Les Limbes du Peintre - Épilogue
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Les Limbes du Peintre - Épilogue
L'atmosphère est lourde et étouffante, infectée par l'odeur pestilentielle de la dépouille d'Elena, son cou arraché avec voracité, ses tissus musculaires déchirés et sa veine percée, forment un profond cratère de chair d'où le sang s'échappe et se propage le long de sa peau livide; se répand sur la surface du bureau, macule le sous main, le bloc note et le stylo à la plume d'or posé sur la couverture de cuir reliée, pour termine sa chute en gouttelettes sur le parquet.
Par delà la mort, Elena reste une femme magnifique à laquelle nul homme ne peut résister. Ses yeux émeraude, vidés, exercent sans cesse leur charme affriolant.
Soudain, un violent souffle s'expulse de ses lèvres sensuelles entrouvertes et brise le silence obscur de cette pièce. Les pupilles se dilatent et le corps se redresse aussi raide qu'une planche de bois, immobile, aucune blessure, aucune trace de sang. Sa peau garde toute sa blancheur cadavérique, ses cheveux d'or deviennent aussi opaques que la nuit, ses ongles vernis de rouge se transforment en de sombres griffes, ses yeux arborent un regard sanguinaire reflet des ténèbres, ses lèvres virent au noir, dessinent un sourire satanique.
Silencieuse, d'un coup de dents, elle perce sa veine au poignet, s'approche, s'agenouille près du corps gisant sur le sol et fait couler son sang dans la bouche du défunt.
Quelques gouttes suffisent pour redonner vie dans la souffrance.
— Bon retour parmi nous, Arnaud.
— Qu'avez-vous fait ? Ensuqué, la vision embrumée, le son à peine audible.
— Je t'ai libéré de cette misérable existence.
Pris dans un tourbillon, Arnaud se retrouve au cœur d'une assemblée face à un individu au visage caché par une capuche sombre, à ses pieds, une jeune femme, dénudée, poings et pieds liés.
Un silence macabre, précède l'élocution de cet être sans visage.
— Arnaud, Prince Aprien, tu as, non seulement déshonoré ton rang mais toute ta lignée ainsi que ta race, en t'unissant charnellement à cette simple mortelle.
Cette voix d'outre tombe frappe comme une sentence et ce doigt accusateur, pointé vers l'inconnue enchaînée, ne lui laisse aucune chance de survie.
— Par respect pour tes anciens qui ont fait la grandeur de notre peuple, notre décision est la suivante : tu ne seras pas exécuté mais châtié. Tu devras vivre comme un misérable mortel, quant à cette impure, son châtiment sera la mort par saignées.
Un jugement lourd pour les deux amants maudits. Que faire ? Elle ne doit pas mourir dans de telles atrocités, renié sa race, il se résigne à ce verdict mais il doit à tout prix sauver sa belle.
Il se précipite sur elle.
— Pardonne-moi Elena, lui murmure-t-il avant de planter ses crocs dans sa chair et de la vider, s'arrêtant à la limite de la mort, son visage ensanglanté tourné vers son bourreau.
— Tu n'as plus le choix Arnaud, soit tu en faits l'une des notre, soit tu la finie, mais quelque soit ta décision, tu seras à jamais séparé d'elle.
Dans un violent cri de rage, le jeune homme, se transperce le poignet de ses incisives et force sa compagne à boire son sang.
Exténué mentalement et physiquement, il accepte la fiole que lui tend l'être son visage et la boit sans hésiter.
— Tu oublieras cette existence, tu oublieras notre peuple, tu oublieras celui que tu es, Arnaud Prince Aprien. Tu ne seras plus qu'un simple mortel parmi les mortels. Le vampire que tu es, n'est plus.
Le jeune homme sombre dans un profond sommeil.
Ses cauchemars, son obsession pour Elena, le prédateur de ses nuits, tout prenait un sens.
— Après ton départ, je me suis intégrée parmi les tiens pour me faire aimer et accepter. À la mort d'Octave, ton juge, je devins Reine. Je n'ai jamais cessé de te chercher en secret, notre loi interdit toute relation avec les humains. Jusqu'au jour où j'ai entendu parler de tes œuvres. J'ai décidé de te rencontrer, j'ai, alors compris qui tu étais. J'ai donc ravivé les souvenirs de ton ancienne vie et Celui que tu étais jadis, Prince Aprien, un vampire.
Arnaud se rappelait cette femme qu'il avait aimé, cette femme pour qui il avait accepté de tout abandonner jusqu'à sa propre existence.
— De nouveau à mes côtés, mon Bien-Aimé, nous allons pouvoir, non seulement régner ensemble, mais agir pour le bien de notre peuple.