Reconnaitre le vrai du faux est devenu à la fois un défi et un enjeu majeur dans tous les domaines. J’ai de plus en plus l’impression que « les gens » se fichent au final de ce qui est vrai et ce qui est faux tant que cela conforte leur opinion. C’est ce qu’on appelle la « post-vérité ». Je ne peux m’y résoudre. Il y a les faits et il y a les opinions. Les dernières se discutent. Les faits ne se discutent pas.

Comment reconnaitre les fausses nouvelles ? Ce n’est pas toujours une chose facile. On a des faux tellement crédibles et une actualité qui est parfois si absurde qu’il y a de quoi être perdu ou assommé. Tous les jours, notre esprit critique est mis à l’épreuve. En continu. Cela porte un nom : la surcharge informationnelle ou « infobésité » pour les intimes. Cela nous rend paradoxalement plus perméable à la désinformation, aux infox et autres fake news.

Prendre de la distance tout en restant au contact est une épreuve et ce n’est pas étonnant de constater que beaucoup se détourne de l’information.

Commençons par cette tentative de définition :

Les fausses nouvelles sont des messages prenant la forme d’informations fausses ou truquées relayées sur les réseaux sociaux et par certains médias.

Les fausses nouvelles ou fake news prennent plusieurs formes : de la rumeur aux canulars en passant par l’entreprise de propagande, la fake news est protéiforme.

Elles peuvent résulter d’une erreur « honnête » et on parle alors de mésinformation. Oui parfois, les journalistes sont négligents, incompétents ou bien ils se trompent. Ça arrive et ça n’est pas la majorité des cas.

Mais quand la fake news est intentionnelle et qu’on note une intention de nuire, alors on parle de désinformation. Les acteurs de la désinformation ? ABSOLUMENT TOUT LE MONDE dès lors qu’on relaye une information fausse. C’est ce qui rend le phénomène des fake news aussi massif.

Pour reconnaitre la désinformation (je me suis également fait pièger), j’ai construit cette petite grille de lecture que je m’applique au jour le jour et que j’enseigne depuis 10 ans.

On est en présence d’une « fake news » si :

- L’événement présenté est extraordinaire

- Si l’évènement n’est pas repris par une autre source (on peut dire que ce l’on veut sur les médias d’information mais les journalistes vérifient les sources et un journal ne veut pas publier des informations fausses à son lectorat. Même les infos de l’AFP sont re vérifiées !)

- Si l’évènement provoque en vous une réaction épidermique (joie totale, énervement, détestation, mesquineries, revanche etc.)

- Si c’est « trop beau pour être vrai ».

Si vous êtes en présence de trois éléments sur quatre, alors posez-vous bien la question de la véracité de cette information / photo / vidéo.

En 2016, il fallait chercher les fake news pour savoir de quoi on parlait. Aujourd’hui, elles pullulent dans tous les domaines (santé, environnement, tech, politique, sociétal, culture…) et tout le monde y est exposé de manière quasi quotidienne. En France, en 2021, 51 % des internautes en France ont déclaré avoir vu au moins une information qu’ils jugeaient fausse ou peu fiable. Les utilisateurs de réseaux sociaux ou de sites d’actualité sont particulièrement exposés, avec 63 % des utilisateurs actifs ayant rencontré des infox dans les trois derniers mois. (Source :https://www.insee.fr/fr/statistiques/6475020?t)

L’intention de nuire est une composante fondamentale de la désinformation. Vous pouvez utiliser une information vraie mais sortie de son contexte ou tronquer un bout de vérité pour accentuer ce qui vous arranger. C’est beaucoup plus simple que de fabriquer entièrement une information fausse et c’est tout aussi efficace.

Petit exemple d’une manipulation de l’information « de tous les jours » :

Un exemple tout simple tiré de ma petite vie. Il y a quelques années, j’ai accompagné la réalisation du journal d’un collège à Paris. Les élèves (5è, 4è, 3è) y réalisaient en autonomie les sujets qu’ils souhaitaient. Un enseignant et moi les aidions à « angler », à tourner leurs idées en sujets journalistiques. Nous prenions soin de les laisser aborder leurs sujets sans les dénaturer mais en expliquant les règles de base d’une publication journalistique à destination d’un public :

- Séparer les faits des opinions

- Respecter le contradictoire

Notre rédacteur (un élève de 3^ème) était fasciné par le communisme et se proposait d’interroger un ami plus âgé (au lycée) qui était engagé dans un mouvement « communiste révolutionnaire ». Pourquoi s’était-il engagé ? comment voyait-il la vie etc.

L’enseignant et moi voulions un peu d’équilibre. On parle d’une idéologie qui a conduit à Staline… L’étudiant le reconnaissait volontiers et a proposé d’interroger une adulte de sa famille : une Roumaine qui a vécu son enfance sous Ceausescu en Roumanie et qui a fui en France. Idéal pour expliquer la dictature communiste. Les deux témoignages sont mis en page face à face sur une même page.

Quelques semaines plus tard, un « parent vigilant » se plaint à l’enseignant et à la principale du collège. Il nous accuse de promouvoir une idéologie « wokiste » et « gauchiste ». Et comme par hasard, ce journal imprimé en 300 exemplaires photocopiés et disponible exclusivement sur l’espace numérique du collège se retrouve propulsé sur Twitter / X, circule et, fin du fin, se retrouve dans une version tronquée d’une célèbre revue de presse d’extrême droite… avec insulte envers les encadrants qui pervertissent la jeunesse et menaces de mort à peine voilées contre cet enseignant que j’admire et qui ne veut rien d’autre que donner le goût de l’écriture aux élèves.

Il s’agissait ici d’un cas classique de manipulation de l’information. On présente une information tronquée et décontextualisée pour manipuler l’opinion.

Je ne préconise pas de nous couper des réseaux sociaux mais de nous armer contre tout ce qui peut hystériser réactions et polariser nos positions.

Pour résumer : On fait la différence entre désinformation et mésinformation, on prend en compte l’intention de nuire. Et on respire un grand coup avant de tout prendre pour argent comptant. Et on vérifie avant de republier sur les réseaux afin de ne pas devenir soi-même un acteur ou une actrice de la désinformation.