A mon regretté Archarys
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A mon regretté Archarys
SnakeCroqueur :
J’étais las. J’étais épuisé. Mais ceci n’excusait pas mon geste pour autant. Dès qu’on acquiert un pouvoir, nous avons une grande responsabilité dans nos actes. Où est-ce que j’ai pu entendre cela déjà ? Encore un truc d’araignées qui toilent nos villes. Pourquoi a-t-il fallu que ce soit moi ? Il était pourtant bien mieux désigné que moi pour ce rôle. Sauver des vies. Toi, Archarys, mon héros tant adoré. Je te regrette tant, mon idole. Tu t’es éteint sans que je puisse avoir la chance de te connaître vraiment. Si mon pouvoir était la résurrection, tu serais déjà parmi nous. Mais c’est ainsi. Je dois reprendre le flambeau, celui que tu m’as laissé. Tu m’as confié ce monde, leurs vies sont maintenant entre mes mains. Je suis pourtant si frêle, si faible par rapport à toi. Comment vais-je assumer cette tâche, si importante ? Je ne m’en sens pas capable. Je ne m’en sens pas digne. Mais, je serais à la hauteur. J’en ai fait la promesse, et je la tiendrais. Tu seras fier de moi, quoiqu’il en coûte, Archarys.
Morgane Danet :
Je porte autour du cou ton médaillon. Ainsi, une partie de toi est avec moi. Du haut de la colline, perché sur mon rocher, un voile de brouillard s'étale sur tout l'horizon. En contrebas, le village paraît pour l'instant paisible et encore endormi. La plaine est ballonnée. Je hume le nez dehors et l'odeur de la rosée du matin s'enrobe avec la brume. Je sèche mes larmes d'un geste de la main. Un fardeau me pèse sur mes petites épaules, on m'attend au virage. Je descends de la pierre bien décidée à revenir sur les dernières traces d'Archarys. Peut-être pourrai-je comprendre ce qui s'était passé et me guider ? Je sens qu'il est près de moi par moments. J'empreinte un chemin escarpé. Je n'ai pas peur, je connais le parcours. Je dois frayer un passage parmi les ronces et les herbes folles. Mais elles me facilitent l'accès en s'écartant. Je parviens à un sous-bois. Les gazouillements des oiseaux, le hululement d'une chouette et le ruissellement d'une cascade éveillent tous mes sens. Je suis mon instinct qu’il me dicte.
Dariël Bleen :
Le chemin. Ce chemin que je connais depuis ma naissance. Petit, je passais mon temps à naviguer entre ces branches et ces herbes. De temps en temps, sans vraiment être sûr de moi, je te croisais. Le héros Archarys. Tu passais à une vitesse folle entre les branches, te déplaçant comme un petit singe. Une fois, je t’avais suivi. J’avais eu beaucoup de mal pourtant. Du haut de mes douze ans, je courrais dans tous les sens à la recherche d’un son qui pouvait m’indiquer ta position. Toi, en revanche, tu savais déjà que je te suivais. Et je me suis toujours demandé si tu ne me connaissais pas, pour me laisser te poursuivre sans rien faire. Alors que le soleil commençait à s’envoler, lors de cette soirée fraîche, je t’aperçus en train d’ouvrir une trappe, entre deux arbres. J’attendis quelques secondes et je pénétrai à mon tour. L’intérieur était encore plus glacial. Mais une atmosphère presque apaisante vint me remplir le corps. Quasiment accroupi, je longeai le mur afin de ne pas me faire repérer. Malheureusement, à cet âge, je n’avais pas encore le pas aussi discret qu’aujourd’hui. Je tentai, vainement, de me cacher derrière une caisse après avoir tapé dans un caillou. Vainement car, vite après, j’entendis des pas se rapprochaient. Tu passas derrière la caisse et me regardas de ses yeux bleus glace. Tu applaudissais et me tendis ta main, que je saisis après une courte hésitation. Tu me jaugeas du regard un instant puis dis…
SnakeCroqueur :
« Je t’attendais. Tu en as mis du temps pour me rejoindre. » M’avais-tu dit avec ce sourire, un poil charmeur, dont toi seul avais le secret.
Surpris, je n’avais su que dire. Tu avais su. J’étais repéré depuis le début. Est-ce que tu me fis entrer par dépit ? Saoulé que je traîne dans cette forêt abandonnée de tous, sauf de toi ?
Souhaitais-tu tout simplement savoir qui osait te suivre, épier tes moindres pas ? Ceci dit, ce n’était pas une mince affaire. Tu avais tout pour toi. Tes dons, que dis-je, tes pouvoirs étaient tout bonnement hallucinant. Vitesse incroyable, aussi rapide qu’un bolide de course. Et ta peau, super résistante. Les balles n’étaient pas un souci. Tu savais aussi manipuler la glace. Voilà pourquoi ce froid, qui commençait à geler ma chair jusqu’à l’os, était si persistant.
En admiration, mais inquiet, j’étais face à toi, sans mot dire. Tu te remis à m’adresser la parole, et tes mots me marquèrent à vie, ancrés dans mon crâne à jamais.
Morgane Danet :
- Tu es l'héritier de mes pouvoirs. Ils sont en toi, car ils t'ont été transmis dès ta naissance. Mais tu en bénéficieras lorsque je ne serai plus là physiquement. Tu fais partie de la grande lignée des magiciens.
Tu t'adressais avec bienveillance, tu me rendis fier surtout, mais à quel prix ? Tu comptais sur moi de reprendre le flambeau. Je te posais des questions pour en savoir davantage. Tu m'éveillas ma curiosité.
- Plus là physiquement ? Où seras-tu alors ?
Ce n'était pas simple pour toi Archarys pour m'expliquer. J'étais si jeune, tu tentas tout de même.
- Je te verrai partout où tu iras. Tes pouvoirs t'aideront à sortir des péripéties. Ils ne serviront qu'à ça.
J'enviais de les avoir un jour. Mais je voulais toujours sa présence, tu me rassurais. Nous avions un lien indestructible. Tu me confias d'ailleurs une boîte en bois. Je ne devais pas l'ouvrir dans l'immédiat, mais lorsque tu ne serais plus là. Elle s'ouvrirait lorsque le moment sera arrivé. Un cadenas avec une chaîne l'entourait. Je n'avais pas la force avec mes petites mains. Puis, soudain, je ne m'y attendais pas, elle...
Dariël Bleen :
Puis, soudain, je ne m’attendais pas, elle disparut. Volatilisée. Mais pour une microseconde seulement. Comme si j’avais cligné des yeux. Pourtant j’étais persuadé d’avoir bel et bien fixé cette boîte et vu disparaître cette chaîne. Deux éléments venaient même appuyer mon raisonnement. D’abord, celle-ci avait changé. En effet, la chaîne, qui paraissait déjà solide avant, avait maintenant l’air indestructible. D’une couleur or et argent, elle avait alourdi la boîte d’un seul coup. Je faillis même lâcher l’objet. Le deuxième élément était bien évidemment ton regard Archarys. Tu avais probablement vu la scène plus en détail. Tu te mis subitement en position de méditation, ferma les yeux et prononça un mot trois fois en changeant l’intonation. D'abord interrogative, puis joyeuse, puis grave : « Vizum ». J’en déduisis que c’était le nom de la lignée de magicien dont tu m’avais parlé juste avant.
- Allo ? Allo ! Barque, tu me reçois ? Barque !
« Il ne répond pas… » marmonna-t-il dans sa barbe. Je me tenais en face de toi, attendant je ne sais quel signe qui me dirait quoi faire. Tu te levas, pianota sur un clavier à l’autre bout de la pièce, puis me lança une veste.
- Il est temps que tu rencontres ta lignée !
SnakeCroqueur :
J’eus à peine le temps d’enfiler ce bout de tissu que j’avais pris pour une veste, que tu disparus. Il me fallut quelques secondes pour comprendre que tout autour de moi avait changé. J’étais au beau milieu d’un brouillard épais. Il se leva soudainement quand une bourrasque me souffla en pleine face. Le vêtement que tu m’avais donné voltigea sauvagement dans mon dos. On aurait pu croire à une cape. Un décor inimaginable apparu devant mes yeux écarquillés. Un désert. Mais, celui-ci était composé de sable rouge-brun, comme s’il était imprégné de sang séché. Un vent tourbillonnant soulevait une poussière noire, qui rendait pénible de garder les yeux ouverts. Le seul son perceptible était le sifflement de ce vent furieux. Une odeur saline étouffante était omniprésente.
Mais qu’est-ce que je faisais ici ?
Dans un sursaut, une voix apporta ma réponse :
- Quel cadre magnifique et un poil… chaotique, n’est-ce pas ?
Archarys, tu te tenais à quelques centimètres de moi. Depuis quand étais-tu là ? Il me semblait m’être retrouvé seul en ce lieu si étrange.
- Difficile de t’apporter de réponse aux multiples questions que tu dois te poser, sans que je ne te présente l’ordre des magiciens du Dieu Arubys : Dieu de l’irréel. Il fut banni par Rê, Dieu suprême de la création. Arubys semblait prendre trop d’importance et de puissance. Cela faisait de l’ombre aux autres dieux. Rê le rendit prisonnier de ce désert en y éparpillant ses organes. Son sang se mélangea au sable. Tu as le privilège de te tenir devant le Dieu Arubys, notre Dieu.
Morgane Danet :
À vrai dire, j'étais à la fois impressionné et émerveillé. Je me demandais même si j'allais retenir tout cela dans ma petite tête et quel était mon rôle ? J'étais perdu et je ne savais pas quoi faire. Je plantais mon regard dans celui d'Archarys. Je te vis t'incliner et tu posas ton genou sur le sol devant cette statue en pierre qui tenait dans ses mains, une pyramide en cristal. Tu murmuras des phrases inaudibles. Je t'imitais et je t'observais du coin de l'œil. Dès que tu te relevas, je fis de même.
- Qu'as-tu dit à notre Dieu Arubys ?
Tu m'as souri et tu appuyas ta main sur mon épaule en ne répondant pas à la question.
- C'est entre lui et moi. Tu peux tout lui demander, il t'écoutera.
Je ne fus pas plus avancé.
- Tu lui dois respect et obéissance.
Je l'avais bien compris si je ne souhaitais pas finir comme Arubys. Mais cela ne consistait pas uniquement à cela heureusement. Cependant, je voulais avant être digne de ma lignée. Tout à coup, un grondement au loin nous surprend. Je ne distinguais pas, mais…
Dariël Bleen :
… mais je n’avais pas tant peur que ce que j’aurais pu croire. Était-ce parce que tu te tenais à mes côtés ? Ou parce que la forme qui s’approchait de plus en plus n’avait pas l’air agressive. Enfin, cela restait une sorte de gros aigle, mais, lorsqu’elle se posa et que je croisai son regard, je me sentis comme apaisé.
-Barque ! Tu sais que tu n’as pas le droit de voler sur le dos d’Hyperion !
- Oh ne commence pas Archarys ! Ils m’ont déjà suffisamment bassiné au camp.
L’homme, dont la carrure était encore plus imposante que la tienne me jaugea du regard.
- Alors c’est pour ce gamin que tu m’as appelé ?
- En effet. Il se trouve que ce gamin, comme tu dis, est l’héritier.
- Lui ? Mais il ne va jamais faire le poids.
Je me sentais presque vexé. Barque représentait tout ce que je détestais chez l’humain. Hautain, trop sûr de lui. Il y avait quelque chose de louche. Et je ne mis pas longtemps à savoir quoi.
- Au fait Archarys…
Barque siffla et Hyperion se jeta sur toi et te plaqua au sol de sa patte. L’homme s’approcha et s’accroupit.
- J’ai pris le contrôle du domaine et tu n’es plus le bienvenu, ici ou sur terre.
Je restai figé. J’avais beau me dire qu’il fallait que j’intervienne, mon corps ne pouvait pas s’y résoudre. Au deuxième sifflement de l’homme, je vis une petite lumière dans le coup d’Hyperion. Celui-ci se tortilla, probablement de douleur, et t’attaqua de ses griffes. C’est à ce moment-là que je pus bouger, mais c’était trop tard. Je me ruai sur l’aigle et décrocha la lumière. Malheureusement, celui-ci avait déjà porté le coup fatal. Dans ses yeux, je lus toute la tristesse d’Hyperion. L’aigle se tourna alors vers Barque qui tentait de siffler, en vain.
Sans vraiment savoir pourquoi, mon regard se tourna vers toi. Ce fut la dernière image que je vis de toi en train de prononcer l’incantation pour me ramener sur Terre. L’instant d’après, je me retrouvais dans le QG de l’homme qui m’avait inspiré tant de choses. Une vague de chaleur me parcourut. Je reçus mon héritage sans vraiment savoir quoi en faire. Une chose était sûre cependant, je m’entraînerais dur et un jour, je ferais l’incantation, je retrouverais ce Barque, et je le ferais payer.
Et me voilà, des années plus tard, toujours dans un entraînement intensif. Je n’ai pas l’impression d’avoir vieilli alors que pourtant j’ai acquis des années et énormément d’expériences. Je ne suis pas prêt à y repartir. Je sais que j’ai encore beaucoup à apprendre. Pourtant, dans cette forêt que j’affectionne tant, non loin du QG, j’entends un bruit familier. Un bruit annonciateur de mauvaises nouvelles. Hyperion se posa en face de moi et me regarda. Il était donc temps. Temps d’arrêter ces bêtises. Temps d’arrêter le fauteur de troubles. Temps de mettre un terme aux agissements de l’homme qui détruisit le seul vrai espoir de ce monde.
Je portai mon regard vers le ciel et dit :
« Je n’ai désormais plus le choix. Je pense toujours à toi Archarys et j’espère que tu es mieux là où tu es. Aujourd’hui, annonce le début du combat final. Je ne suis pas prêt, mais je l’aurais. Je te vengerai, toi et toutes les victimes de sa folie. Tu m’as fait confiance ce jour-là où tu m’as laissé entrer dans ton QG. Maintenant, il est temps que j’honore cela. »
Je baissai la tête vers Hyperion qui attendait. Je pris une grande inspiration et prononça l’incantation.
« Alea jacta est. »