se considérait pas comme un prophète et n’a jamais prétendu recevoir de révélation divine ni accomplir de miracles ; il a atteint la vérité par la réflexion. Ahura Mazda, le dieu du zoroastrisme, signifie "détenteur de sagesse".

L’être humain choisit librement entre le bien et le mal. Zarathoustra considère l’homme comme l’être le plus proche de Dieu, car il est le seul à posséder la raison. Dans cette tradition, l’autorité religieuse et politique est basée sur le mérite, et aucun intermédiaire n’est nécessaire pour se relier à Ahura Mazda.

Les six attributs d’Ahura Mazda — vérité, bonne pensée, souveraineté, bienveillance, perfection et immortalité — sont appelés les Amshaspandan. Selon Zarathoustra, chaque individu peut devenir un Saoshyant (sauveur) en contribuant à l’amélioration de la société.

Sousan Abadian, Directrice exécutive du Conseil interreligieux de la région métropolitaine de Washington, présente le zoroastrisme comme un appel intemporel à renouveler et élever le monde.

L’humanité fait face à des défis sans précédent : intelligence artificielle, changement climatique et extinction massive. Cependant, ces défis offrent également un immense potentiel. Une question se pose : que deviendrons-nous ?

En période de crise, ceux en quête de sagesse se tournent vers les enseignements anciens. Le zoroastrisme propose une vision porteuse d’espoir, qui élève plutôt qu’elle n’abaisse, qui inspire plutôt qu’elle n’effraie. L’appel à "sauver le monde" n’est pas nouveau. Les Gathas sacrées de Zarathoustra résonnent comme un appel à la justice et au renouvellement, nous incitant à avancer et restaurer l’équilibre.

Zarathoustra percevait le véritable potentiel de l’humanité : non pas comme des victimes du destin, mais comme des co-créateurs du monde. Le zoroastrisme enseigne la participation active, où la sagesse se raffine à travers le libre arbitre. Il nous appelle à renouveler le monde (Frashkart), à faire évoluer les cultures et les valeurs en harmonie avec la conscience humaine.

Dans un monde marqué par la peur et la division, la sagesse zoroastrienne nous rappelle ceci : nous sommes des êtres de lumière et de feu, chargés de régénérer la création.

Répondrons-nous à cet appel ?

Shahin Bekhradnia, magistrate et anthropologue à l'Université d'Oxford, profite de l’occasion pour évoquer Nowruz, la fête millénaire du Nouvel An iranien, qui symbolise le renouveau et la joie.

Nowruz symbolise le renouveau et la joie, marquant la renaissance de la nature lors de l'équinoxe de printemps. Les zoroastriens célèbrent cette occasion en dressant une table spéciale, Haft Shin/Sin/Miveh, représentant les éléments essentiels à la vie. Cette tradition est partagée par les cultures persane, kurde, afghane et tadjike. Le chiffre 7, central dans cette célébration, est lié aux 7 Amshaspandan, guides spirituels aidant les humains à atteindre sagesse et équilibre.

Selon les croyances zoroastriennes, le bonheur est le but ultime de la vie et se réalise en apportant de la joie aux autres. Puisqu’aucune preuve n’existe d’une vie après la mort, nous devons chérir les dons de la nature. Les fêtes zoroastriennes, telles que Yalda et Mehrgan, honorent les éléments naturels, Nowruz étant la plus importante. La table de Nowruz symbolise l’harmonie du feu, de la terre, de l’eau et de l’air, avec des éléments comme les fleurs, les fruits et les pièces illustrant la santé, la prospérité et l’optimisme.

Nowruz nous rappelle aussi le respect de la nature. Alors que la dégradation de l’environnement menace notre monde, préserver cette tradition permet de transmettre une conscience écologique aux générations futures.

Alexander Bard, philosophe du cyberespace et conférencier public, désigne Zoroastre comme le père de la philosophie elle-même.

Le Mazdayasna, qui signifie "amour de la sagesse", est le précurseur de ce qu’Héraclite appellera plus tard philosophia en grec. Il incarne une tradition intellectuelle et éthique profonde, antérieure à la philosophie occidentale et qui en constitue sans doute les fondations.

La philosophie zoroastrienne repose sur l’amour et la loyauté, non seulement envers sa propre communauté, mais aussi envers l’humanité tout entière. C’est également une philosophie du changement, du progrès et de la responsabilité morale, où l’action humaine joue un rôle central. Zoroastre insistait sur l'importance du libre choix entre le bien et le mal, faisant de l’éthique et du libre arbitre des éléments fondamentaux de son enseignement.

L’influence de Zoroastre dépasse largement ce qui deviendra plus tard "l’Occident" ; elle a également profondément marqué "l’Orient". Ses enseignements ont eu un impact majeur sur la philosophie grecque antique, mais leur portée ne s’est pas arrêtée là. Les idées fondamentales du zoroastrisme — telles que le dualisme, la lutte entre l’ordre et le chaos, et l’accent mis sur la sagesse et la droiture — ont fortement influencé le bouddhisme, le soufisme et diverses traditions mystiques.

Cette transmission interculturelle souligne l’héritage durable de Zoroastre en tant que l’un des penseurs les plus influents de l’histoire intellectuelle de l’humanité.

Shahin Nezhad, historien et porte-parole du Mouvement de la Renaissance iranienne, présente le zoroastrisme à travers trois valeurs fondamentales : rationalité, justice et prospérité.

À l'approche de Nowruz, fête à la fois héritage de l’Iran ancien et occasion de renouveau personnel et collectif, il est pertinent de rappeler les enseignements fondamentaux de Zoroastre : la rationalité, la justice et la prospérité.

La rationalité est essentielle dans un monde souvent dominé par la désinformation et l’influence aveugle des idéologies. Se fier à la raison permet d’évaluer nos actions avec discernement et de choisir ce qui est juste et logique. Pour Zoroastre, la raison est une manifestation de Vohu Manah (bonne pensée), l'un des principes divins du zoroastrisme.

La justice consiste à attribuer à chacun ce qui lui revient et à maintenir l’ordre naturel des choses. De nombreuses injustices affectent à la fois les hommes et la nature. La justice est l’expression terrestre de Asha, le principe d’harmonie universelle qui assure que chaque élément trouve sa place.

La prospérité, enfin, englobe l’amélioration du bien-être humain, la diffusion du savoir et l’élévation culturelle de la société. Elle est une manifestation du principe divin Haurvatat (perfection), qui incarne le progrès et l’épanouissement.

Un monde privé de rationalité ne peut connaître la justice, et sans justice, il sombre dans le chaos et l’oppression. Puissions-nous, grâce à cet événement, mieux faire connaître Zoroastre et ses enseignements pour bâtir un monde plus éclairé et harmonieux.

Ramin Golbang, expert en physique, mathématiques et astronomie à l'Université d'Oslo (UiO), profite de l'occasion de Nowruz pour évoquer le calendrier iranien.

Le calendrier est au cœur de la conscience de toute civilisation ; il organise et marque tous les événements, et toutes les références au passé et à l’avenir s’inscrivent dans le calendrier adopté par une société.

Le calendrier iranien a une signification et une importance particulières. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’Iran est le seul pays musulman à utiliser un calendrier qui n’est pas basé sur l’Islam, et dont la langue officielle n’est pas l’arabe.

Ramin Golbang souligne également l’importance de la précession des équinoxes et des solstices dans le cadre du calendrier iranien, ainsi que leur influence sur le calendrier occidental.

Il explore aussi la relation entre le Nouvel An iranien, la Pâque juive et Pâques dans le christianisme, ainsi que la similitude entre Yalda et Noël. Ces fêtes sont toutes marquées par un lien profond avec les cycles naturels et les événements célestes.

Il offre également une brève explication des célébrations dans l’Iran ancien lorsque le nom du jour et du mois coïncidaient, un phénomène unique qui renforçait le sens symbolique du temps.

Une question essentielle est pourquoi l’équinoxe de printemps a été choisi comme Nouvel An dans le calendrier iranien. Cette décision, selon Golbang, a eu un impact considérable sur le calendrier occidental et continue même d’influencer l'astronomie moderne.

Enfin, il aborde la raison pour laquelle Persépolis, un palais qui, selon la plupart des archéologues, était principalement utilisé pour célébrer Nowruz, a été construit à cet endroit précis, mettant en lumière l'importance de ce lieu en tant que centre symbolique du pouvoir et de la culture perses.

Après le cocktail et un moment de convivialité propice aux échanges et au partage, à 17 h, le programme des performances commence avec la chanteuse franco-iranienne Ariana Vafadarie, qui mêle habilement son héritage oriental et sa passion pour la musique classique. Parallèlement à sa carrière de mezzo-soprano classique, elle nous a présenté deux morceaux extraits de son dernier album, « Anahita ».

Ensuite, Ahmad Yahya, Parsa Amidi Far et le groupe de danse Tamarionni nous ont chacun présenté la musique et la danse folkloriques, offrant un aperçu vibrant des traditions culturelles.

AIA Culture