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BERSERK
Griffith, le Lucifer d'argent

Griffith, le Lucifer d'argent

Publicado el 11, ene., 2024 Actualizado 11, ene., 2024 Cultura
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Griffith, le Lucifer d'argent

L'art de Miura.

Une psychologie littéraire.

 

Dans les bras de Morphée.

Ouvrons les yeux. Allongé au milieu d’une vaste prairie. Un temps chaleureux d’un début de printemps. Une brise assez fraiche nous caresse et fait danser les herbes qui nous entourent. Rien ne gâche le ciel d’un bleu pur, à part un soleil embrasé et cet oiseau. Il a l’air de voler depuis un moment, ayant pris l’habitude de former un huit aérien presque parfait. Son spectacle devient hypnotisant. On ne peut détourner le regard de cet être qui paraît inoffensif, mais son aura nous oppresse. On inspire maladroitement en se rendant compte de nos idiotes pensées, tout en refermant les yeux.

Puis un cri. On sursaute. On se lève. Un faucon. Il se tient droit, sur un rocher, nous faisant face. Ses yeux perçants s’alignent parfaitement avec les nôtres. Et il recommence à crier, tout en continuant à nous fixer, nos battements de cœur se font de plus en plus forts, on n’arrive plus à bouger et le printemps a l’air de s’être arrêter. Il fait gris et froid. Sombre. L’atmosphère nous écrase et sous un quelconque instinct, on décide de faire partir cet oiseau. On s’approche en faisant des gestes absurdes, mais ce dernier ne bouge pas. Puis on l’attrape par la gorge, une envie de le tuer s’installe en nous. On ne comprend pas pourquoi faire cela, mais on ressent le devoir de mettre fin à sa vie.

Et le faucon devient liquide. Rouge et nauséabond. Il s’évapore sur nos mains puis nos bras. Et en baissant la tête, l’enfer. Nos pieds sont baignés dans une marre de sang et de cadavres. On reconnait nos proches devenus des morceaux de chairs. Le ciel n’est plus, seulement un amas de rouge imparfait et à son centre, une étoile noire. Autour de toi, des monstres, tous ignobles, et qui ont pour seul but de t’anéantir de la plus sauvage des manières.

Tu fuis, tu veux te battre mais la seule chose dont tu es capable sont les pleurs incessants coulants sur tes joues et tes hurlements de douleur et d’horreur.

Comment ? Pourquoi ? Que se passe-t-il ? Aucune réponse. Tu le comprendras plus tard.

Cependant, cher sacrifice, bienvenue au sein de ton pire cauchemar, mais au cœur du plus beau rêve de Griffith.

 

Et lorsque nous coupons les ailes d’un ange...

En créant Griffith, Miura a provoqué une peur à ses lecteurs : celle de la trahison, de l’abandon et de la destruction de la part d’un être cher, celle en qui la confiance est aveugle et pour laquelle on mettrait le monde à ses pieds. Durant la lecture de Berserk, Griffith n’a pas seulement trahi Guts, Casca et toute la troupe du faucon, il nous a aussi trahi. Nous, qui avons donné notre cœur dès le début à ce mercenaire au visage d’ange et à la mentalité victorieuse, cette aura charismatique et chaleureuse pour qui on se battait. Ce chef de troupe qui a su donner un sens à la vie de personne qui pensait avoir tout perdu, brisée par le sort d’un destin tragique. Griffith était devenu l’exemple de tous ceux qui voulaient réaliser leur rêve et atteindre leur utopie. Toutefois, nous avons oublié, qu’avant de devenir le Diable, Lucifer était celui qui avait guidé les anges, en tant que modèle vivant, d’une ardente volonté.

Et d’une respiration saccadée, chaque moment du Sabbat nous noyait un peu plus dans les profondeurs des ténèbres.

Assistant à la naissance d’un Dieu de l’Enfer, un goût amer nous prend à la gorge. On ne peut rien faire, comme enchaîné et obligé d’observer chaque étape d’un renouveau maléfique. Chaque page est un remerciement de Griffith d’avoir cru en lui car, grâce à notre espoir et notre confiance, il peut enfin devenir ce qu’il est vraiment. On s’en veut, rejetant la faute sur notre naïveté, on se sent bête. C’est nous, humains tendres et pitoyables, qui avons donné vie à la mort de nos propres sentiments.

Lors de ce supplice, nous n’arrivons plus à respirer, on étouffe, le livre qui se met à trembler entre nos mains, nauséeux, fébrile, choqué. On ne détourne pas le regard de ses scènes infâmes, comme une addiction qui nous transperce. On ne réalise pas, nous continuons en espérant que tout cela soit une illusion. Et lorsque le dernier mercenaire se fit déchiqueter par une méprisable chimère, que la dernière larme de Casca coula sur sa joue, que Guts poussa son dernier cri de haine et que Griffith resta debout, triomphant, au milieu de ses limbes, nous nous rendons compte que nous avons perdu nos camarades, notre aspiration, notre humanité.

Et nous devenons des survivants du Sabbat, notre mémoire scarifiée pour toujours, s’obligeant à comprendre que nous avons vécu réellement cet acte. Griffith a réussi à nous convaincre, simples lecteurs, que nous avions aussi frôlé une fin qu’il nous avait destiné.

 

...Déchu, il devient le diable.

Miura a réussi à donner une véritable résonnance à travers ses pages, marquant d’un événement majeur la vie de ses lecteurs. Pour certains, Berserk a annoncé le changement radical d’un grand nombre de mentalité, et d’une prise de conscience et de maturité pour les plus réfléchis d’entre nous. Griffith est devenu l’une de nos plus grandes réflexions, un sujet philosophique durant lequel les débats durent indéfiniment et qu’une thèse ne suffirait même pas pour expliquer la complexité du personnage. On ressent des émotions vis-à-vis de cet être fictif, une peur à son égard et du dégoût par ses actes presque inégalés dans l’histoire du manga.

Mais l’auteur savait depuis le début qui était Griffith, cette poupée qu’il a confectionné à la perfection, presque avec amour. Miura voulait que l’on ressente la plus grande des souffrances, il voulait qu’on s’attache à lui. Avec sadisme, il nous a poussé dans un piège, encore une fois, mais impossible de le détester, au contraire. En créant Griffith, il souhaitait avoir une place dans notre cœur. Il nous impacte et nous fait sentir vivant.

Miura nous fait comprendre que nous sommes humains et que notre propre vie peut devenir notre pire cauchemar. Il veut nous chambouler, que Berserk soit une étape, voire une épreuve décisive, de notre long chemin et surtout, il nous pose une question, et si nous avions tous une part de Griffith au fond ? Car, telle une figure paternelle, Miura nous met en garde de ne pas fonder notre idéal sur les cadavres des gens qui ont cru en nous. Nous sommes nés pour vivre, non pour être anéanti. Nous devons nous battre pour nos espoirs et nos buts, tout en encourageant les rêves de ceux qui font partie de notre troupe.

Même en tant que maître de son œuvre, il n’a pu sauver nos chers compagnons d’armes du monstre qu’il a créé, alors il nous donne une chance de le faire, à notre propre échelle. Finalement, la dernière volonté de Miura était, peut-être, de redonner gout à la vie de ceux qui, comme Griffith, voyait seulement les ténèbres au milieu du Paradis.

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