

A la cueillette du bonheur 1/3
En Panodyssey, puedes leer hasta 10 publicaciones al mes sin iniciar sesión. Disfruta de 9 articles más para descubrir este mes.
Para obtener acceso ilimitado, inicia sesión o crea una cuenta haciendo clic a continuación, ¡es gratis!
Inicar sesión
A la cueillette du bonheur 1/3
L’estomac grondant, l’enfant se retourna sur sa couverture trouée sans parvenir à se rendormir. Cela faisait des jours que l’on ne se nourrissait plus que de vieilles racines bouillies dans le village. Elle décida de se lever, puisque le sommeil la fuyait. Elle fit un brin de toilette dans l’alcôve de la cuisine, puis sortit de la maison. Sa mère était penchée dans le jardin à la recherche du repas du jour. C’était un exercice vain, mais elle essayait chaque jour à nouveau.
Louva se dirigea vers sa mère et commença à chercher avec elle, grattant la terre déjà retournée des dizaines de fois, à la recherche d’un miracle. La saison avait été affreuse, les terres avaient manqué d’eau et la rivière s’était asséchée. Avait suivi des semaines de pluie sans soleil, qui avaient tellement détrempé le sol que les habitants avaient équipé leurs sabots d’échasses. Et maintenant que l’hiver approchait, la nourriture manquait. Rien n’avait survécu aux caprices du ciel.
Une rumeur grandissante fit se relever Louva et sa mère. Des hommes d’âge avancé passèrent devant le jardin, suivies de leurs femmes et leurs enfants et petits-enfants, gémissants et se tordant les mains. Louva se blottit contre sa mère. Les animaux avaient fui la plaine où était leur village pour se réfugier dans la forêt, là où la nourriture existait, et les hommes devaient marcher une demi-journée pour aller chasser. Malheureusement, peu d’entre eux revenaient, les animaux de la forêt comptant autant de proie que de prédateurs pour les humains. Chaque expédition coutait au moins un homme au village. La forêt était dangereuse, tout le monde le savait, mais le manque de nourriture ne laissait que peu de choix. Ces hommes étaient les derniers.
Lasse de chercher, la mère de Louva alla chercher de l’eau à la rivière et la mit sur le feu. Elle y ajouta diverses herbes qui poussaient sur les berges et poussa un long soupir. L’enfant lui serra la main et prit son sac à cueillette, puis elle sortit du village. Elle croisa d’autres enfants sur le chemin, puis elle s’éloigna de la route et commença à tourner la terre dans les champs qui l’entouraient. Au bout d’un long moment de recherche, elle trouva quelques vieilles racines desséchées qu’elle ramassa soigneusement. Sa maigre cueillette en poche, elle regagna le village en traînant les pieds.
Des cris venant du village résonnèrent alors qu’elle n’était plus qu’à une portée de lance-pierre. Elle se précipita vers les premières maisons qui lui cachaient la place principale, mais lorsqu’elle arriva, elle se figea d’horreur. Des hommes étaient là, frappant sans discernement femmes et enfants, entrant dans les maisons et ressortant en hurlant. Elle chercha sa mère des yeux, et la trouva, le nez dans la boue et du sang dans les cheveux. Elle ne parvenait pas à bouger, et regardait le massacre sans comprendre ce qui se passait.
Un hurlement à côté d’elle la sortit de sa torpeur. Un des enfants qu’elle avait croisé à la cueillette était suspendu dans les airs. Un des hommes l’avait attrapé par le poignet et le soulevait sans ménagement avec un sourire mauvais. Il porta l’enfant jusqu’à un chariot à barrière et le jeta dedans. Plusieurs enfants étaient déjà là, surveillés par un homme avec une massue. Quelque chose en elle s’éveilla alors et elle fit volte-face pour s’enfuir, mais elle se heurta au torse de l’homme sui s’était glissé derrière elle. Il l’attrapa et la jeta sur son épaule, et elle se retrouva au milieu des autres enfants, dans le chariot.
Lorsque plus personne ne cria, les hommes montèrent sur le chariot et celui-ci se mit en route. Louva regarda la place de son village, couverte de corps, et chercha celui de sa mère pour lui dire un dernier au revoir. Les hommes étaient silencieux et observaient ce qui les entouraient. Ils étaient sales, leurs vêtements étaient déchirés et ils avaient de vilaines cicatrices à divers endroits. Leur point commun résidait dans une sorte de boursoufflure scarifiée sur leur avant-bras. Louva fixait celle de l’homme qui était à côté d’elle en silence. Il finit par s’en rendre compte et lui adressa un sourire cruel :
« Tu auras bientôt le tien ma petite, notre maître aime voir son sceau. »
Elle trembla et se recroquevilla, la tête dans les genoux. Elle garda cette position un long moment, mais les autres enfants se mirent à gémir, alors elle se redressa. La forêt était à une centaine de pas, et le chariot allait droit vers elle. Un frisson la parcourut et elle regarda ses compagnons d’infortune. Aucun d’eux ne souhaitait entrer dans cette forêt maudite qui avait avalé les hommes du village sans jamais les recracher. Ils se regardaient, la peur dans les yeux, sans savoir ce qui serait le pire entre la forêt et la colère des hommes s’ils essayaient de s’enfuir.
Le chariot s’arrêta, les hommes prirent des lances de fortune, des couteaux et des massues, puis ils se rassirent sur le bord du chariot et il se remit en route. Le silence était pesant, les enfants se serraient les uns contre les autres sans quitter la lisière maudite des yeux. Enfin, ils entrèrent dans la forêt. Les arbres avaient déjà perdu des feuilles et les hommes devaient se pencher pour éviter les branches. Ils étaient aux aguets, ce qui ne rassurait pas les enfants. Louva leva yeux vers les branches, et vit de petits animaux sauter et jouer. Ils n’avaient pas l’air méchant. Elle commença à se détendre lorsqu’elle entendit des chants d’oiseaux, mais dès que le chariot avançait, ils se taisaient. Ils ne reprenaient que lorsque le chariot était passé. Leur équipage était le seul danger que percevait la forêt. Elle regardait autour d’elle les insectes qui volaient, les petits mammifères qui jouaient dans les arbres et elle s’apaisa peu à peu.
Lorsqu’il fit trop sombre pour se déplacer, les hommes sortirent des torches d’un coffre et les allumèrent. L’un des hommes avait un étrange pendentif qui s’ouvrait et enflammait ce qu’il touchait. Lorsque les torches furent placées sur le chariot, il reprit sa route. Louva avait faim et était fatiguée, elle ferma les yeux et finit par s’endormir.

