Le casque magique - 2 - Les écuries
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Le casque magique - 2 - Les écuries
Chapitre 1 – Cachette à poules
Je cours à toutes jambes puis sautille devant la voiture, après avoir vainement essayé d’en ouvrir la portière.
— Allez papa ! Dépêche-toi !
— Du calme Hélios. Vous êtes contents d’aller chez votre oncle Marty j’ai l’impression ?
— OUI !
Solène vient d’arriver et réponds en même temps que moi. Contents ? Nous sommes prêts à exploser de joie en dix mille morceaux oui !
Lorsque nos parents nous déposent enfin chez tonton, on est tellement pressés que nous détachons notre ceinture avant que la voiture ne soit totalement arrêtée.
— Hélios ! Solène ! Calmez-vous ! Si tonton vous voit dans cet état-là, il n’aura peut-être pas envie de vous garder aujourd’hui, vous savez ? Sermonne maman.
— Tu parles maman, bien sûr qu’il en aura envie, il a besoin de nous pour- Aïe ! Mais ça va pas Solène ! Maman ! Solène elle m’a pincé !
— CHUT ! Me lance Solène bruyamment.
Elle me regarde avec de gros yeux tout ronds et presse son index sur sa bouche. Quoi ? Qu’est-ce que j’ai dit ? Ah oui ! Oups. J’ai failli parler du casque magique.
— Tonton ! Tonton ! On est arrivés ! Je m’écris dès que tonton ouvre la porte.
J’avoue, Solène et moi, on piaffe[1] d’impatience à l’idée de tester à nouveau le casque magique fabriqué par tonton.
— Et bien, on dirait que vous êtes en forme, mon neveu et ma nièce préférés !
— Je suis ta seule nièce tonton. Et Hélios est ton seul neveu. Arrête de nous faire de faux compliments. T’es trop nul tonton.
Tonton pose ses deux mains sur son cœur et fait mine d’avoir été touché à mort par les mots de Solène, s’écroulant à moitié sur le sol. Elle en profite pour lui sauter dessus et essayer de le chatouiller.
— Bon allez, lance papa, c’est pas tout ça, mais nous, on s’en va. Marty ? Fais attention aux petits.
— Bien sûr frangin. À tout à l’heure !
Papa doit encore être en colère contre tonton à cause de la dernière fois[2] : lui et maman sont déjà repartis, la porte claquant derrière eux.
Tonton se redresse aussitôt.
— Bon. Et si on passait aux choses sérieuses ?
— Oui ! Tonton, écoute, j’ai eu une super idée pour utiliser le casque magique sans risquer de se planter d’animal à cause de Solène qui a la tête dans la lune.
— Comment ça, « tu » as eu une super idée ? C’était mon idée en premier, Hélios ! Et en plus, c’est même pas toujours vrai que j’ai la tête dans la lune !
— T’as raison, parfois c’est sur Mars carrément !
— Stop, pas de bagarres ! Nous interrompt tonton en essayant d’avoir l’air sévère. C’est quoi votre idée ?
— On va aller les voir, je réponds à tonton en mettant ma main sur la bouche de Solène pour qu’elle me laisse parler.
— Voir qui ?
— Les poneys ! continue Solène en faisant semblant de mordre ma main pour que je la lâche. On peut aller au Cath’ Club ?
Le Cath’ Club, c’est le poney club de la ville de tonton, dont la responsable s’appelle Catherine. On y fait régulièrement des stages et on adore.
— À une condition, propose alors tonton : Vous restez une heure maximum dans les poneys, pas plus. Après, vous revenez. C’est que je vais devoir trouver un moyen de dissimuler et surveiller vos corps pendant ce temps-là moi, hein ?
— C’est pas un problème tonton, je sais déjà où on pourra se cacher, annonce fièrement Solène.
On ne reste pas longtemps chez tonton après ça. On le traîne presque jusqu’à la voiture !
Puis, une fois arrivés aux écuries, Solène attrape ma main et me tire vers un groupe de buissons qui borde le chemin menant aux champs. Oh ! Mais oui, c’est parfait cette planque !
Tonton doit se baisser un peu pour passer sous les broussailles.
Nous faisons peur aux poules et aux poussins qui étaient venus faire une petite sieste à l’ombre et on s’installe, assis sur le sol en tailleur, face à tonton.
— Regarde tonton, explique Solène, nous, on est cachés, mais quand les poneys passeront, on pourra les voir à travers les branchages et hop !
— C’est excellent Solène, très bonne idée. Tu vas réussir à rester bien concentrée cette fois-ci ?
— Ben oui ! Si je le vois, ça ira. En plus, je sais déjà celui dans lequel je veux aller, je choisis Pissenlit !
— Pissenlit ? Je lui réponds un peu surpris, mais c’est un balourd, lui !
— Il est calme et il suit bien les instructions, c’est un super poney.
— Bon, ben moi je choisis Pâquerette alors ! Elle saute super bien les obstacles et officiellement c’est un cheval tellement elle est grande !
— Une jument tu veux dire, puisque c’est une fille.
— Ouais, enfin, tu m’as compris !
Tonton nous tend les casques et nous les mettons. C’est à ce moment-là que je me souviens que la dernière fois on ne pouvait rien voir dans nos casques, mais désormais, la visière est transparente.
— Génial !
— Elles vous plaisent mes améliorations ? Je me doutais qu’il vous faudrait voir vos prochaines cibles pour aider Solène à rester concentrer.
Parfois, il est super, tonton.
Mais pas le temps de discuter, voilà les poneys que les enfants ramènent du champ !
— Chut ! Taisez-vous maintenant. Solène, Hélios, vous êtes prêts ? Chuchote tonton.
Je ne réponds pas, mais j’appuie sur le bouton de mon casque parce que Pâquerette, ma jument, est en train de passer.
ZAP !
[1] Piaffer = Trépigner d’impatience chez l’humain. Chez le cheval, c’est lorsqu’il piétine et gratte le sol avec son sabot parce qu’il est nerveux. La signification est donc à peu près la même aussi bien chez le cheval que chez l’homme.
[2] Voir « Le casque magique : Martha la chatte »
Chapitre 2 – Léger comme un ptérodactyle
— Oh là là, c’est trop bizarre Solène ! Comment ça se fait que tout est marron-jaune ? Même l’herbe est devenue jaune ! Il y a eu une grosse sécheresse en deux secondes et tout a cramé ou quoi ?
En tous les cas, l’herbe a beau être jaune, je la trouve très appétissante. Tournant brusquement la tête, je me baisse et me mets à paître[3].
— Pâquerette ! Ce n’est pas l’heure du goûter !
Quelqu’un tire sur ma longe[4], assez fortement, et je suis obligé de relever la tête pour continuer mon chemin. Zut, c’est vrai que c’est souvent Sandra qui monte Pâquerette.
— Tu exagères Hélios.
— Parce que ça ne te fait pas envie, toi, toute cette belle herbe jaune ?
— Un peu. Mais Pissenlit sait se tenir, lui !
Je ne réplique pas. C’est vrai que Pissenlit est obéissant alors que Pâquerette, parfois, elle se met à brouter[3] d'un seul coup et bloque tous les autres.
Ma cavalière du jour, Sandra, je la connais un peu. Elle a douze ou treize ans, est super grande pour son âge, et toujours très sérieuse.
D’ailleurs, elle est déjà en train de me bouchonner[5] d’une main sûre. Je réalise que je n’aime pas beaucoup ça.
— Mais elle va arrêter de me gratouiller avec son truc ?
— Tu n’aimes pas être étrillé[5] ? Moi, j’adore ! Je trouve ça super agréable. Pourvu que ça dure le plus longtemps possible !
À mon grand soulagement, en cinq minutes, c’est terminé, je suis brossé, scellé, et Sandra m’emmène en direction du manège[6].
— Oh non, pas à l’intérieur, il fait trop beau pour ça !
— Sandra ! Les enfants ! Vous pouvez amener vos poneys à la carrière[7] ? On va faire un peu de saut d’obstacles avant la suite.
— La suite ? Me demande Solène télépathiquement.
Je hausse les épaules. Enfin, j’essaye. En réalité, je fais un drôle de bruit en soufflant par les naseaux à la place.
— Arrête de renâcler[8] Pâquerette, me chuchote Sandra dans l’oreille, tu vas pouvoir sauter aujourd’hui, t’es contente, pas vrai ?
— Ouais, génial !
Tu m’étonnes que je suis contente ! Enfin, content, je veux dire. Sauter des obstacles dans la peau de Pâquerette, ça doit être extra, elle y arrive trop bien et super facilement !
À côté de moi, Pissenlit trotte et nous dépasse, son petit cavalier Maxime sur son dos.
— Alors ma grande, tu avances ? Tu ne veux pas sauter aujourd’hui ?
Sortant de mes pensées en entendant la voix de Sandra, je réalise qu’elle est déjà en selle… et qu’elle est toute légère ! Je la sens à peine, c’est très curieux.
Et trop génial.
Dès qu’on passe le portail et que mes sabots touchent le sable de la carrière, j’ai envie de m’élancer, et j’y vais ! Je me sens puissant, j’ai l’impression d’être aussi invincible qu’un tyrannosaure et aussi léger qu’un ptérodactyle !
— Pâquerette ! Du calme, enfin ! Qu’est-ce qu’il t’arrive aujourd’hui ? S’inquiète Sandra sur mon dos.
Il ne m’arrive rien, j’ai juste trop envie de sauter ! Je regarde le premier obstacle et je m’élance, sûr de moi.
— Pâquerette ! Attends ! Qu’est-ce que- Ah !
Oh non ! J’ai fait tomber la barrière et raté mon saut, je suis trop déçu ! Comment c’est possible alors que je suis si fort que je ne sens même pas le poids de Sandra ?
— Hélios ! Mais qu’est-ce que tu fais ? Oh là là, la pauvre ! J’espère que tu ne l’as pas blessée !
Blessée ? Oh non ! Sandra n’est plus sur mon dos !
[3] Paître, brouter = Manger de l’herbe (en l’arrachant au sol).
[4] Longe = Corde qui sert à mener le cheval ou à l’attacher à un mur.
[5] Bouchonner, étriller = Brosser le poney.
[6] Manège = Endroit couvert où on peut facilement faire travailler les chevaux. Très pratique, surtout lorsqu’il pleut dehors !
[7] Carrière = C’est comme le manège, mais à l’extérieur. Souvent plus grand, du coup, mais bien fermé par des barrières, c’est souvent là que se travaillent les sauts d’obstacles.
[8] Renâcler = Chez l’humain, cela signifie rechigner à faire quelque chose. Pour les poneys, c’est simplement souffler par les naseaux, et cela peut signifier aussi bien une inquiétude que de l’amusement.
Chapitre 3 – Bébé peureux
Ma cavalière est par terre et, penchée au-dessus d’elle, il y a Catherine, la responsable du club, l’air un peu inquiet mais pas trop.
— Sandra ? Tu vas bien ? Est-ce que tu peux bouger ?
— Oui Catherine, je vais bien je crois.
Ouf, Sandra n’est pas blessée. Je me rapproche d’elle, en faisant bien attention. J’ai envie de la toucher avec mon museau, mais je n’ose plus faire confiance à l’« instinct » de Pâquerette.
— Allez, hop ! Dans ce cas, tu remontes !
Cath est confiante, mais Sandra n’a pas l’air rassurée du tout. Elle a peur.
Cessant de la regarder, je fais demi-tour et galope vers l’entrée de la carrière, avant de réaliser qu’elle est fermée.
— Hélios ? Mais qu’est-ce que tu fais ?
Qu’est-ce que je fais ? Et bien… je n’en ai absolument aucune idée. Pourquoi est-ce que j’ai cette terrible envie de partir ?
Entendant, puis voyant Sandra se relever et venir vers moi, je commence à m’éloigner, mais Cath attrape mes rênes et me ramène vers elle d’une main ferme.
Catherine, d’habitude, je l’aime bien, mais là, je n’aime pas du tout qu’elle veuille m’empêcher de me sauver.
— Allez, Pâquerette, ne fais pas ta peureuse, me sermonne Catherine. Regarde, Sandra est remise. Allez les filles !
J’ai à peine le temps de réaliser ce qu’il se passe que Sandra, malgré son trouble, est déjà remontée sur mon dos.
— Ah ah ah ! Peureuse, se moque Solène.
— Pfft.
Je ne suis pas peureuse, j’ai juste été un peu effrayé parce que Sandra n’était pas rassurée. C’est très bizarre. Jamais je n’aurais cru que Pâquerette puisse être si sensible aux émotions humaines.
— Et les autres, n’en profitez pas pour vous prélasser ! Allez allez ! Faites deux tours de piste, puis sautez le premier obstacle en bout de piste.
Catherine se retourne vers moi (enfin, vers Sandra et moi) :
— Et toi Sandra, t’es prête ?
— Oui Catherine. Je vais mieux la tenir cette fois-ci. On dirait qu’elle est redevenue un bébé aujourd’hui !
Un bébé ? Non mais oh ! Je ne suis pas un bébé moi !
— Ah ah ah ! Bébé.
— Pfft. T’es pas gentille de te moquer Solène !
Je vois les autres poneys tourner autour de la piste, et je m’élance également. Je vais leur montrer, moi, que je ne suis pas un bébé. Pas question de me laisser abattre juste parce que j’ai fait tomber un petit obstacle !
Et ma cavalière.
— Il faut faire attention Solène, en fait, les animaux influencent[9] notre façon de penser lorsqu’on est à l’intérieur, mais l’inverse est vrai aussi.
— Évidemment ! Tu n’avais pas encore compris ça ? Pourquoi crois-tu que j’aie choisi Pissenlit ?
— Parce que tu l’aimes bien ?
— Oui, c'est sûr. Mais c’est surtout que je ne voulais pas prendre le risque de blesser un poney en faisant n’importe quoi. Pissenlit est le moins nerveux de tous, alors je me suis dit que ça se passerait bien avec lui, et que même s’il remarquait ma présence, il n’aurait pas peur.
Elle n’est pas bête ma sœur. Des fois.
Le poney devant moi lève la queue et lâche une bonne dose de crottin[10] sur le sol. Beurk ! Je marche dedans, et si je ne sens rien sous mes sabots, sur mon pied par contre, cela n’a rien d’agréable !
Je vois sur ma droite Solène qui s’élance pour faire son premier saut de la journée… Et le réussir parfaitement !
— Waou ! Bravo Solène ! Trop classe ton saut ! Comment tu as fait ?
— J’ai laissé tout faire à Pissenlit !
— Mais comment je fais ça ? Ce n’est pas possible ce que tu me demandes, je suis Pâquerette !
— Bah écoute, si tu ne veux pas de mes conseils, débrouille-toi ! Mais ne fais pas retomber Sandra !
Je vois les autres poneys sauter un par un au-dessus de la première barrière, et mon tour arrive trop rapidement.
Ça y est, me voilà prêt à galoper.
Ne pas penser, ne pas penser.
— Tout doux ma grande, me murmure soudain Sandra. Tu es bien nerveuse aujourd’hui. Mais tout va bien se passer cette fois-ci, tu vas voir. Fais-moi confiance.
Je m’élance vers l’obstacle.
[9] Influencer = Comme Hélios est très proche de l’esprit de Pâquerette, il pense un peu comme elle. Et Pâquerette pense un peu comme Hélios. Ils déteignent l’un sur l’autre, comme une chaussette rouge qui serait lavée avec une chaussette blanche.
[10] Crottin = Crotte de cheval.
Chapitre 4 – Tir à l’arc
La voix de Sandra m’a calmé. C’est à peine si je m’en rends compte lorsque je m’élance. J’obéis aux légères commandes de ma cavalière instinctivement, et je suis de l’autre côté de l’obstacle sans même le réaliser.
— Bravo ma grande !
Je tiens ma tête bien droite, fièrement, très heureux des félicitations et des caresses que Sandra donne sur mon encolure[11].
J’en ronronnerais si je n’étais pas une jument.
Nous continuons ainsi notre travail pendant encore quelque temps, et sauter les obstacles devient peu à peu exactement comme je l’imaginais : j’ai l’impression de voler brièvement à chaque saut.
C’est aussi une sacrée épreuve de confiance et je dois suivre les instructions que me donne ma cavalière, car lorsque je saute, je ne vois pas où je pose mes pieds.
Une chose est sûre, je ne rate plus mes sauts, je ne fais pas tomber de barrière, et je ne laisse pas tomber Sandra. Ouf.
— Hélios !
— Oui ? Quoi ?
Je me tourne pour essayer d’apercevoir ma sœur qui s’est mise à trotter derrière moi.
Il est trop marrant mon champ de vision. Il faut vraiment que quelqu’un soit juste derrière mes fesses pour que je ne puisse pas le voir.
— Maxime a parlé de Tir à l’Arc ! On va faire du tir à l’arc !
— Hein ? Comment tu veux qu’on tire à l’arc avec des sabots ?
— Ah ah ah ! Mais non, idiot ! Maxime et Sandra vont tirer à l’arc ! Pas nous, patate !
— Pfft. Si t’es pas claire aussi…
Comme si Maxime avait senti l’impatience de son poney-Solène, il nous double pour aller à l’autre bout du terrain, là où les grands font du tir à l’arc à cheval. Ou tir à l’arc à poney !
J’essaye d’accélérer pour les dépasser, mais je suis arrêté dans mon élan lorsque j’aperçois de la bonne herbe bien jaune et bien haute sur le bord du chemin, et hop ! Je me penche pour en prendre une grosse bouchée.
— Pâquerette ! Allons ma grande, tout à l’heure !
Je sens une légère tape sur ma croupe[12]. Quelle casse-pied, Sandra ! Elle ne pourrait pas me laisser grignoter un peu ?
Tant pis, y a rien à faire. C’est trop désagréable quand elle tire sur mes rênes[13]. Heureusement que les cravaches[14] sont interdites ici. Brrr. Rien que d’y penser, j’ai mal.
Lorsque nous arrivons au bout du terrain, les enfants prennent rapidement leurs arcs et leurs flèches avant de remonter sur notre dos.
Et hop ! Nous voilà à trotter sur la piste !
— J’adore ! Solène, c’est trop fort d’être capable de voir sur le côté tout en regardant devant nous ! On peut voir les cibles et la piste !
Je suis plutôt fier de Sandra, qui se débrouille très bien. Ah zut ! J’ai parlé trop vite, elle vient de faire tomber sa dernière flèche par terre.
— AH !
Juste devant moi, en même temps que le cri télépathique de Solène, j’entends un hennissement et vois Pissenlit se cabrer[15] puis se mettre à galoper en direction du petit bois qui borde la piste.
Surpris, je commence à me dresser sur mes pattes arrière, ne réalisant qu’après-coup ce que je suis en train de faire. Oh non ! Ça y est, j’ai encore fait tomber Sandra.
Devant moi, Maxime aussi est par terre. Et Solène n’est déjà plus en vue.
— Solène ?
— Hélios ! Au secours !
[11] Encolure = Cou, chez le cheval.
[12] Croupe = Fesses, chez le cheval.
[13] Rênes = C’est l’espèce de corde en cuir fixée sur la tête du poney. Le cavalier s’en sert en tirant dessus (ou en tirant sur la longe lorsqu’elle y est attachée) pour diriger la tête de l’animal.
[14] Cravache = C’est comme un petit bâton, utilisé pour frapper l’animal et le faire obéir. C’est de moins en moins utilisé, car les humains se sont enfin aperçus que cela faisait mal !
[15] Se cabrer = Se dresser sur ses pattes arrière.
Chapitre 5 – Le seau
Maxime et Sandra sont par terre, à côté de la barrière et d’un seau oublié. Je vois Catherine débouler en courant à côté de moi.
Je ne peux pas les aider à se relever avec mes gros sabots ! Et en plus de tout ça, il y a Solène qui m’a appelé au secours ! Que lui est-il arrivé, que s’est-il passé ?
— Solène !
Je hurle aussi fort que je peux à l’intérieur de ma tête, mais je ne suis pas certain d’y être parvenu. Du coup, je ne sais pas si Solène m’a entendu. Ce qui est sûr, c’est qu’elle ne répond pas.
Je ne le hennirai pas sur les toits, mais j’ai un peu la trouille.
Me détournant à regret de Maxime et Sandra, pour lesquels je ne peux rien faire, je m’enfonce dans la forêt qui se trouve en bordure du chemin et essaye de repérer Solène. Ou Pissenlit ?
Je me demande si c’est possible que Solène soit retournée dans son corps. Ça expliquerait pourquoi elle ne me répond pas.
— Solène !
— Hélios ? Hélios !
Je regarde autour de moi, mais aucune trace de Solène. Quoi qu’il en soit, si je l’entends, c’est qu’elle est toujours Pissenlit. Enfin, normalement ?
— Où es-tu Solène ?
À nouveau, seul le silence me répond.
Puis je sens quelque chose. Je m’arrête quelques instants pour analyser l’odeur que je viens de découvrir. Mais oui ! C’est bien l’odeur de Solène ! Ou plutôt, de Pissenlit.
Ouf. J’avance sur une espèce de tout petit sentier qui zigzague dans le bois, et le suis jusqu’à ce que je tombe enfin sur Solène. Presque littéralement, parce qu’elle est à moitié allongée en travers du chemin. Un peu plus et je lui marchais dessus.
— Solène ? Tu es blessée ?
Le poney à terre souffle et renâcle, comme s’il était épuisé.
— Je crois que ça commence à aller mieux. Mais j’ai eu si peur ! C’était horrible !
— Mais peur de quoi enfin ?
Silence.
— Peur de quoi, Solène ?
— C’est pas moi, c’est Pissenlit !
Je suis impressionné par le fait que Solène arrive à avoir la voix stridente même de façon télépathique. Et puis je me souviens d’un détail que j’ai remarqué en passant avant de m’enfoncer dans le bois.
Le seau.
Pissenlit a terriblement peur des seaux.
Et ça, tout le monde le sait au club, donc on fait toujours attention à bien les ranger et à ne jamais en laisser sur son chemin. Mais là ? Il y en avait un juste sur le bord du parcours ? Pourquoi ?
— Ne te moque pas de moi !
Le cri de Solène résonne curieusement dans mon crâne.
— Je n’ai pas envie de me moquer, j’ai envie de retrouver l’imbécile qui a fait ça et de le piétiner ! Il aurait pu faire mal à Maxime, ou à Sandra, ou même à Pissenlit ou Pâquerette ! Si je l’attrape, je le mange !
Solène se met à pouffer, et j’avoue que moi aussi, un peu, lorsque je m’imagine la pauvre Pâquerette en train d’essayer d’avaler tout rond l’idiot ou l’idiote (les humains peuvent être si bêtes !) qui a fait ça.
Chapitre 6 – Le vrai coupable
Bon, c’est pas tout ça, mais je sens — et j’entends — Catherine arriver pour venir nous chercher.
— Bah alors mon tout beau et ma toute belle ? Vous laissez tomber Maxime et Sandra ? C’est pas le jour on dirait ?
Cath, au lieu de nous disputer, est toute gentille avec nous et caresse nos encolures en nous faisant des bisous.
Je la remercie en mâchouillant un peu sa manche.
— Maintenant, il faut y retourner. Il n’y a plus de seau Pissenlit, tu n’as pas à t’inquiéter. Et toi Pâquerette ? Tu as souvent peur aujourd’hui, qu’est-ce qu’il se passe ?
Évidemment, elle n’attend pas de réponse, et semble assez surprise lorsque je me mets à hennir, n’étant pas d’accord avec ce qu’elle vient de dire. Je ne me suis pas enfui, non mais !
— Oh, t’es pas bête toi, ma belle. Je croyais que tu étais venue ici parce que tu avais eu peur, mais on dirait que ce n’est pas ça ? C’est pour venir chercher ton copain, pas vrai ? T’es gentille ma fille. Allez, suivez-moi tous les deux, maintenant, je compte sur vous pour aller rassurer les enfants, d’accord ?
— Hélios… j’ai fait tomber Maxime.
— Et j’ai fait tomber Sandra.
— Quoi ? Encore ?
— Bah, tu m’as fichu la trouille aussi, à te cabrer comme ça juste devant moi !
— Pardon… mais j’ai été effrayée sur le coup, lorsque j’ai vu le seau. Le pire, c’est que je ne comprends même pas pourquoi. Je sais bien que Pissenlit a peur des seaux, mais c’est tellement bizarre qu’il en soit terrifié à ce point-là !
— Bah, peu importe. Ni Maxime ni Sandra ne se sont fait mal apparemment, c’est le principal.
— N’empêche, ce n’était peut-être pas une si bonne idée que ça d’aller embêter Pâquerette et Pissenlit avec nos casques magiques.
Je pense pareil. Peut-être qu’on aurait dû faire plus attention, mieux contrôler nos émotions pour moins les déranger ? Rester « en retrait » de leur conscience ?
Je laisse Catherine nous guider avec la longe jusqu’au chemin d’entraînement. Et c’est là que je le vois :
Théo, le copain de Maxime, que j’ai déjà aperçu à plusieurs reprises venir ici pour regarder les poneys. Il ne monte pas, lui, mais il aime bien passer nous voir.
Et bien Théo, il est en train de glousser en observant son téléphone, et j’ai comme un mauvais pressentiment.
— Solène, regarde Théo.
Après un instant de silence, durant lequel je ne lâche pas Théo des yeux, Solène me répond :
— Si je n’étais pas un poney, je lui hurlerais dessus !
Un horrible hennissement particulièrement aigu éclate alors, et j’ai un mouvement de recul maîtrisé aussitôt par Catherine, heureusement. Sinon, je crois que je me serais enfui pour de bon cette fois-ci !
— Oh là là, Solène, c’était quoi ce couinement atroce ?
— Rien ! Je suis en colère !
— Tut tut tut… tout doux Pissenlit. Et bien, mon grand, qu’est-ce qu’il t’arrive ?
Solène, les oreilles plaquées en arrière, l’air agressif, essaye désespérément d’entraîner Cath dans la direction de Théo, tirant sur la longe. Mais Cath ne comprend pas et la retient. Théo vient de relever la tête… oh non, il va cacher son téléphone et alors, on ne pourra plus rien prouver !
D’un mouvement brusque de la tête, je repousse Catherine et lui fais lâcher la corde avant de foncer sur Théo.
— Pâquerette !
Chapitre 7 – Vingt kilos tout habillé
Le cri de Catherine ne me fait absolument pas ralentir.
— HÉLIOS ! STOP !
Par contre, celui de Solène, c’est autre chose !
Je m’arrête pile devant Théo et je vois même un filet de bave lui tomber sur le visage tellement je suis proche. Ah ah ah ! Bien fait pour lui !
Théo, bouche bée, lâche son téléphone de surprise. Je lui souffle dessus avec mes naseaux, histoire de bien montrer mon mécontentement sans pour autant lui faire de mal.
— Pâquerette ! Mais qu’est-ce qu’il te prend ! Ça va Théo ? Tu n’as pas eu trop peur ? Mais qu’est-ce que… OH !
Le « oh ! » outré[16] de Catherine fait accourir les autres enfants, y compris Maxime, qui commence à s’énerver après son copain lorsqu’il aperçoit la vidéo en train de tourner sur le portable à terre :
— Mais… c’est quoi cette vidéo ! Tu m’as filmé en train de tomber ? C’est toi qui as mis le seau ici alors que je t’ai dit que Pissenlit a super peur des seaux ! Tu es complètement fêlé de la tête !
— Oh ça va hein, répond Théo en haussant les épaules, c’est rien une petite chute de poney, c’est pas comme si c’était très haut non plus…
Tandis que devant moi ils se crient dessus, Cath – tenant toujours Pissenlit d’une main – reprend ma longe de son autre main et m’éloigne des enfants. J’ai peur d’un seul coup, peur qu’elle ne punisse Pâquerette à ma place.
— Solène ? Tu crois qu’elle va punir Pâquerette ?
— Je ne sais pas, peut-être ? Tu as failli écraser Théo, ce n’est pas rien ! Et tu n’as pas l’excuse d’avoir été effrayée cette fois-ci !
— Mais il a été tellement méchant ! C’est de sa faute si nos cavaliers sont tombés !
— Je crois qu’il n’a pas réalisé que c’était dangereux. Mais tu imagines ? Si tu l’avais bousculé ? Toi aussi tu as été dangereux, tu aurais pu lui faire très mal ! N’oublie pas que tu es Pâquerette, une jument de 500 kg et pas Hélios, un petit garçon de 20 kg tout habillé !
— Oh, hé, je ne suis pas si petit que ça…
Je réponds en grognant – je me débrouille de mieux en mieux pour moduler ma voix télépathique ! – mais je sais bien qu’elle a raison. Encore.
On ne va pas très loin et je sens bien que Cath est partagée entre s’éloigner pour que les autres ne l’entendent pas, et ne pas aller trop loin pour garder un œil sur Théo.
Cependant, avant qu’elle ne me punisse ou me passe un savon, je vois tonton débarquer en courant.
— Tonton ! s’écrie Solène, visiblement aussi surprise que moi.
— Tu as déjà oublié qu’il ne peut pas nous entendre ?
— Ce que je n’ai pas oublié, c’est qu’il est censé surveiller nos corps !
Mince, c’est vrai ça ! Pourquoi il nous a laissés sans défense comme ça ? Et si les poules décidaient d’essayer de nous virer de leur coin en nous picorant la tête ? Bon, certes, on a des casques, mais quand même !
[16] Outré = choqué, indigné, scandalisé.
Chapitre 8 – Sans mains, c’est difficile
— Monsieur… ?
Les mains sur les genoux, tonton reprend son souffle un peu difficilement. Papa serait là, il rigolerait en disant qu’il ne fait pas assez de sport et qu’il devrait sortir plus souvent de son garage !
— Bon- bonjour Ma- madame ! Pfiou ! Désolé, j’ai couru ! Vous êtes « Cath », c’est ça ? Je suis l’oncle d’Hélios et Solène. Je me promenais par ici lorsque j’ai entendu des cris… tout va bien ?
— Oh, les jumeaux ! Ils sont ici aussi ?
Se redressant, tonton fait un sourire à Catherine avant de répondre :
— Oui ! Ils sont-
Puis il tombe sur les fesses lorsque Solène le pousse avec sa tête sans aucun ménagement.
— Hey ! Proteste tonton.
— Solène ! Il y a deux minutes tu me disais que j’avais été dangereux, tu fais quoi là ?
— Je l’ai juste poussé un tout petit peu pour qu’il ne dise pas de bêtises !
— C’est ça un petit peu ? Heureusement que tu ne l’as pas poussé beaucoup dans ce cas, parce qu’il aurait fait un vol plané de 10 mètres !
Le rire de tonton nous rassura tous les deux sur son état et l’état de ses fesses. Au moins, il n’a rien de cassé.
— Vous allez bien, monsieur Tonton ?
La voix espiègle de Catherine me donne envie de rire.
Tonton se relève rapidement et vient caresser l’encolure de Solène.
— Bah alors ? On me pousse ? Tu ne veux pas que je discute avec ta charmante dresseuse ? Dites, ce poney s’appelle Pissenlit, c’est ça ? Et lui — enfin, elle — Pâquerette ?
— C’est tout à fait ça ! Comment le savez-vous ?
— Hélios et Solène me l’ont dit. Comme j’allais vous l’expliquer, ils sont restés à regarder les poules près de l’entrée. Houlà, dites, les enfants ont l’air de se disputer méchamment là-bas, vous voulez que je gère ces deux-là en attendant ?
Bien joué tonton !
— Oui, merci ! Je voulais les gronder avant d’aller m’occuper des enfants, mais tant pis, j’ai l’impression qu’il se passe ici quelque chose de pas vraiment habituel de toute façon !
Avec un clin d’œil en direction de tonton, Catherine s’éloigne pour aller parler avec Théo, qui est en train de repousser Maxime avec méchanceté, ce qui ne va pas tarder à finir en bagarre si personne n’intervient.
— Tu crois qu’elle sait ? me chuchote Solène télépathiquement.
— Comment elle pourrait savoir, c’est impossible ! Mais c’est vrai que c’est bizarre ce clin d’œil.
— Alors, Hélios, Solène, vous en faites du grabuge[17] ?
— Pourquoi il nous parle toujours alors qu’on ne peut pas lui répondre ? me demande Solène.
— Bah, c’est un truc d’humain, parler ! Tu devrais le savoir, mademoiselle la bavarde !
— Tu peux parler, monsieur le pipelet !
Je ne réponds pas et ne bouge pas. En temps normal, quand on se chamaille et qu’on ne trouve plus rien à dire, on se chatouille, mais là, sans mains, c’est difficile !
— N’empêche, Hélios, tu crois que Catherine va mettre des œillères[18] à Pissenlit à cause de nous ?
— J’espère pas ! La première chute de Sandra, je veux bien admettre que c’est un peu de ma faute, mais quand Maxime et Sandra sont tombés sur la piste de tir à l’arc, ce n’était pas à cause de nous, c’était à cause de Théo !
[17] Faire du grabuge = provoquer du désordre, et généralement de façon bruyante.
[18] Œillères = Morceaux de cuir posés sur le côté des yeux d’un cheval pour bloquer sa vision sur le côté.
Chapitre 9 – Pomme
— Merci Hélios.
Je sens le soulagement de Solène dans ses mots. J’espère que Théo va être bien puni, je suis très en colère après lui.
Et puis, je suis un peu en colère après tonton aussi.
— Vraiment tonton, tu exagères, tu devrais surveiller nos corps !
J’ai envie de hennir pour le lui faire comprendre, mais je me retiens. Je dois absolument arrêter de vouloir agir comme un humain tant que je suis avec Pâquerette, c’est trop risqué.
Cependant, il faut croire que tonton devine l’objet de notre inquiétude, car il profite de l’absence de Catherine pour nous rassurer :
— Ne vous inquiétez pas, vos corps sont bien cachés. J’ai trouvé une couverture de couleur marron pour vous couvrir. À moins de vraiment rentrer dans le fourré, personne ne pourra vous apercevoir.
— Sauf les poules !
Ignorant la remarque de Solène malgré le fait qu’elle ne me rassure pas, je tourne ma tête brusquement en direction de Catherine pour signaler à tonton qu’il ferait mieux de se taire maintenant, car elle revient vers nous.
— Monsieur, le cours est terminé pour aujourd’hui. Je vais reprendre Pâquerette et Sandra va s’occuper de Pissenlit. D’accord Sandra ?
— Oui Catherine !
S’approchant de moi, Sandra me fait un gros câlin et me chuchote dans l’oreille :
— Merci ma grande ! Je ne t’en veux pas de t’être énervée, parce que grâce à toi, on a pu comprendre ce qu’avait fait Théo !
Elle rit un peu et me fait même un bisou avant de récupérer les rênes de Pissenlit des mains de notre oncle.
— Elle est trop mignonne Sandra ! S’exclame Solène. À sa place, je t’en aurais voulu quand même, de l’avoir fait tomber deux fois par terre.
— Mais je ne l’ai pas fait exprès !
— N’empêche, tu as de la chance qu’elle n’en veuille pas à Pâquerette.
Sans réfléchir, je me mets à avancer en direction de Sandra, comme pour lui faire un câlin à mon tour, mais je suis arrêté par Catherine, qui tire sur ma longe.
— Non, Pâquerette. Toi, tu viens avec moi !
— C’est pas juste ! Je ne peux jamais faire ce que je veux !
Je râle, mais j’emboîte le pas de Catherine docilement. Je crois que j’ai fait assez de bêtises comme ça aujourd’hui.
Les autres enfants sont déjà sur le chemin du retour, Théo et Maxime, les seuls sans poneys, se font visiblement la tête.
Quant à tonton, je l’entends discuter avec Catherine à voix basse. Comme si je ne l’entendais pas ! Et puis d’abord, pourquoi il parle de nous avec elle ?
— Hélios ?
— Oui Solène ?
— On est presque arrivé et tu n’as toujours pas essayé de manger le moindre brin d’herbe !
Oh tiens, c’est vrai ça ! On dirait que Pâquerette n’a pas faim, mais cela ne lui ressemble pas ?
— Pâquerette n’a pas faim apparemment… tu crois qu’elle est malade ?
— Peut-être simplement stressée. C’est qu’elle en a eu des émotions cet après-midi !
— Et tout ça à cause de moi…
Mes pensées s’arrêtent net lorsque je sens une odeur que Pâquerette connaît très bien.
Le manque d’appétit de la ponette s’envole et mon museau plonge dans la direction de cette odeur alléchante, puis j’attrape l’objet convoité et l’englouti aussitôt, le croquant avec délectation.
Une pomme !
Je ne peux pas voir la main tendue devant moi, mais je sens très bien qui m’a offert la pomme. Catherine !
Quel soulagement ! Apparemment, ni Sandra, ni Catherine n’en veulent à Pâquerette de n’avoir fait que des bêtises aujourd’hui !
Lui tapotant l’encolure, Cath murmure :
— Allez ma belle, tu n’es pas vraiment toi-même depuis une heure, pas vrai ? Je laisse Sandra t’accompagner jusqu’au champ. Retrouve ton appétit, la journée est terminée pour toi maintenant, mais je compte sur toi pour demain, ok ?
Je laisse Pâquerette acquiescer à sa façon, en renâclant, et je pousse un long soupir intérieur de soulagement.
Catherine ne m’en veut pas ! Pâquerette ne va pas être punie !
Chapitre 10 – Aïe, nos chevilles !
— Je ne vois pas les jumeaux ?
Je n’entends pas la réponse de tonton, qui bredouille, car Solène se met à hurler dans ma tête :
— Hélios, ils arrivent près des buissons ! Faut qu’on retourne dans nos corps tout de suite !
— Mais je sais, pas la peine de me casser les oreilles ! Enfin, la tête… enfin bref, tu as compris.
Aucune réponse. Elle est déjà partie !
Immédiatement, je me concentre pour faire de même. Au moins, cette fois-ci, j’ai bien repéré l’odeur des alentours. Il faut dire aussi… les poules, ça pue !
ZAP !
Une plume vole devant mes yeux et je me lève d’un bond, avant de retomber assis sur les fesses, ayant perdu l’équilibre.
Ouille !
J’entends Solène déjà en train de discuter avec Catherine et je me redresse à nouveau, bien qu’avec un peu plus de précautions pour bien me souvenir comment utiliser deux jambes au lieu de quatre pattes.
C’est dingue comment Solène passe rapidement de l’état d’animal à celui d’humain sans soucis.
Je m’apprête à sortir des buissons lorsque je m’arrête de justesse en réalisant que je ne vois pas très bien. Ou plus exactement que je vois très bien l’énorme fiente[19] de poule sur le casque magique.
Oups, j’ai failli oublier de l’enlever.
— Ah, te voilà Hélios ? Tu embêtais les poules, toi aussi ?
Je hoche la tête, avant de comprendre que Catherine se moque gentiment de moi. Je préfère changer de sujet.
— Est-ce qu’il a été puni Thé- Aïe !
Solène vient de me filer un méchant coup de pied dans la cheville. Elle me regarde avec de gros yeux, et devinant ce qu’elle fait, je rigole et lui réponds :
— Qu’est-ce que tu fais Solène, tu essayes de me parler télépath- Aïe !
Catherine se met à rire et lance à tonton :
— Je crois qu’il est temps pour moi d’aller discuter encore un peu avec Théo et Maxime, monsieur Tonton, et puis je vois le papa de Théo qui est en train d’arriver. Je dois également lui parler.
— Oui, c’est vrai, nous aussi il est l’heure qu’on rentre. Ah ! Et mon nom, c’est Marty, madame Cath !
Le rire de tonton ne résonne pas longtemps parce que Solène lui pince le bras alors qu’il est en train de retourner à la voiture.
— Aïe !
— Tonton, j’ai laissé des jouets dans les buissons !
— Ah oui, les casq- Aïe !
Je rigole devant la grimace de douleur de tonton, qui vient cette fois-ci de se prendre un coup de pied dans la cheville. Au moins je ne suis pas le seul à trop parler et à subir les rappels à l’ordre de Solène.
Bizarrement, Catherine rit avec moi avant de se diriger vers Théo et de lancer tout en faisant un signe au revoir de la main :
— Surtout monsieur Marty, la prochaine fois que vous venez avec les jumeaux, n’hésitez pas à me signaler votre arrivée ! Je pense que c’est préférable !
Je reste figé un bref instant. C’est quoi cette allusion ? Ce n’est pas possible que Catherine ait compris, non… si ?
Jetant un œil sur tonton, je remarque qu’il est aussi surpris que moi. Regardant partir Catherine, il nous lance :
— Hum…
Et puis c’est tout. On remonte en voiture, inquiets, et on rentre en silence chez tonton. On a encore deux bonnes heures devant nous avant que nos parents ne reviennent nous chercher.
— Hum…
— Mais ça veut dire quoi « hum » ? Râle Solène. Tonton ! On a fait plein d’erreurs aujourd’hui avec les casques ! Et peut-être que Catherine a compris !
Il nous regarde en souriant, puis se jette sur nous pour nous faire des chatouilles.
Au bout d’un quart d’heure, tonton est plus épuisé que nous, mais notre inquiétude s’est apaisée.
— Même si Cath a compris, ce n’est pas grave les enfants. Apparemment, elle n’était pas en colère. Par contre, ce serait bien qu’on profite du reste de l’après-midi pour analyser nos erreurs. Qu’est-ce que vous en dites ?
— Bah bien sûr qu’on est d’accord ! je réplique en levant les yeux au ciel. Évidemment qu’il faut qu’on fasse en sorte de ne pas risquer de blesser les animaux !
— Et les humains non plus ! ajoute Solène.
— Parfait ! Alors on fait ça ! Comme ça, la prochaine fois qu’on se verra…
— On sera prêt !
— On partira dans une nouvelle aventure !
Nos cris de joie résonnèrent dans toute la maison de tonton. Vivement notre prochaine exploration animale !
[19] Fiente = Crotte d’oiseau
Crédits photos, audios, vidéo :
Écurie : Image générée par Chris Falcoz à l'aide de l'IA Dall-E.
Chut : Photo by Freepik.com
Couleurs vues par les chevaux : Shéma de base d'origine incertaine (le plus ancien trouvé : http://bitlesshorse.blogspot.com/2010/03/science-vs-tradition-great-bucket.html). Ajout des légendes par Chris Falcoz.
Rênes : Photo by prostooleh on Freepik
Saut d'obstracle : Photo by Michael Austin on Unsplash
Vision du cheval : https://blog.equisense.com/vision-du-cheval/ (Le schéma d'origine en Anglais est par contre de source incertaine)
Poney qui broute : Photo by Annie Spratt on Unsplash
Seau : Photo by Kevin Martin Jose on Unsplash
Poule : Photo by Arib Neko on Unsplash
Poney : Photo by Izsak Pulugor on Unsplash
Pomme : Photo by Jasmine Raybon on Unsplash
Plume : Photo by Pedro Vit on Unsplash