

Coccinelle Demoiselle
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Coccinelle Demoiselle
« Envole-toi ! je t’ai dit envole toi ».
Elle ne m’écoute pas. La petite chanson me vient en tête mais je ne peux m’y résoudre. Ma simple parole devrait suffire à ce qu’elle accepte de partir. Elle est immobile. Je l’observe : rouge à pois noir. On n’en voit presque plus des comme ça. Les asiatiques ont pris le dessus. Elles sont tout une tripotée. S’envolent-elles plus facilement ? Est-ce qu’une étude a déjà été réalisée sur le sujet ? Coccinelle demoiselle accepterais tu d’écarter tes ailes et de monter vers les cieux ? Je lui parlais maintenant doucement. Tu te sens isolée ? décimée ? remplacée ? ou bien seulement triste et désemparée. Bouge une patte pour oui deux pour non. Rien. Je me décide alors à faire quelque chose d’interdit dans le monde des coccinelles : à la toucher. Avec mon petit doigt, je lui effleure le dos. Je la sens frémir, puis se figer, puis basculer, me montrant son ventre, les ailes tout contre ma paume. Elle semble être tombée à la renverse. Du bouche à bouche ou bien un massage cardiaque. C’était ridicule et pourtant la coccinelle était devenue une espèce en voie de disparition. Je maudissais les coccinelles asiatiques qui étaient venues par milliards déloger les coccinelles de mon enfance. Devenu adulte, on me disait :
« Le père noël n’existe pas
-La petite souris ?
-Bah non…
-Et les coccinelles ?
-Lesquelles ?
-Celles qui sont rouges à pois noir.
-Eh bien non plus ! »
J’avais un prototype. Je voulais au moins arriver à la ressusciter. Cela faisait une demi-heure que la coccinelle était maintenant dans cette position. Je me sentais investi d’une mission. Apollo 11 n’était rien à côté. Marcher sur la lune, très bien, je sauverai l’une des dernières coccinelles autochtones et elles sauveront le monde à leur tour. Mon élan quelque peu lyrique me jouait des tours. Elle bouge. Est-ce que ma pensée magique de sauver le monde lui avait titillé les antennes ? Revenue de parmi les pommes, elle basculait de nouveau et ceci dans l’autre sens. Elle appuya une patte contre ma main délicatement et se mit à marcher. « Alors vas-y ! ». Elle se fige de nouveau. Elle me rendait fou. J’aimerais simplement qu’elle s’envole. Pourquoi cela avait-il autant d’importance pour moi ? Quarante cinq minutes qu’on y était. Cette coccinelle était ma madeleine. Alors me vint une idée. Je retrouvais mon âme d’enfant et je fis ce que j’aurais dû faire depuis le début. « Coccinelle demoiselle bête à bon dieu, coccinelle demoiselle vole vers les cieux ». Je chantais. D’une voix étonnamment fluette comme si ma voix d’enfant n’avait pas encore mué, je me retrouvais trente ans en arrière. La coccinelle s’ébroua et d’un seul coup s’envola. Une heure, c’est le temps qu’il m’avait fallu pour redevenir enfant, pour oser chanter quitte à frôler le ridicule. Ce sont bien les enfants qui changeront le monde … et les coccinelles !

