— Dans ce cas-là, tu n'as plus le choix. Rentre. Tu peux peut-être encore sauver les meubles en étant ouverte et sincère.
Avant le malaise de Pierre
Depuis quinze jours que Matthieu, Stéphanie et Didier travaillent sur la disparition de Valérie. Ils pianotent sur internet pour la liste des hôtels et des aéroports. Ils utilisent beaucoup le téléphone. Pierre prend l'initiative de convoquer Matthieu chez lui. Pierre rangeait son bois sous son hangar, lorsque Matthieu se rend sur les lieux.
— Il doit le savoir… désolé, Valérie de te trahir !
Matthieu entre par le petit portail, le grincement alerte Pierre qui l'interpella. En tenue de travail avec une salopette en jean et avec une chemise à carreaux, Pierre ne voulait pas l'accueil avec un costume cravate.
Matthieu le connaissait depuis des années sans savoir le lien avec sa mère. Pierre cesse son activité et l'incite à introduire dans la maison.
Ils pénètrent dans la maison. Matthieu, toujours aussi émerveillé par cette maison s'exclame :
— Toujours aussi belle, ta demeure.
— Désires-tu boire quelque chose.
— Non merci, je n'ai pas soif.
— Assieds-toi, je t'en prie.
Tous les deux s'installent sur un fauteuil différent, mais face à face.
— Crois-tu que tu puisses la revoir un jour ?
— Aucune idée. Seul l'avenir le dira.
Assez mal à l'aise de trahir son ancienne femme, Pierre se racle la gorge et se lance :
— Je dois te dire quelque chose de très important, bien que je n’aie pas l'accord de ta mère.
— Ceci me donne l'eau à la bouche. De quoi s'agit-il ?
Pierre marque une pause. Il observe le jeune homme. Il ressemblait à sa mère. Il n'avait pas préparé à l'avance avant de lui transmettre une révélation qui risquait le déboussoler. Ce n'était pas le genre à être diplomate ni à prendre des gants lorsqu'il avait une chose déterminante à dire.
— Autrefois, ta mère et moi… nous sommes mariés...notre couple dura trois ans et … pendant cette union, tu es né.
L'information fut balancée. Matthieu ne réalise pas sur le coup.
— Ma mère et toi, vous avez eu un enfant ?
— Oui, c'est toi mon fils !
— Je ne vous crois pas… c'est un mensonge !
Matthieu se lève d'un bond, se progresse vers la fenêtre et se retourne :
— Tu ne peux pas avancer une information... il me faut preuves ! Comment aurait-elle pu aimer un homme de votre âge ? Je considérais que tu étais un ami de ma mère !
— Je ne permettrais pas d'annoncer un tel mensonge. Je possède l'acte de mariage et de naissance et des photos de toi.
Pierre se déplace jusqu'à son bureau et les sortit de son tiroir. Il lui présente les documents et Matthieu les examine. Le nom de Valérie était lié à celui de Pierre. Aucun doute, Pierre disait la vérité. Matthieu n’advient pas à imaginer que le vieillard de soixante-douze ans est son père. Pierre attend un signe d'affection de son fils qu'il adorait. Matthieu ne réplique rien. Trop honteux, cette révélation atteint un sacré coup sur l'orgueil. La nouvelle lui tombe comme un couperet. La différence était si flagrante. Comment s'était-il passé pour qu'une chose pareille arrivât ?
— Elle n'est pas ma fille.
Bouleversé , il abrège sa visite. Matthieu se retira. Les mots ne sortent pas. Il éprouve de la colère et du dégoût. Pierre ne peut le retenir — il n'était pas de nature loquace ; il ne racontera rien à son père ni à sa sœur. C'était insupportable d'apprendre qu'autrefois, sa mère partageait sa vie avec un homme beaucoup plus âgé alors qu'il avait l'âge d'être son père.
— Je te promets maman qu'à ton retour, ça va être la guerre !
Matthieu se déverse un verre de bière et s'enferme dans sa chambre avec des bouteilles d'alcool. Il s'enivre avec un fond de musique assez bruyante. Il perdait ses repères. Il prenait sa mère pour une cocotte. Comment sa mère avait-il pu coucher avec cet homme ? L'aurait-il baratiné ? Qui avait séduit l'autre ? Comment a-t-elle pu être en extase et pavoiser pour lui ? Il se posait mille interrogations. Cela tournait en boucle dans sa tête. Il préférait questionner sa mère directement en l'affrontant. Il a un tel rejet qu'il recracha ce qu'il buvait par la fenêtre. Le choc n'était pas encore amorti.
Au moment de dîner, Didier envoie sa fille pour appeler son frère. En entendant une bouteille tombée, Stéphanie cogne avec ses deux points.
Une voix lointaine lui répondit :
— Va-t’en Stéphanie ! Laisse-moi en paix !
Stéphanie rejoint son père.
— Il n'est pas en état pour descendre.
— Dans ce cas-là, je te défends aller le voir. Je vais voir ce qui se passe.
Pendant ce temps-là, Matthieu buvait à gogo. L'alcool se sentait jusqu'au palier. Didier frappe à son tour pour discuter.
— Matthieu ! Je t'ordonne d'ouvrir cette porte ! Baisse cette musique qu'on puisse parler ensemble !
Didier remua la poignée, il était enfermé à clé. Matthieu tapa du pied dans la porte.
— Calme-toi Matthieu ! Pourquoi te mets-tu dans cet état ?
Didier élève la voix à s'égosiller. Il finit par lâcher prise. Matthieu s'évertuait à répondre par l'agressivité en insultant Valérie.
— Ma mère est une catin, elle a eu un fils avec un proxénète. Mon père est un vieux. Tu n'es pas mon père, alors laisse-moi.
— Je t'interdis d'injurier ta mère. Elle te racontera sa version à son retour.
— Il n'a pas l'air d'un appollon ni d'un crooner mon père. Comment as-tu accepté ce genre de femme ? Sais-tu ce qui se cache par-derrière ? c'est peut-être encore plus sale que j'imagine : agression ? Inceste ?
—Tu dis n'importe quoi Matthieu. Ta mère n'aurait pas épousé un violeur.
— Donc, c'est l'inceste.
— Je n'ai pas dit ça !
— En réalité, le sais-tu ?
— Je ne peux pas répondre à la place de ta mère.
— Donc, tu sais quelque chose et tu ne veux pas me le dire ?
Didier baisse la garde et démissionnaire. Aucune parole ne pouvait le réconforter. Ce n'était pas à lui qui incomba la responsabilité de lui narrer sur son passé. Ne désirant pas créer un lapsus avec la susceptibilité de Matthieu, cela pouvait s'envenimer. Très remonté contre sa mère, Didier marche sur des œufs. Il préfère le laisser mariner. C'était inutile de chauffer les esprits davantage. Il lui aurait bien proposé un deal, mais il était dans une phase où la communication ne passait pas entre eux. Sa plus grande désolation était l'absence de Valérie. Il aurait bien fait le tour du globe pour la ramener à la maison. Avec les enfants, ils avaient appelé plusieurs hôtels. C'était chercher une aiguille dans une botte de foin. Didier se dispersait dans diverses activités depuis le départ de Valérie. Il n'éprouvait plus cette sérénité. L'entente parfaite avec Matthieu se rompait. Le soir, il n'avait pas la tête à lire des romans. Il se penchait vers ses encyclopédies à les feuilleter. Cela devenait obsessionnel, car il gambergeait sur le lieu où elle pourrait être. Matthieu n'était pas un abruti, il comprenait que Didier ne connaissait pas tout. Sinon, pourquoi ne partagerait-il pas sur la réalité de l'histoire ? Didier et Stéphanie mangent ensemble, un blanc total entre eux . Les mâchoires mastiquaient étouffé par la musique. Didier planait alors qu'il était vert de colère et d'amertume. Cette vie stable jusqu'ici basculait dans un sentiment incertain. Didier ne souhaitait pas s'ingérer entre Matthieu et Valérie. C'était inapproprié de sa part d'intervenir, mais à Valérie de reprendre les rênes. Lorsqu'il avait connu Valérie, il acceptait son passé sans porter de jugement.
Le lendemain, Matthieu se réveille étourdi. Le réveil fut difficile.
—Maman… J'espère que tu répondras à mes questions !
Matthieu se replonge dans ses recherches, un côté positif dans sa fureur qui renforça dans son enquête pour confronter sa mère.