Les Limbes du Peintre - Chapitre 6
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Les Limbes du Peintre - Chapitre 6
— Bonjour Arnaud, avez-vous passé une bonne semaine ?
— Bonjour Elena, à travailler sur mes œuvres.
Que lui dire ?
Que je ne dors plus depuis ce jour où nos chemins se sont croisés, que mes nuits sont hantées par d'horribles rêves dans lesquels je deviens un assassin sujet à des pulsions sexuelles et vampiriques ? Peindre, me permet d'apaiser mon esprit souffrant, ravagé par la quête d'un plaisir impur.
Malgré l'heure tardive : dix heures, je l'imagine, affalée sur son sofa de cuir châtaigne, ses cheveux dorés décoiffés par le réveil matinal, vêtue d'une simple chemise de nuit fondue qui libère ses jambes fines.
Son téléphone blanc sans fil tout contre ses lèvres sensuelles naturelles à la rosée du matin et tenant dans sa main libre, sa première cigarette de la journée à la manière de ces dames de la noblesse.
La cafetière, sifflant depuis la cuisine, continue la préparation du café.
— On ne s'accorde pas de répit, dit-elle avec ironie. Je passerai demain soir vers vingt et une heures. Cela vous convient-il ?
Si cela me convient ? Ces mots attisent l'envie sanglante qui sommeille en moi.
— Je vous attends.
— Bonne journée.
— Bonne journée.
*******
On sonne.
Elle est là, dans l'encadrement de la porte, mon imaginaire féminin, l'œuvre de toute ma vie, attendant, paisiblement, un geste de ma part.
Je la fais entrer et l'aide à se dévêtir de son long manteau noir, effleurant timidement du bout de mes doigts son chemisier de satin, de peur qu'elle ne s'évapore à jamais.
— Lumière tamisée, agréable ambiance.
Sa voix, j'en frissonne.
Je l'entraîne à ma suite longeant un long couloir jusqu'au salon où elle prend place dans l'un des deux fauteuils de cuir bleuté.
Elle se tient bien droite, le dos contre le dossier, mettant en avant les formes chaleureuses de sa poitrine, à peine cachées par l'échancrure de son chemisier à rayures noires et blanches.
— Je vous offre à boire ?
— Volontiers. Un whisky pur avec glace.
Je me sers la même chose et m'assois face à elle.
— C'est ici que vous vivez, dans ce paisible F2, depuis longtemps ?
Tout en parlant, elle se penche afin de s'emparer de son verre, laissant entrevoir une partie généreuse de son buste, qui est loin de laisser insensible le fauve que je suis.
— Depuis cinq ans. Le propriétaire, un retraité, m'a vendu cet appartement pour une modique somme. Je l'ai entièrement rénové et voilà, je prends racine, dis-je en souriant.
Elle étudie mes toiles, voulant sonder mon âme, intriguée. Des jeunes femmes sans visages à moitié dénudées, au bord de la mer, aux côtés d'une licorne ou allongées sur le sable. Son regard s'attarde sur l'œuvre de notre rencontre : une déesse vêtue d'une tunique blanche versant l'eau de son pichet au cœur de l'immensité aride.
— Le mystère qui entoure vos œuvres et... vous, éveille ma curiosité. Quel est donc votre tourment ?
Elle trempe suavement ses lèvres dans le whisky, attend une réponse qui ne vient pas. Une perle de sueur s'écoule le long de ma tempe ; ne pas succomber à cette envie bestiale de mordre son cou afin d'en extraire la liqueur alcoolisée.
Elle se lève, son pantalon noir dessine le contour de son fessier, alléchant, à croquer jusqu'à inonder ma bouche de son nectar.
— Vous me faites visiter ?
— Avec plaisir.
Seule la décoration suscite son intérêt, ravivant ma souffrance enfouie.
Elena pénètre dans la chambre à coucher, s'assoit sur le lit, sa main effleure la couette d'un mouvement aussi sensuel que la caresse d'un torse masculin. Son geste est une incitation à la séduction, mais silencieuse. Je n'arrive pas à percer ses attentes, est-ce une invitation au plaisir ou de la simple provocation ? De toutes mes forces, j'essaie de résister à la terrible tentation qui me hante mais sa présence stimule mes délices pervers.
J'imagine...
Je m'approche tout contre elle, m'agenouille et pose mes mains sous son chemisier, frôle le bout de ses seins. Je l'embrasse et la mords jusqu'au sang. Puis, n'y tenant plus, je déchire violemment son haut satiné et suce son téton, j'aspire la boisson que m'offre sa poitrine.
— Vous avez dû en satisfaire plus d'une dans cette agréable chambre, dit-elle sur un ton melliflue.
Il me faut quelques secondes de réflexion pour m'éjecter de cette vision emprisonnant mes instincts vampiriques.
— Aucune ne s'est plainte.
Elle se lève, se dirige vers moi, m'inspecte, me provoque. Ses lèvres... j'en salive.
— Si on allait voir vos œuvres ?
— Volontiers.
Je l'emmène dans l'univers d'Arnaud le Peintre.
— Voici donc l'endroit où vous vous isolez.
Tout est désordonné. Les pinceaux traînent dans les verres d'eau, les palettes à leur côté, les toiles vierges sont étendues sur la table, attendant d'être posées sur les chevalets, et mes tableaux alignés au fond de la pièce. Un lieu dont elle semble s'accommoder en dépit de la faible densité.
Elena s'approche de mes œuvres à la recherche de leur secret caché. Près d'elle, je me nourris de son odeur. Je sens ce mal en moi, prendre de l'ampleur, le désir de la violenter une seconde fois me taraude, mais sa prestance froide, distante, m'empêche de la toucher.
Des peintures érotiques représentent une jeune femme sans visage simulant des scènes d'amour.
— Tout comme les peintres d'antant représentaient Venise par une courtisane, cette inconnue symbolise en vous, un plaisir inaccessible, d'où vos toiles sans expression faciale ?
Je ne dis mot, les tableaux parlent d'eux-mêmes, de plus en plus obscurs.
Pérouges : décors moyenâgeux, une ruelle isolée, sombre, effrayante et solitaire, deux corps ombragés, une jeune femme agressée par une bête humaine.
Une orgie macabre dans un huit clos pour seule clarté des bougies. Des corps mutilés, souillés, s'adonnent au plaisir de la chair peu importe le nombre de partenaire et le sexe.
Un bassin où le sang s'écoule à flot, une jeune fille dénudée, sacrifiée à son amant. L'acte d'amour violent, ensanglante leurs corps.
Une femme sans vie, le cou déchiqueté, des lamelles de peau pendantes, allongé sur elle, son assassin, jouissif, le miroir en tête de lit, reflète son visage défiguré par la démence.
L'univers lugubre de mes nuits.
D'un érotisme sensuel, valorisant la beauté féminine, ces toiles décrivent un monde d'une noirceur sexuelle sanglante.
Elle veut comprendre.
Que dois-je faire ? Répondre à sa requête ? Je n'ai fait que fuir, cachant mes peintures dans mes cauchemars. Cette Chose qui vit en moi grandit, me possède. J'essaie de la combattre, mais je ne peux aller contre ma véritable nature.
Je suis un prédateur. Je n'ai de cesse de chasser, dévoré par des instincts meurtriers.
Je la vois s'immerger dans ce monde d'une sombre beauté, un sourire en coin. De la satisfaction ? Difficile à dire. Sa personnalité énigmatique me déroute. Elle me provoque du regard, freine mes ardeurs par sa froideur. Cette situation m'est insoutenable. Je suis lacéré par cette force qui me pousse vers elle et que je ne pourrais réfréner d'avantage. Ma vie m'échappe, je succomberai à ces pulsions incontrôlables même si je devais y perdre mon âme.
— Ces peintures sont d'un réalisme surprenant. Ce monde que vous dépeignez est si terrifiant de part sa beauté née de la violence et cette passion qui ne peut être assouvie que dans l'horreur.
Elle marque une courte pause, pensive, avant de poursuivre.
— Est-ce donc cela votre tourment, Arnaud ? Rongé par ce désir sanguinaire, vous projetez dans vos œuvres l'image de ce fauve affamé. Ces visages si fins, si...
Son regard s'arrête sur deux portraits cachés dans la pénombre.
Lieu : La galerie d'art.
Elena, adossée au canapé, pour seul éclairage le réverbère de la rue, formant un îlot de lumière, entoure le corps de la jeune femme comme une toile protectrice.
Une créature difforme surgissant de l'ombre mord son cou, de fins filets de sang glissent le long de sa poitrine jusqu'au bout de ses seins.
Je devrais m'inquiéter de ce qu'elle est sur le point de découvrir, bien au contraire, je m'en réjouis.
— Ces victimes, belles, fragiles et... Quelle étrange sensation que celle de voir son reflet dans ces peintures.
Elle s'approche de moi comme un félin, pose sa main sur ma poitrine, mon souffle se coupe.
— Serais-je donc Celle qui ne peut que vous donner satisfaction ?
Elle joint ses lèvres aux miennes. Je ne l'embrasse pas mais la dévore, animé par l'envie de l'agripper, d'arracher ses vêtements, de la prendre, mais impossible, mes membres sont figés. Lorsqu'elle s'éloigne, je peine à reprendre mon souffle.
— Nous reprendrons cette savoureuse conversation lors de votre vernissage.
Elle quitte l'appartement, me laissant sur ma faim, à moitie vidé de mes forces mais impatient.