Sans amour... Photo by Samuel Charron on Unsplash
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Sans amour... Photo by Samuel Charron on Unsplash
Lucien se laissait aller. Il s'évadait par le songe, porté par une multitude de points, vers le néant absolu. La conscience en sommeil, il plongeait dans cette constante merveille de l'inconscience et il y trouvait la saveur du bien être.
Cette volupté qui vous pousse vers un monde parfait, sans fautes ni regrets, c'était l'unique fonction de son téléviseur, et il en était ravi !
Ce bouledogue français ne pouvait plus penser et il ignorait l'existence des rêves. Ce chien n'avait pas de monde intérieur, une absence totale d'évasion, une imagination immobile, diraient les médecins.
Lucien ne pouvait plus penser depuis plus d'une dizaine de longues années. Était-ce le fruit du hasard ?
Si, par inadvertance, distrait, il recommençait à réfléchir, il se trouvait de suite bloqué sur la touche arrêt sur image. Cette fixation demeurait en lui profondément ancrée, enfouie sous ses couches de haines. Son obsession n'avait pas de limites, depuis cette dernière visite, un sentiment étrange et inconnu l'accompagnait. Lui, il ignorait qu'il était à la poursuite de promesses d'amour, marié par intérêt, le désir d'approcher cette chienne le faisait souffrir.
Julie, sa déesse.
Cette beauté divine qui l'asphyxiait quotidiennement de toute sa splendeur et qui le rendait toujours plus malheureux, encore plus vieux, toujours plus con !
Chacune de ses pensées provoquait l'apparition de la belle braque altière aux reflets roux, et cette image l'étourdissait. Toutes ses forces ôtées, augmentaient son mal de vivre et ce désir constant de la séduire avait tendance à l'étouffer. Lucien cultivait dans le secret sa peine, celle de lui plaire évidemment, mais aussi ce désarroi indésirable alors il noyait son impuissance dans ce torrent d’image sans sens. Ses années lui dictaient l’irréalité d’être aimé d’elle, et des autres. Lucien n'aimait personne ni son image ni celle des autres, seul point commun qu'il avait l'illusion de partager avec Julie.
Son honneur était l’enjeu, marié, maire du village, il ne pouvait devenir cible, être délibérément montré du doigt, incapable de devenir paria, même par amour. L’humour n’en parlons pas, ce mot était un terrain vague, qu'il écartait de sa conscience étant donné que le rire est par essence inutile, car il ne peut être sérieux. Alors que penser de ce sentiment qui l'atteignait, de cet amour de cet état qui lui procurait un mal inlassable, une incursion sous les pores de sa peau, creusé au plus profond de sa chair. Son cœur devenait fragile sous les assauts de ces images, la belle piquait son ego. Touché au vif, blessé par le mal et la banalité ordinaire, ce mâle souffrait...
Lucien n'arrivait plus à réagir, simplement, il pâtissait de cette douleur persistante et puissante. Ce cabot devait protéger ses contours, ne pas s'exposer, livrer son secret. Ses jours devenaient de la résistance pour ne pas se jeter tête baissée sur la colline, et de lui crier à la gueule son désir. Rester muet, ne pas japper ce mal de vivre naissant, oublier cette envie passion qu'un soir, elle sombre dans ses bras...
L'impassible !
L'inaccessible Julie, qui froidement restait insensible à tous les assauts de ses nombreux et visibles courtisans. Elle, cette braque Hongrois à poil court, promenait sa robe rouge fauve devant ses regards hagards. Cette chienne ne cédait en rien aux caprices de ces êtres. Son péché d'innocence devenait dans l’imaginaire commun, un délice, une friandise, que l'on voulait s'offrir.
La gourmandise ne lui faisait pas défaut. Le dog s’efforçait de ne pas perdre la boule et d’oublier son chagrin naissant. Lucien ce jaloux perpétuel, transformait son impuissance de ne pas pouvoir l'approcher, en plaisir. Tellement cette certitude égoïste l'habitait, celle que la belle réfutait les avances des autres chiens, et cela peut importe l'élégance ou l'intelligence de la race, que l'on soit Terrier de boston ou Dalmatien, cette certitude lui procurait le confort de la jouissance. Vraiment, ce chien était con , même pas cocu, juste convaincu !
Des fois, l'idée de tuer le spectre de son Amour, devenait son obsession. Mais qui est capable de tuer un fantôme ?
Des heures durant, l’air absent devant son tube cathodique, sans un mouvement, les yeux ouvertement fixés sur ce déferlement d'images, il chassait le corps de Julie de son esprit. Lucien reprenait vie et parole à de rares instants et toujours pour injurier sa tendre et chère épouse. Elle qui, docilement, accomplissait sa délicate tâche de ménagère, en lui portant ses petits plats chauds préparés, eux, soyez en certains, sans amour...
Curieusement, aimer ne lui donnait pas encore d’ailes, que déjà il lui coupait la faim !