Loin du monde des (in)humains
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Loin du monde des (in)humains
Il y a des peuples qui ont besoin de presque rien pour vivre et pour être heureux, mais ce presque rien on a continué à leur nier pendant tellement de temps, par manque de volonté ou de moyens, peu importe. Il en fut ainsi.
C'était une été du début du XXIème siècle, elle était au Nord du Mali et une femme en couche dans un campement Kel Tamacheq n'arrivait pas à s'en sortir. Aucune sage femme allait venir à son secours, à l'époque il y en n'avaient que cinq dans une région aussi vaste que le Portugal. L'hôpital de Tombouctou était bien trop loin, aucune solution en vue. Les anciennes du groupe l'avaient laissée hurler, car elles avaient compris qu'elle allait mourir. Mais il faut être nés dans le desert pour être capable de savoir que quand il n'y a plus rien à faire, il ne faut plus rien faire. Quand on vient d'un pays où il y a toujours une solution, où il y a toujours un dernier espoir, on n'arrive pas à couper si net, à arrêter de vouloir faire de tout son mieux, jusqu'à la fin. Elle était donc restée à ses côtés, malgré que les femmes du campement lui avaient dit qu'il fallait la laisser seule. L'enfant était né mort, au bout d'un travail de presque vingt deux heures. La mère se vidait de son sang et elle n'arrivait plus à voir grand chose. Pour la faire partir en paix, elle lui avait dit que l'enfant allait bien, elle l'avait pris entre les bras et elle le berçait en chantant une chanson de Venise, elle disait à la mère qu'il s'était endormi, vu qu'elle s'inquiétait du fait qu'il ne pleurait pas. Elle lui avait promis une vie heureuse pour son bébé, des grandes études de médecine en Europe, pendant trois heures, le temps qu'elle s'en aille sereine, « car elle mourait pour quelque chose ». Et elle était partie au Ciel, comme tant d'autres, ange parmi les anges, loin du monde des [in]humains.
Pendant quinze ans elle s'était baladée avec cet enfant dans le bras, elle le berçait chaque soir, elle s'endormait avec, elle le promenait partout. Elle avait pensé de lui faire faire ses grandes études de médecine en France, afin qu'il devienne prix Nobel en découvrant un vaccin contre l'imbécillité humaine. Mais la vie avait décidé autrement. Dans la faculté de médecine de Paris, où après mûre réflexion elle avait décidé de l'inscrire, s'était averé qu'il y avaient eu avant tout les "hommes qui trouvent un problème à chaque solution". Quand l'imbécillité atteigne un tel niveau, il n'y a pas de vaccin à chercher, il n'y a plus grand chose à faire. Et si une chose elle avait hérité - de cet enfant qu'elle avait hérité du desert - c'était le fait d'accepter que quand il n'y a plus rien à faire, il ne faut plus rien faire. Elle était rentrée à Venise d'où elle n'aurait jamais dû partir. Elle était allée tout droit à Torcello elle avait posé Le Bébé dans les bras de la Vierge qui trônait devant la mosaïque du Jugement Dernier en lui demandant que ce soit Cet Enfant là à juger les vivants et les morts.
Puis elle était rentrée à la Maison.
photo du net: Santa Maria Assunta, Torcello