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 Chapitre 1 La lettre de l'huissier de justice

 Chapitre 1 La lettre de l'huissier de justice

Publicado el 24, jun., 2021 Actualizado 24, jun., 2021 Cultura
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 Chapitre 1 La lettre de l'huissier de justice

Le 3 novembre 2018 à 5 heures et demie du matin

Quelques heures avant, ils étaient encore en effervescence par l’irruption d'un nouveau chaton dans sa vie. Un peu plus, Romain arrivait en retard pour les 18 ans de camaraderies avec Kevin, Audrey, Grégory et Sandra. Il était si heureux, car il venait d'apprendre une mauvaise nouvelle. Il en oubliait, il craquait devant sa petite bouille si attachante. D'un seul coup en voyant l'heure tournée, dans sa précipitation, il laissa tomber ses papiers parterre. Il les récupéra bien vite avant de partir. Il arriva le dernier de la bande juste à temps.
Quatre jeunes éclataient de rire après un repas au restaurant émoustillant à se remémorer leurs épopées. Ils ne se décidaient pas à se séparer, ils firent un détour vers la forêt, là où les rideaux de la nuit enténébraient le bois. Les arbres cachaient la lune qui reflétait sur la clairière. L’aube se pointait. Autrefois, ils se retrouvaient les samedis pour jouer. Les feuillages étaient leurs tipis, ils se fabriquaient des arcs et flèches avec des rameaux, les enfants les taillaient eux-mêmes. Les parents les surveillaient. Ils avaient prévu de dormir dans un gîte situé à proximité de là. Le trafic se gara sur le bas-côté, la boue se projeta sur la carrosserie et le pare-brise. Il s’embourba en rectifiant l’axe de trajectoire. Les pieds dans la gadoue, Ils progressaient à l'intérieur. La conversation les saoulait de joie, excités par le plaisir de se revoir par tant d'années d'amitié.  L'une des femmes avec son jupon sous sa robe dégriffée s'accrocha à un buisson épineux juste à côté des cadavres, dont un sous les branchages. En se dégageant, elle dérangea le talus. Un tas de terre formait une tombe. Son pied buta sur un objet en métal. Elle se fit mal et protesta.   La lampe éclaira Michel qui était mort sans être recouvert à côté de Nadia. Un étrange silence retentit, retint leurs souffles et leurs cris. Le groupe sursauta de peur. Le stress qui chamboulait et bombardait, les cœurs. Ils écoutaient le bruit de la nature et des animaux. Leurs visages livides, les jeunes se paralysaient dans l'action. Ils se tinrent la main. Ils s'imaginaient un tueur sur les lieux. À l'évidence, personne ne rôdait. L'un d'eux téléphona à la police. Groupés, ils attendirent sagement.  














                                      

 Plusieurs jours plus tard.

Je ne menais pas large devant ce policier, mes mains entre mes jambes repliées sous la chaise et la tête basse. En face, un homme dans la trentaine, son regard perçant, un visage carré et inexpressif. Ses cheveux bruns et frisés, ses yeux enfoncés et marrons avec un teint blafard. Un nez creux, sa taille gigantesque et un corps musclé s'imposait.
— Vous êtes convoqué pour les meurtres de Michel Dumoulin et Nadia Bolcho. Il indiquerait votre présence sur les lieux des crimes.
Sa voix tonitruante me tétanisait. Il m'intimidait.
Ne craque pas Marlène ! Tu n'es pas avec ton père ! Cela me rappelait mon enfance. Mon père avait le don de me désigner d'un acte blâmable.
— Votre ADN et vos empreintes digitales sont des preuves irréfutables et incontestables. J'aimerais comprendre comment vous en êtes arrivé là ? Vous n'avez pas de casier judiciaire.
Dans ma vie, je passais mon temps à me soustraire à mes difficultés. Je relevai la tête, pétrifiée, il braquait ses yeux sur moi pour déceler mes failles. Je déviai mon regard et me redressai. Personne ne viendra à mes côtés. J'affronterai seule.
— Je n'ai jamais fraudé, je suis une idéaliste avant tout. Je n'ai jamais taxé quelqu'un.
Le policier ne s'empêcha pas de sourire.
— Vous êtes là pour des meurtres. Quels sont vos liens avec les victimes ?
Ce n'était pas une question innocente pour m'amener explicitement sur mes relations sur eux et pourquoi étais je présente sur la scène de crime ? Il me piégera et je ne saurais quoi lui répondre, il doutera de ma version, je le flairai. Toute ma gestuelle était décortiquée certainement.  Je racontai toute mon histoire.

                                         ***
 
J’habitais sur la commune de Luzarches à une trentaine de kilomètres de Paris. À l’âge de vingt ans, je m’étais mariée avec Bruno, un garagiste rencontré à l’occasion d’un entraînement de football. En 2005, nous achetâmes une vieille maison qui datait de 1930. Aujourd’hui, elle aurait besoin d’être rénovée. Tandis que les années passant, je donnais vie à mes trois adorables petites filles, je me lançais dans la création d’une association remplie d’animaux de poils et de plumes. Je réalisais ainsi mon rêve d'enfant. Que du bonheur. J’avais grandi dans un milieu rigide, dur et autoritaire sous la coupe d’un père tyrannique. Tout le monde le craignait à la maison. Mon seul refuge était mon chat et mon chien. Parallèlement à mon travail de téléopératrice, je me formais vers un métier d’éducateur canin. Malheureusement, j’eus un accident de la route et ma carrière fut placée
entre parenthèses. Je dus stopper mon emploi et je n’eus plus comme revenu qu’une pension d’invalidité. 
 
Si, avant cet évènement, c’était le bonheur avec Bruno et mes enfants, cette sérénité disparue et le glas sonna. Notre compte en banque s’épuisa, nous nous mîmes à manquer d’argent et dûmes recourir à plusieurs prêts à la consommation. De soucis et disputes, notre couple ne résista pas à ces problèmes et finit par casser. Bruno déserta le foyer et me laissa avec ma centaine d’animaux, et comme cadeau, une procédure de divorce. Le juge nous imposa une garde alternée des filles jusqu’à la majorité de chacune d’entre elles. Au fil du temps, ma situation ne s’arrangea pas, les arriérés s’accumulèrent. Avec mille euros de revenu mensuel, le crédit pour la maison et quatre-vingt mille euros de dettes, je ne m’en sortais plus.
 
Avec trois dossiers de surendettement, une vente judiciaire fut ordonnée.
Pas question de me séparer de mes bêtes.
 
C’était mon moteur.
 
Ma vie.
 
Ma vocation.
 
Ma drogue.
 
Ils me suivraient partout où j’irai.
 
Même si je terminais nue comme un ver.
 
Depuis mon accident, si je m’étais retirée du monde professionnel, je vivais toujours pour ma passion pour mes animaux.
Si je n’étais plus en couple et ne devais compter que sur moi-même, chaque jour était cependant une merveille sans code ni discorde.
C’était mon univers.
Mon grain de folie. J’avais une âme de poète utopiste et opiniâtre dans mes idées…
Je croquais la vie à pleine dent, j'avais ma philosophie. Malgré mon handicap, je gardais des séquelles d’une fracture de la jambe, ma santé était au rendez-vous. Heureusement. Après tous mes déboires, j'aurais pu me jeter d'un pont pour en finir. Bien au contraire, j'étais une battante et rien ne m'effrayait. Ne dit-on pas : l'espoir fait vivre ?
Mon quotidien tournait autour de mes bêtes. J'agissais sans supérieure, j’accomplissais les tâches administratives et comptables. Je ne dénombrais pas mes heures et je me couchais tard et me levais tôt pour le ménage. À cinq heures du matin, j’étais toujours d’attaque, même si la fatigue commençait à se sentir.
Heureusement, il y avait mon amie virtuelle, Sylvie, un ange tombé du ciel, elle s'occupait de ma page sur Facebook. Elle me reboostait dans mes périodes mélancoliques et ne faiblissait pas d'idées. Des parrainages s'établissaient, une façon d'avoir un petit pécule. Ce n'était pas grâce à cela que j’assurais mon avenir, je n’en avais pas assez. Sylvie me demandait souvent des nouvelles de mes protégés, la disponibilité me manquait. Je ne traînais jamais dans mes corvées. Je m’octroyais des pauses pour boire un café, répondre à ses messages, à ses requêtes, mon moral n’était pas toujours là. Mon vieil ordinateur ramait. Je perdrai du temps rien qu’à envoyer des photos à Sylvie. J'utilisais mon téléphone portable lorsqu'il fonctionnait bien. La nouvelle technologie me rendait gourde, j'apprenais grâce à Sylvie qui m'expliquait. J’accordais peu ou pas de moment aux loisirs. Je n'aimais pas qu'on m'impose des choix, je chérissais la liberté. Ce n'était en général que le soir que je pouvais lui fournir l’objet de ses demandes. Souvent elle attendait plusieurs jours de mes nouvelles, je savais qu’elle m’en ferait des réprimandes. Elle s'impatientait et j’en oubliais mes préoccupations personnelles. Si autrefois, j’étais pareil à une fourmi et j’avais des réserves, elles avaient été toutes mangées par mes nombreux frais. Je bouclais mes comptes.
Sans surprise, en négatif.
Pas le choix.
Le soleil reflétait sur ma lucarne, se projetait sur le verre d'eau et formait une irisation. Je croquais une dragée offerte par une voisine pour le baptême de sa fille. Sylvie intervenait avec efficacité dans ses publications. Assise devant l’écran de mon ordinateur, mes paupières clignotaient de fatigue. Il n’était que vingt-deux heures. Sur ma page Facebook, je consultais les commentaires des gens. J'idéalisais tant mon activité qu'elle m'apportait de la gaieté. Je ne prêtais pas attention aux remarques de crétins qui s'amusaient à me critiquer. Si j'étais pour la paix universelle, c'était vraiment dégoûtant de lire autant de récriminations à mon égard. Je me battais tant que je pouvais et on trouvait toujours quelque chose à redire sur ma personne. Si je les écoutais, j'abandonnerais mes animaux et mon problème serait résolu.
Dehors, une pluie torrentielle se déversait sur les tuiles de ma vieille ferme. J'étais près de mon chauffage à pétrole avec une petite laine sur le dos et je buvais une tisane sur mon siège capitonné. Je devais obéir à la demande de Monique, Sylvie et Marjorie qui insistaient de me rendre à une entrevue chez Michel. 
Richard, le frère de Michel était une sacrée vedette : un ancien délinquant particulièrement roublard. J'espérai que Michel n'en parlerait pas, car autrefois, j’avais commis une énorme bêtise, j'étais jeune. Pendant qu'il volait les bonbons dans le magasin de madame Picard, je guettais et je m'arrangeais pour tenir la jambe à la commerçante. Je trouvais n'importe quel prétexte et lui racontait tout ce qui me venait en tête. Comme je bredouillais la plupart du temps, cela ne marcha pas. Voyant agir Richard en train de dérober les friandises, elle m'accusa d'être sa complice. Un sabre décoratif étant accroché au mur, je le pris et je brisai la vitrine. Richard en profita pour se sauver et ne manqua pas de se moquer de moi. Mes parents me punirent et m’interdire de fréquenter les deux frères. J'eus la chance qu'aucune plainte ne fût déposée. Michel ne me rappelait pas de bons souvenirs.
Une idée me vint : que devenait Richard ? Ma tasse à la main, je revins m’installer devant mon ordinateur et plaçais mon mug sur la table. Je commençais mes recherches, en vain. 
De temps en temps, des rafales de vents froids et humides traversaient la pièce. La maison manquait d'isolation, l'air s'infiltrait par les fenêtres, si bien que je gelais.
J'étais désabusée et peu motivée de revoir Michel. S’il pouvait m'être utile, encore fallait-il que je ne commette pas de faute ? Je visais sur de nouveaux horizons. Je me déconnectais d’Internet et pensais à Michel. Je devinais à l'avance comment il se délecterait de mes difficultés, il m’avait prévenu il y a longtemps de ma défaite. Fatiguée, je partis me coucher.
Le lendemain matin après m’être occupée de mes bêtes, je téléphonai à Nadia. Elle postulait depuis un moment pour devenir maire. Je la savais être une menteuse, mais aussi d’une mièvrerie telle, que Michel qu’elle écoutait et suivait aveuglément, la piétinerait. Son mari était brocanteur. Je l’appelais pour lui demander qu'elle passât chez Michel pendant que je serai présente. Je lui expliquai mes problèmes et la raison de sa présence sur les lieux. Elle ne refusa pas, je la connaissais si bien que la convaincre fut un jeu d'enfant ! Loin d'être une débutante, elle ânonna tout de même sur le coup. Je lui proposais de venir à l'improviste et ne l'obligeais pas à rester sur place si elle ne le souhaitait pas. Je lui promis en retour d’être à ses côtés pour sa campagne municipale. Nous avions encore un an pour s’y préparer. Si j’arrivais à voir Michel, ce serait vraiment pour suivre les conseils de mes amies.

 
Après avoir raccroché, je décidai de me promener avec l'un de mes chiens. Je stressai, je pris Caramel, un golden retriever. Après la pluie de cette nuit, le ciel s’était dégagé et un geai volait. À l'orée du bois, un homme fredonnait des chants cantiques. Caramel tirait sur sa laisse et je faillis me fouler le pied en marchant dans un trou de mulot. Non loin de là, des enfants poussifs montaient doucement une petite côte. Je freinai Caramel en serrant la laisse et lui ordonnai de s'asseoir, il s'exécuta. À mon approche, l’homme cessa de détonner son timbre avec fracas et s'émerveilla devant cette obéissance. Il vint près de Caramel et le câlina.
— Il m'a l'air bien gentil ce toutou !
—Oui, c'est une crème ! Je vous ai entendu, vous avez une jolie voix.
L’homme hocha la tête.
— Autrefois, j'étais professeur de chant. Maintenant, je mets mes talents à la disposition de l'église.
Il devina que j'étais triste et préoccupée. Cela ne serait pas correct de raconter la menace qui planait au- dessus de ma tête, personne n’y pouvait rien. Je me pliais aux exigences des autres, on me harcelait de tous les côtés à en perdre la raison. Mon énergie était mise à rude épreuve et je ne te tenais pas je ne sais quel miracle ? D'habitude, je bavardais comme une pie lorsqu'on m'abordait avec Caramel, mais là j'étais taciturne d’autant qu’une envie pressante me tenaillait le ventre. L'avantage avec les animaux, c’est qu’ils avaient des toilettes partout. Devant le chanteur, je dansais d’un pied sur l’autre.
– Désolée, je vais devoir écourter ma promenade.
L'homme se releva en souriant.
— On ne peut rien faire contre l'appel de la nature. Autant pour les hommes, on peut se soulager contre un arbre que pour une femme, c'est moins commode.
Je fis demi-tour, je tirai sur la laisse de Caramel et le dirigeais où je le souhaitais. Il m'obéit sans opposer la moindre résistance, c'était un chien un peu fou, mais c'était mon cadeau pour mes cinquante ans. Je retournais sur mes pas.
Heureusement, le petit bois était à proximité de chez moi. Caramel m'entraîna dans un sprint, pressé lui aussi par une envie de grosse commission. Je riais de mon endurance soudaine. Une fois chez moi, essoufflée par ma course, je détachais Caramel et me précipitais aux toilettes. Mes animaux ne comprenaient pas ce qu'il se passait. Je sortis les chiens dans mon jardin. Je profitais pour regarder ma boîte à lettres, je ne l'avais pas ouverte la veille. Je recevais mon journal tous les matins. Un bouquet de roses rouges déposé devant la porte de mon garage attira mon attention. Je me penchai pour le récupérer, une petite carte agrafée où il était écrit :
Marlène, je t'attends.
Michel.
J'appréciais les fleurs, pas le geste. Mon nez renifla le parfum qui m'enchanta. Mais hélas, elles ne survivraient pas longtemps si je les laissais dans la maison. Je retirai l'emballage pour les rafraîchir dans un vase et les gardais dans le garage.
Je remontais par les escaliers de la cave, mes chiens reconnurent mes pas et ma voix :
— C'est moi mes chéris.
Anita se tenait devant la porte, elle m'avait entendu.
— Je ne savais pas que tu étais là. Depuis combien de temps es-tu ici ?
— On m'a déposé, je l'ai laissé avec papa.
— Qui est ce "on" ?
—Tu as droit à ta vie privée. As-tu vu quelqu'un avec un bouquet de fleurs ?
— Tu as un admirateur ?
Je haussai les épaules.
—Tu parles, je me coltine un rendez-vous avec Michel si tu crois que c'est une partie de plaisir. Ce n'est pas mon ami.
— J'étais à mon bureau. Les chiens ont aboyé. Je l'ai aperçu de dos seulement.
— Ceci dit, il doit être intéressé pour témoigner de son intention.
— Un fantasme surtout !
Anita rit.
— Tu es toujours une belle femme !
—Je ne dis pas le contraire, ma chérie, mais j'ai plus besoin de pépettes que d’un homme ! Excuse-moi, je pense à une chose.
Je notai et listai avec mon crayon ce qui me venait en tête afin de ne pas oublier de lui en parler. Ce n'était pas un rencard amoureux, mais pour affaires. Je n'allais pas m'empoisonner avec un mari actuellement et il ne m'ensorcellera pas par son charme. Cela me dégoûtait déjà au plus haut point de me retrouver en face de lui. Nadia arriverait à le distraire un peu pendant quelques minutes et j’en profiterai pour lui fausser compagnie. C'était mon plan. Je connaissais leur binôme. Nadia me devait bien ça. Autrefois, nous étions plus proches et j'étais la confidente de ses soucis personnels. J'admirais ma fille avec ses yeux noirs, elle esquissa un sourire.
— Ce serait pernicieux d'être en ménage avec lui, je ne serai pas un bon exemple pour lui. Vivre avec une meute, j'ai échoué avec ton père. Je suis nullissime pour lui. Il préfère certainement une femme qui a plus de prestige que moi.
— Ne te sous-estime pas. Ton jugement est sévère.
— Non, je suis lucide.
— Tu as des amis, c'est le plus important.
— Je sais ma fille, j'ai des besoins matériels et je dois arrondir mes fins de mois alors, les relations, d’autant plus si elles sont aléatoires… Je suis si miteuse par rapport à elles. Et encore plus devant Michel.
— Tu as obéré malheureusement sur tes économies. Il ne me plaît guère plus que toi. J'admets toutefois que tu n’as pas le choix, ton avenir n'est pas très engageant.
Je coupais court à cette conversation.
—Je suis fatiguée, bonne nuit ma chérie.
J'embrassai ma fille comme tous les soirs.
Je regagnai ma chambre peinte d’une couleur jaune mettant de la clarté dans la pièce. Une tapisserie aurait été détériorée par les griffures de mes chats et le frottement de mes chiens. Ma couette restait souvent en désordre par mon côté flegmatique du matin. Polka roupillait. Comme à son habitude, elle s’étalait sur le dos, les 4 pattes en l’air, réclamant les caresses sur son petit bide bien doux. Elle ronronnait… puis parfois, elle me surprenait en me mordant la main, un peu caractérielle, j’avoue. Tous les soirs avant de m'endormir, je regardais un poster sur la ville de Rome. C'était à l'époque où mon voyage de noces se rappelait à mes bons souvenirs avec Bruno. C'était avant que j’abritasse mes animaux vivants auparavant une maltraitance ou d'un abandon. Je ne pouvais pas concevoir qu'on les traitât ainsi. J'avais chez moi un harem, pas d'hommes, mais d'animaux. Je les aimais tous autant sans aucune différence. Aux yeux des autres gens, cela paraissait irréel de vivre de cette manière, mais si je ne l'avais pas fait, comment aurais-je pu me regarder dans une glace en fermant les yeux sur la monstruosité humaine ? Bruno jouait au football avant notre mariage, mais à la naissance de mes filles, il se consacra à sa famille. Les matchs et les déplacements prenaient beaucoup sur notre temps de famille. Notre premier baiser fut échangé lors de la fin d'une compétition. J’emmenais les deux fils de la voisine. C'était un bel homme, il entraînait des jeunes, je l'admirais par sa pédagogie avec eux. Je rêvais de l’épouser et d’avoir des enfants avec lui. Ce jour-là, il pleuvait des cordes. Le match ne put continuer. Trempée, j’arrivais juste à cet instant. Mes chaussures à talons se noyaient dans les flasques, bras nus et en tenue légère, je me prenais la saucée. Je ne voyais pas les enfants et je m'affolais. Il arriva comme un grand seigneur. L'une d’elle me lâcha des pieds, il me retint. Nos corps se collèrent ensemble, Bruno en profita pour m’enlacer. Il fit abstraction qu'on nous observait. Cela faisait des mois qu'il attendait cet instant. Je ne planifiais pas une telle chose. Je planais dans mon petit monde. Je refusais toujours les propositions des garçons. Là, en m’embrassant, il venait de décider de notre destin.
Le lendemain, je me réveillai dans une position inconfortable. Entre Rita la chatte siamois au niveau de mes pieds, Rex le fox-terrier à ses côtés et Julius sur ma gauche, mes animaux couchés sur mon lit me laissaient peu de place.
Je ne dormais pas comme une marmotte sur un matelas où un creux se formait et mon dos en pâtissait. Loin de là, c’était inconfortable. Tous les matins, j'effectuais mes exercices de gym pendant un quart d'heure. Toujours d'attaque le matin quel que soit ma nuit passée, je soignais mes animaux et ils demandaient de l'amour, de l'attention et ils m'appartenaient. Ils partageaient ma vie, mes euphories, mes tristesses. Je leur racontais tout. Je vérifiais ma budgétisation. C'était primordial de savoir où j’en étais de mes comptes. Avec les factures qui s'accumulaient, le problème mathématique était difficile à résoudre. Lorsque les caisses étaient vides, cela brisait mon moral. Dans ces moments-là, je mettais un fond de musique. J'écoutais au hasard un CD et je dansais en dépoussiérant. Mes chiens me regardaient ahuris et je retrouvais le sourire. La mélancolie ne me gagnait pas longtemps, car ma nature était de positiver en toutes circonstances. Je paraissais vivre en décalé. Lorsqu’on me rappelait à l'ordre, c'était violent, l'effet d'une claque qui frappait mon visage. Je donnais l'image d'une éberluée que je n'étais pas, sans être dans le déni, mais avec la terreur dans mes tripes. Mon apparence trompeuse faussait leur jugement.
Mes instants de solitudes me pesaient. Seule face à mon destin, je ne comptais pas sur ma sœur qui aurait pu être d'un bon secours. Au début de mon activité, elle m'épaulait. Comme beaucoup de gens, elle me dénigra par mon attitude désinvolte. Elle me donnait des conseils, mais je ne les appliquais pas.
Je savais que certaines personnes me disaient de mettre un point final à mon arche de Noé, mais je ne me résignais pas.
J'enfilais mon pull violet en laine, la fraîcheur de l'hiver tombe rapidement. Cerise sur le gâteau : je reçus un courrier me demandant de livrer certains papiers pour ma cagnotte Leetchi. Sur le coup, je démissionnai incapable de fournir leurs exigences. La seule qui pouvait me décrocher l’attestation de cette cagnotte était Marjorie. L’huissier avait besoin d’une preuve que cet argent obtenu n’était pas soustrait ou issu d’un vol. Elle avait écrit le texte de la pétition et à l'hebdomadaire « le Parisien », un journaliste se déplaça pour filmer l’interview. Postée sur Facebook, elle m’apporta des aides financières et des témoignages de soutien de personnes qui défendaient la même cause que moi. Je passais outre des commentaires négatifs. Quelques jours auparavant, je mandatai un message à Marjorie qui était connectée. Toujours aussi réactive, elle répondit favorablement à ma quête et l’exécuta aussitôt. Une fois envoyé, je n’avais plus qu’à attendre sachant qu’ils traiteraient la demande dans la journée ou voire demain. Ce papier pesait lourd dans la balance, car de lui dépendait mon avenir. Je possédais à présent presque la moitié de la somme que je devais, j’espérais de la clémence et pouvoir m’alléger de ce fardeau sur mes épaules. Mes finances étaient calamiteuses et c’était pour cette raison que j’étais dans cette situation.
Sylvie me contacta pour me rappeler mon entrevue avec Michel.
– Alors Marlène, tu te prépares psychologiquement avec Michel ?
Taquine, Sylvie cherchait à me détendre. Elle me connaissait depuis des années et savait mon antipathie pour Michel. Mais je devais passer outre celle-ci pour briguer une subvention. Michel interviendrait auprès du maire, avec son influence, il pourrait obtenir ce que j’avais déjà tenté plusieurs fois auprès de lui, sans succès. Michel faisait partie du conseil municipal avec Nadia.
—      Tu m’envoies à l’abattoir surtout !
—      Tu me fais rire ! C’est dans une semaine que tu le vois ?
—      Oui, il m’a déjà expédié des fleurs !
—      Quelle chance !
J’aurais voulu partager cet enthousiasme, mais cette démarche me mettait mal à l’aise. Je devinai le sourire de Sylvie et elle provoqua le mien un bref instant. De par mes origines siciliennes, je lui plaisais certes, mais ce n’était réciproque. Le connaissant, je lui fis comprendre le contraire. Monique vint me rendre une visite inopinée. Elle et sa fille parrainaient deux poules. Retraitée depuis quelques années, elle me soutenait dans ma lutte. Dynamique, elle me coachait. Je tergiversais pour me décider à voir Michel pendant un moment. Elle voulait s’assurer que je ne changerais pas d’avis. Elle doutait de ma capacité de tenir mes engagements. Après nos embrassades, elle alla droit au but et me parla avec humour.                                                      	
            — Alors, tu es d’attaque pour Michel ? Il va falloir le charmer.
Je ne m’éprendrais pas de cet homme ni me pâmerais de joie devant lui.
Pas besoin de discours pour comprendre ma désapprobation à cette idée.
Mes grimaces et mon regard noir montrent mon irritation.
Pas d’humeur à la plaisanterie.
Je redoutais déjà cette confrontation à m’en rendre malade d’avance. Cette allusion amplifiait mon anxiété. Rien que de parler de Michel créa un sentiment incontrôlable, une peur irraisonnée. Mon visage se contracta. Je me promettais depuis le début de ne jamais céder à lui. Il ne manquerait pas d’en profiter et je prévoyais une tirade emphatique.
—      Détends- toi Marlène, il ne va pas te dévorer toute crue !
Monique me donna une tape sur l’épaule. et j’ajoutai désabusée et énervée :
           	—  Leetchi tarde à me répondre, j’ai besoin de ce papier !
—      C’est déjà pénible avec tous tes nombreux déboires !
Une douleur au ventre. Tout se nouait à l’intérieur, c’était si violent. Je m’empressai de proposer un café accompagné de biscuits et m’assis aussitôt. Je me pliais en deux et me contorsionnais.
—      Mais enfin ne te mets pas dans tout tes états, ce n’est pas un monstre ! Je fais comme chez moi, je réchauffe le reste de ta cafetière.
Je la laissai vaquer comme bon lui semblait, elle se servait et je devenais transparente pendant ce temps. Mes plaintes ne l’atteignaient pas. Je ne simulais pas, je finis par me relever en me tenant le ventre et m’excusai auprès de Monique pour m’allonger sur mon lit. C’était la seule solution. Elle me suivit bien décidée à me suggérer des conseils. Je l’écoutai d’une oreille, j’avais juste besoin de m’évader et ne plus penser à Michel, cet être haïssable par son mépris à me regarder de haut. Elle me prit la tête avec son discours interminable. Elle se focalisait sur lui quand soudain un message de Marjorie me rappela mes priorités. Elle me faisait part de sa déception, car Leetchi n’envoyait pas le document avec le montant exact. Alors elle me proposa une solution intermédiaire qui marcherait peut-être en attendant : fournir la liste des donateurs avec leurs adresses mails au cas où il douterait de ma bonne foi. Une alternative honnête de ma part. Je raconterai les mésaventures causées par cette plateforme. Il sera peut-être indulgent. Je partageais cette information avec Monique et nous voilà reparties sur Marjorie et Sylvie. Les critiques allaient bon train de sa part, je compris très vite que leurs implications ne lui plaisaient pas. Au bout de quelques minutes, Marjorie ne tarda pas à renvoyer le fichier. Quelques minutes après, Marjorie transmit le document.
Je rayonnais, l'huissier acceptera peut-être enfin ce papier. Il le fallait. Mes nombreuses réclamations n'aboutissaient à rien. J’avais pourtant expliqué mon problème et l'importance de cette démarche auprès de Leetchi. Ce retard agaça plus d'une personne. Monique me demanda la raison de mon sourire. Mon côté rêveur surgit de nouveau pour établir de nouveaux projets.  C'était précoce.  Je gardais depuis toujours la foi, à cette occasion, Monique qui me rappela le forum des associations et de me présenter pour dénicher des adhérents. Avec un peu d’espoir, verrais-je monsieur le maire ou un de ses conseillers municipaux pour toucher un mot sur une éventuelle aide de leur part ? Il fallait trouver un moyen de prouver que j'étais apte. Ma conduite jusqu'ici démontrait un indéniable laisser-aller, je réagissais uniquement dans l'urgence. 
La voiture jaune de la poste interrompit mes échanges. Depuis un certain déjà, la visite du facteur augurait de nouvelles factures. Sa visite ne dérogea pas à la règle. Il sonna à la porte et me fit signer un pli en recommandé. J’eus une sueur froide en voyant le nom de l’expéditeur, Maître Lasdent, Huissier de justice ! J’ouvris le pli.
 
« Par cette lettre, nous vous sommons de régler le montant de 35000 euros dont vous êtes redevables, sans réponse de votre part d’ici deux mois, vos biens seront saisis et vous serez expulsée » 
 
La lettre tomba en tourbillonnant vers le bas. Qu’allaient devenir tous mes animaux ? Sans toit, je ne pouvais plus les protéger. Je n’avais plus le choix, il me fallait passer par l’intermède de Michel et obtenir son aide pour bénéficier d’une subvention de la mairie. Son invitation que je cherchais désespérément à éviter était indispensable pour la pérennité de mes animaux. Monique m’interrogea sur le contenu de mon courrier même si elle devinait qu’une mauvaise nouvelle survenait. Triste, sans pouvoir prononcer un mot, Monique ramassa la feuille et lut.
Déstabilisée et un peu paumée, je ne savais plus comment agir ? Juste avant, Monique me suggéra de m’adresser au maire, si cela pouvait déboucher sur une victoire, je serais apaisée. Monique appuya dans ce sens et je ne désapprouvai pas.
 
Je devais m'inscrire et candidater auprès de la mairie, la secrétaire Maryline me présenterait les faits ainsi. Je pris un rendez-vous avec le maire. Il était possible d'un refus et je ne rentrerai pas dans leurs critères. Normalement, c'était pour des activités de loisirs ludiques. Mon désir était de mettre toutes les chances de mon côté et penser à mon avenir.
À mon entretien avec le maire, je ne lui apprenais rien sur ma situation. Je lui racontai la raison de ma demande. Le but était de me faire connaître davantage dans ma ville et de mon engagement afin d’obtenir de nouveaux souscripteurs. Mes recettes étaient souvent dans le rouge. Sa réponse fut favorable à ce sujet. Puis, je lançai par hasard sur l’éventualité d’une contribution de la part de la mairie. Cela ne faisait pas partie de ses priorités particulièrement, c’était à étudier et il ne pouvait pas répliquer dans l’immédiat. Il me donna quelques pistes pour avancer, mais ses informations ne me servaient à rien, j’en avais déjà connaissance. Je le remerciais chaleureusement. En sortant de son bureau, je passai devant Maryline en la saluant de la main. Elle était occupée et je ne pouvais pas m’attarder. Dès mon retour, je pus mettre au courant mon équipe.
 
 
 
 
                                      




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