Un dernier soupir
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Un dernier soupir
Un dernier soupir – Robin Houillon
Textes de vie
Un dernier soupir, seule. La nuit s'effiloche autour de moi, tissant des ombres mouvantes sur les pavés. La lune me contemple, impassible, témoin muet de mes solitudes. Je tremble sous l'étreinte glaciale de l'hiver, mais un souffle ardent danse entre mes doigts : ma cigarette.
Elle crépite doucement, murmure à mon oreille, exhale une brume qui s'enlace à mon visage. "Encore une ?" semble-t-elle susurrer. Une amante aux doigts osseux, un spectre fidèle qui ne me quitte jamais. Je la porte à mes lèvres, et elle m'offre son baiser empoisonné.
La fumée s'échappe de moi comme une âme en déroute, traçant des volutes fragiles qui se dissolvent dans la nuit. Elle est là, toujours là. Plus qu'une habitude, elle est devenue une compagne, une confidente. Chaque bouffée est un murmure, une promesse de répit, un voile entre moi et ce monde trop lourd.
Les étoiles palissent. La ville, endormie, semble s'effondrer sur elle-même. Je fixe les braises rougeoyantes de ma cigarette, comme un phare dans l'obscurité. Son éclat vacille, vivant puis mourant à chaque respiration. Une étrange tendresse m'envahit.
"Tu n'as plus besoin de moi", chuchote-t-elle.
Mais je resserre mes doigts autour d'elle. "Reste."
Elle rit, un rire étouffé dans la brume nocturne. "Je suis déjà en toi."
Et, dans un dernier souffle, elle s'éteint entre mes doigts. Un frisson me parcourt. L'hiver m'enlace à nouveau. Je regarde les cendres dispersées par le vent, et je me demande : qui, de nous deux, consomme l'autre ?
Le vent siffle entre les ruelles désertes, et je frissonne. Pourtant, ce n'est pas le froid qui me ronge, c'est ce vide, cette chose a informé qui pèse sur ma poitrine. J'inhale une dernière fois, jusqu'à sentir la morsure du filtre contre mes lèvres. Une douleur infime, presque douce. Puis je l'écraser sur le rebord du banc, un geste mécanique, vide de sens.
Ma cigarette est morte. Et moi ?
La nuit s'étire, interminable. Les ombres autour de moi semblent s'allonger, m'encercler. Un poids s'abat sur mes épaules, lourd, poisseux. Je ferme les yeux un instant, espérant... quoi ? Un soulagement ? Un oubli ? Mais non, rien ne vient. Juste ce silence pesant, ce gouffre en moi qui avale tout.
Je sors une autre cigarette. Mes doigts tremblent en cherchant le briquet dans ma poche. J'ai l'impression qu'il me faut un siècle pour l'allumer. La flamme vacille avant de s'accrocher au bout de papier roulé. Une nouvelle vie naît, éphémère et incandescente.
"Je suis là", semble-t-elle me dire.
Oui, elle est toujours là. Elle seule me comprend, elle seule m'offre cette chaleur, ce poison lent qui endort mes pensées. Chaque inspiration est un mensonge réconfortant, chaque expiration un soupir d'abandon.
Je lève les yeux vers la lune, trop blanche, trop cruelle. Elle éclaire mon visage avec une indifférence insupportable. J'aimerais qu'elle me parle, qu'elle me prenne dans sa lumière glaciale et me dissolve dans la nuit.
Mais il n'y a que moi. Moi et la fumée. Moi et cette présence fragile entre mes doigts, ce spectre qui disparaîtra dans quelques minutes, me laissant à nouveau seule.
J'aimerais partir avec elle. Devenir fumée, me disperser, ne plus avoir de poids, ne plus avoir de corps, juste une traînée grise dans l'air, légère, libre.
Mais je reste là, figée, prisonnière de ma propre carcasse. Alors je tire une autre bouffée, et j'attends. J'attends quoi, au juste ?
Peut-être juste la fin de cette nuit.
La cigarette touche à sa fin, sa braise vacillante comme une étoile mourante. Je la regarde se consumer, mon souffle rythmé par ses derniers instants. La fumée danse, fragile, avant de disparaître dans la nuit. Comme tout le reste. Comme moi, un jour.
Je voudrais croire que tout cela a un sens. Que cette solitude, ce poids, cette lassitude finiront par s'effacer. Mais ce soir, tout semble figé, enfermé dans une boucle où chaque pensée pèse plus lourd que la précédente.
Je l'écrase sur le bord du banc, laissant derrière moi un petit tas de cendres. C'est tout ce qu'il reste d'elle. Et moi ? Que reste-t-il de moi ?
Je ferme les yeux un instant. J'aimerais que tout s'arrête, juste pour quelques secondes. Que le monde cesse de tourner, que le vent se fige, que mes pensées se taisent enfin. Mais la vie ne s'arrête jamais, elle avance, implacable, même quand on voudrait qu'elle nous oublie.
Alors je rouvre les yeux.
La nuit est toujours là, immense, mais moins menaçante. Le froid mord, mais je suis encore là pour le sentir. Il y a un bruit au loin : une voiture qui passe, une porte qui claque, un rire étouffé dans une rue voisine. La vie continue, partout, même ici, même maintenant.
Et moi ?
Je prends une inspiration plus profonde, sans fumée cette fois. L'air est glacé, brutal, mais il emplit mes poumons autrement. Plus réel. Plus vivant.
Demain sera pareil. Peut-être même pire. Mais il y aura un demain.
Et peut-être qu'un jour, je n'aurai plus besoin de ces cendres pour me sentir exister.
Je jette un dernier regard à la lune avant de me lever. Je ne sais pas où je vais, mais je marche. Juste un pas.
Un pas, c'est déjà ça.
FIN
UN DERNIER SOUPIR – ROBIN HOUILLON