CHAPITRE XV
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CHAPITRE XV
CHAPITRE XV : Où les combattants se découvrent
Après réflexion, il convoque l’adjoint à la voirie pour intervenir dans les meilleurs délais sur cette question de fixation.
Il doit bien être possible de motiver un élu, en faisant état du risque de poursuite judiciaire si un accident se produisait.
L’adjoint est annoncé dans les quelques minutes.
Après les salutations et amabilités d’usage et un léger sondage des intentions électorales de l’adjoint, qui semble fidèle, le maire aborde la question de la fixation.
L’adjoint est parfaitement conscient du risque que représente cette plaque au-dessus du trottoir et se met à la disposition du maire pour intervenir.
Mais !
« Le matériel de levage dépend du service des décorations et j’ai toutes les difficultés pour en disposer. »
« Il n’y a que vous qui puissiez débloquer la situation. »
Le maire décide immédiatement et comme il a pris connaissance des réunions et échanges sur le sujet, fait appeler l’adjoint des services techniques, l’adjoint du service décoration et celui de la police municipale.
La réunion impromptue n’est pas critiquée face à l’autorité du maire, et les adjoints s’installent confortablement dans le bureau pour défendre leur pré carré, avec une énergie rare…
Au moment d’aborder le sujet, sa secrétaire l’appelle et lui indique que l’adjoint à la commission de surveillance des discriminations et protection des minorités, tient à assister à la réunion.
Après l’accord mais également la surprise du maire, monsieur Madat pénètre d’une démarche martiale sinon royale dans le bureau et s’installe.
« Monsieur le maire, nous avons une opportunité unique de montrer à nos administrés combien nous luttons contre les discriminations et les mouvements fascisants. »
« Il est nécessaire de donner des gages de notre défense de la femme, qui est une minorité exploitée et que nous pouvons valoriser en féminisant les noms de rues. »
« Alors qu’il s’agit d’une rue, pourquoi est-elle appelée Monclar ? Il est indispensable, ainsi que l’a relevé avec pertinence, mon délégué, monsieur Torquet, de l’appeler Montagne et non plus Mont. »
« La rue doit absolument être définitivement débaptisée et renommée, en conservant l’étymologie, rue de la Montagne Claire! »
« Après l’initiative de monsieur Torquet de consultation des associations concernées, cette appellation satisfait l’ensemble des parties sous réserve qu’une rue importante soit appelée Oscar Wilde et qu’une autre porte le nom de rue de l’Ile de Lesbos. Cette dernière dénomination satisfait tant la communauté lesbienne que les mouvements de défense des immigrés ! »
« Je tenais à vous faire part de cette décision avant que nous nous lancions dans des travaux dispendieux inutiles. »
Le maire, abasourdi et se promettant de savoir qui avait informé Madat de la réunion, charge ce dernier de préparer le dossier de changements de noms…
Dès que tous les adjoints se sont retirés, il téléphone à une entreprise de ses amis pour fixer la plaque, ou au moins l’enlever.
Incidemment, en croisant le délégué au service de la voirie, encore là à 16 heures, qui dépense son énergie administrative en s’imposant des kilomètres de marche dans les couloirs, il apprend que ce dernier a obtenu de haute lutte que le service des festivités lui prête ses barrières pour interdire l’accès au trottoir sous la plaque de rue.
Résultat obtenu en quelques minutes !!!
Prudent quant au délai de réalisation, le maire précise qu’il convient de les installer immédiatement, avant qu’un accident n’engage la responsabilité de l’un ou l’autre des administratifs.
Un fois rentré chez lui, il passe un coup de fil à monsieur Dupont, pour l’informer de la solution du problème et de bien vouloir le relancer sur ce numéro en cas de retard.
Incidemment, il lui expose le type de blocages soulevés par l’adjoint Madat dont il ne doute plus qu’il sera son adversaire aux côtés du 3ème adjoint.
Son espoir de réaction ne sera pas déçu, et ce dès le lendemain, par une demande de salle et par un entrefilet dans la presse locale, annonçant une réunion plénière de l’association créée par son nouveau soutien.
Il fait immédiatement inscrire l’occupation de la salle par le service des occupations des locaux municipaux, en profitant, par précaution, de l’absence du chargé de mission.
Et se prépare à la réunion informelle voulue par certains adjoints.
A l’heure fixée, à une demi-heure près, les 5 adjoints arrivent en même temps dans le bureau du maire.
Il s’agit des adjointes à l’environnement et à la sécurité de la mairie et des adjoints au budget, à la communication de crise et aux festivités.
Son intuition d’il y a quelques jours sur l’alliance entre l’adjointe à l’environnement et le 3ème se confirme. Par contre, l’absence de celui de la voirie le réconforte et lui laisse l’espoir de le conserver dans son camp.
Mettant en relation l’attitude du gardien et la présence de l’adjointe à la sécurité de la mairie, il juge de plus belle de l’importance de recevoir les informations du gardien.
Il se souvient que cette adjointe ne fait partie de l’équipe municipale qu’à la demande du 3ème adjoint et de celle des adjoints que pour raison de parité.
En tout cas, aucunement pour ses compétences techniques sur le sujet et politiques pour les liens avec les électeurs…
Après les salutations d’usage, sinon obséquieuses de traitrise, l’adjoint au budget et l’adjointe à l’environnement font preuve d’une énergie surprenante pour défendre le projet de végétalisation et fixent la dead line de décision, après la phase d’étude au mois suivant les élections…
Tiens, tiens ! se dit-il. La phase d’étude et les conséquences négatives de ce projet seraient ainsi mises à son passif, quitte pour le 3ème à montrer une certaine distance lui évitant une baisse sondagière !
L’adjoint aux festivités le regarde avec une certaine insistance et semble vouloir prendre la parole.
Pourquoi ? Une intuition sans doute. Il n’en sait rien ! Mais d’un bref mouvement de tête, il interdit à cet adjoint d’intervenir.
L’adjoint au budget indique que les subventions européennes peuvent prendre en charge partie des indemnités d’expropriation dans ce type de projet et qu’il a demandé au service des Domaines d’analyser la valeur des murs de la supérette et de remettre son rapport.
Il lui semble également que c’est le propriétaire qui doit indemniser le commerçant pour le bail.
Le maire apprend ainsi quelle solution est prévue pour la sortie pompiers par la rue Fontane DURGE.
Un joli coup de billard à 3 bandes pour le 3ème adjoint [1]! Sa capacité de nuisance à l’encontre de ses adversaires est d’un niveau impressionnant.
La suite de la réunion laisse à penser aux adjoints présents qu’ils ont obtenu gain de cause et que le conseil municipal de l’AM enregistrera leur victoire.
Lors de la collation livrée pour suivre cette réunion, le maire aura l’occasion de passer discrètement le message à l’adjoint aux festivités, qu’il a parfaitement saisi la manœuvre et qu’il le remercie de sa fidélité et de l’infiltration, qui seront récompensées à la hauteur des résultats.
Il n’ose lui en dire plus, tant du fait de la présence des autres adjoints que face au peu de talent de cet adjoint qu’il a fallu caser pour services rendus lors de la campagne. Cependant, il vaut mieux un fidèle de ce type qu’un personnage talentueux qui trahit.
Parallèlement, Monsieur DUPONT se met en situation d’organiser la réunion en soutien au maire. Il reprend un à un les tracas occasionnés par son intervention citoyenne et commence la rédaction de son discours d’introduction.
Il passe ensuite quelques coups de fil aux membres les plus actifs de l’association pour faire un point, en vue de la réunion et en profiter pour prendre un verre de l’amitié.
Par chance, tous pouvaient se rendre disponibles et ils devaient se rejoindre dans un petit café connu pour sa sympathie envers le maire.
Tous les membres invités se retrouvèrent au lieu de rendez-vous.
Tels des conspirateurs de la renaissance, ou de la cour des Borgia, sous la protection du propriétaire du « Petit Café d’Abyssinie » [2]qui écartait les clients envahissants, ils définirent la stratégie pour préparer l’élimination des futurs adversaires du maire.
La soirée fut un délice de secrets, favorisé par le repas que leur offrit leur hôte après la fermeture de son établissement.
Il se dispersèrent par l’accès de l’arrière salle, en espaçant les départs selon les meilleures règles de comploteurs, auxquels il ne manquait que les capuches…
Chacun a sa mission précise, qui, dans les faits, revenait surtout à des photocopies et impression de flyers.
Il retrouvait dans sa vie courante un peu de sensation de vie et le stimulus d’un but, d’un objectif.
Le plaisir de cacher ses activités lui apportait cette excitation que seul le risque pouvait créer.
Malgré l’heure tardive, il adressa un SMS au maire qui le rappela de son portable discret, à qui il exposa un rapport complet de la réunion.
[1] Il faut se souvenir que le propriétaire des murs de la superette a été choisi comme candidat aux partielles au lieu du 3ème adjoint qui voulait la place.
[2] Fernandel « Félicie aussi » et l’hôtel d’Abyssinie et du Calvados réunis