Lustres
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Lustres
J'ai depuis des lustres tapissé les murs de visages anonymes qui voulaient bien qu'on les nomme.
C’étaient juste des petits bouts d’homme.
C’étaient juste des visages avec des bouches mutiques.
Et pourtant on aurait dit qu’ils avaient une furieuse envie de crier.
Je ne savais pas quoi en faire.
De cette collection de têtes réduites.
Réduites au néant.
Je ne savais pas comment m’y prendre.
Par quel bout arracher les fils cousus, les sutures, les agrafes, les anathèmes.
Par quel bout rendre à César ce qui est à César!
Je savais qu’ils attendaient quelque chose de moi. Mais ils me faisaient peur.
Ils n’étaient pas de ce monde. Plus. Plus du tout. Plus vraiment.
Ils attendaient quelque chose de moi.
Malgré les apparences, je n’étais pas plus de ce monde qu’eux.
Je mangeais des pierres. Mon visage à moi était fait d’illusions.
Mais j’ai fini par avoir mal de "patience à ne pas prendre », mal d’entendre les cris muets, mal de dévisager des visages qui m’envisageaient sous d’autres angles.
J’ai lustré les murs avec la paume de mon coeur.
J’y ai versé des larmes de force et d’espoir.
Quelque chose alors a commencé à briller, un éclat et le mur est tombé.
Les visages un à un ont commencé à s’envoler.
Ce n’étaient plus des petits bouts d’homme.
Les langues alors se sont déliées.
Ce n’étaient plus des cris, ni des mélopées qui s’échappaient,
C’étaient des baisers.