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" Mais vous ne voudrez pas savoir ... "

" Mais vous ne voudrez pas savoir ... "

Publicado el 18, jul, 2025 Actualizado 18, jul, 2025 Crime stories
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" Mais vous ne voudrez pas savoir ... "




La voiture banalisée approchent de la masure, mirage ondulant sous l’implacable chaleur estivale. Le temps du trajet s’est étiré le long du chemin sinueux et cahoteux, serpent de terre devant lequel la Clio n’a semblé cesser de bondir de frayeur aux abords de chaque écaille de rocaille.


Aleth, bien plus calée dans ses pensées anxiogènes que sur son siège passager, tourne la tête vers Vincent Gauffret. Elle salue intérieurement la faculté du première classe, rarissime dans son cadre professionnel : sa présence est silencieuse et ne l’encombre pas.

Faculté bénie. Surtout depuis hier. Depuis que quatre morts viennent lui raconter à tour de bras, à la table de ses projections, mille versions sur les raisons de leur assassinat.


Surtout aujourd’hui, depuis qu’ils pratiquent cette piste tortueuse et sans fin, qui lui donne l’impression de cheminer à nouveau - la chape de chaleur en moins - sur celle de son enfance. Celle qui mène à des terres reculées, érodées d’humanité où pourtant vivent quelques hommes. Des regs de civilisations abruties par l’isolement, reliés au commun des mortels par un semblant de sentier délibérément récalcitrant aux visites impromptues. Des terres où les fillettes ne devraient pas grandir. Mais quand elles y grandissent, c’est au mieux les jambes nues et écorchées par les schistes tranchants et soumise aux luttes avec l’impétueux Gwalarn …


*


Aleth, pour couper court à son apnée mémorielle, fait l’effort de détourner ses pensées sur les saillies tourmentées que présente le large front de Gauffret. Quinqua en reconversion après changement de vie dont elle ne sait pas grand-chose, il accepte la leçon sans chigner et ça, ça la soulage. Voire l’avantage tous les jours dans ses missions.


Il se parlent peu. Vraiment très peu. Mais sans gène, naturellement. Et cela instaure depuis le début de leur collaboration un climat atypique qu’elle n’a encore jamais connu : c’est un peu comme si tous les deux partaient du principe qu’ils étaient toujours d’accord sur tout.


Il ne cherche pas à l’impressionner. Ni à montrer qu’il sait mieux qu’elle, ce qui ne peut être le cas mais qui arrive si fréquemment chez les nouvellement arrivés masculins, la plupart n’appréciant pas qu’une brigadière-cheffe les commande.


Gauffret n’a normalement pas son avis à donner mais parce qu’il reste humble sans feinte, elle lui fait comprendre qu’il peut. Alors quand il le donne, elle en tient compte. Leur confiance se renforce depuis trois mois dans cette estime invisible, - et certes, ... très, très peu verbalisée -, mais pourtant bien réelle.


*


C’est là la stratégie mise-en-place par les têtes haut placées : faire défiler les nouveaux au sein de sa brigade. Les faire passer à la moulinette d’Aleth, comme elle a souvent pu l’entendre, au plus soft des expressions relevées derrière son dos.

Elle est celle qui évalue les débutant.e.s. Cette évaluation débouche sur un rapport, au bout de quelques mois, libellé par son appréciation sans concession qui vise juste : qui est juste, c’est comme ça. Là-haut, ils y ont vu depuis longtemps leur intérêt.

En gros, sans les termes protocolaires dévolus à la bienséance, sa tâche consiste à classer les cobayes dans Fait le job, Récupérable ou Connard fini. Durant toute sa carrière, elle n’a pas encore eu à ranger un élément féminin dans cette dernière catégorie et donc pas eu besoin d'en remanier mentalement le titre.

Lesdits sujets d’étude sont alors déplacés où leur trait dominant sera le plus utile. Car l’ordre public ne fait aucunement la fine bouche devant la nécessité du ravitaillement en humains, même s’il s’avère douteux ou avarié.

Elle est donc un des réactifs dans les tubes à essai de la hiérarchie. C’est le rôle qu’elle a accepté d’endosser pour pouvoir travailler à l’échelon où elle exerce aujourd’hui dans une relative considération et liberté. Pour une femme.


Quand elle en fait la demande et après s’être assurée de leur aval, de très rares recrues sont intégrées plusieurs années à la brigade. À celles-là seulement, elle donne à voir un peu de la vraie Aleth. Les traits se dérident, les échanges se détendent. Mais surtout, chaque individu sait qu’il peut dès lors s’en remettre aveuglément à elle et à ses pairs. C’est l’autre aptitude que l’on reconnaît à Aleth : chaque membre de son équipe devient et se sait molécule d’ADN d’une entité qui les dépasse. Une fois intégré.e à la brigade d’Aubenas, vous n'êtes plus jamais seul.e.

Pour cette raison, un départ de la brigade est toujours une coupure qui cicatrise mal. Pour cette raison, Aleth ne sélectionne que très rarement du sang nouveau.


*


Ils sont bientôt arrivés mais ses yeux jaugent encore pendant quelques secondes le pouls de Gauffret : pulsation puissante et régulière sur son cou rougeoyant et dégoulinant. Son instinct liste depuis des jours ses impressions : « Oui … Il fait le job … On verra ... »


*


Le première classe stoppe la voiture à quelques mètres de la bâtisse, comme prévu. Quatre meurtres reliés les uns aux autres, en l’espace de 24 heures, avec un seul suspect pour dénominateur commun : on est loin d’un coup de sang. Se dessine au contraire le filigrane d’une toile complexe.

Les deux descendent en échangeant seulement un regard de connivence, synonyme d’un O.K, on avance. Arrivés près de la porte d’entrée, un mot punaisé dessus les accueille :


« Vous pouvez entrer. Adèle. »



Adèle. Adèle Pierson, la mère du suspect …


Deuxième échange de regard : Ça, c’était pas prévu … Par gestes, Aleth demande à Gauffret de communiquer sans bruit avec les membres d’un autre escadron, afin de les tenir au courant de la situation et les enjoindre de venir leur prêter main-forte.


Quand il a fini de textoter, il sort à son tour son arme. Aleth, avec précautions, ouvre la porte qui donne directement dans une cuisine, au plafond bas, étouffé d’ombres sentant le ranci, entre des murs où la canicule elle-même peine à faire une percée.

Son regard se pose immédiatement sur un autre mot posé en évidence juste en bout d’une table rectangulaire surdimensionnée.


Troisième échange de regard. Gauffret, la tête penchée sur le côté, semble dire Là, ça sent vraiment le traquenard, non ? Aleth ne peut qu’exprimer dans un mouvement horizontal du menton sa méfiance Argh oui là, faire gaffe, ça pue ...


Le mot est en réalité une lettre où court une écriture appliquée. Elle débute par deux premières phrases en majuscules, et de ce fait, visibles de loin. Ces phrases annoncent :


« JE SUIS DANS LA CHAMBRE EN FACE DE VOUS. JE SUIS MORTE. »






Les deux collègues relèvent simultanément la tête, les yeux écarquillés, un peu estourbis par la découverte et trouvent réconfort à s’appuyer sur le regard de l’autre. Toujours simultanément, ils tournent la tête vers ladite chambre.


Aleth prend les devants, Gauffret la couvre. La porte n’est pas fermée et ne nécessite pas un fort coup de pied pour l’ouvrir en grand.


La septuagénaire est allongée sur le lit les mains jointes. Elle est habillée d’une robe noire qui recouvre impeccablement ses jambes, les cheveux coiffés en tresses remontées sur le côté. Le soin à sa personne dénote sa volonté d’être convenable en prévision d’une visite, que ce soit la leur … ou celle de la mort.


Aleth s’approche pour tâter la raideur du corps et en chercher le pouls éventuel, du bout des doigts, avec dans l’autre main, son arme dirigée au plafond mais toujours en alerte.


Aucun pouls : la morte n’a pas menti.


Aleth reste un temps à analyser les détails de la scène. Les quatres plaquettes métallisées entièrement évidées de leurs somnifères manquants, les quelques pétales au pied d’un vase où des roses plient depuis peu leur frêle nuque, les volets ouverts, la bougie consumée …


Elle sait que Gauffret analyse, lui, son attitude à elle. Il l’attend et lui laisse tout le temps dont elle a besoin pour assimiler les indices, sans jamais l’interrompre.


Elle finit par partir à reculons afin d’enregistrer en grand angle la scène : la porte droite de la vieille armoire, ouverte et laissant apparaître six pauvres cintres, épouvantails vêtus de tenues sombres. Mais surtout dérobant ainsi la glace au dos de la porte, qui réfléchit quelques éclats du soleil sur la vitre adjacente. Dérobant en conséquence à la personne allongée sur le lit, - sous l’imposant crucifix -, son propre reflet :


« Oui, bien sûr ... Provoquer l’heure de sa mort n’empêche pas de craindre l’identité de l’émissaire qui viendra vous chercher … »


*


Une fois hors de la chambre, Aleth enfile un gant en latex, soulève légèrement la lettre entre Gauffret et elle, tandis qu’elle se penche dessus. Gauffret comprend et lit en même temps qu’elle :




« JE SUIS DANS LA CHAMBRE EN FACE DE VOUS. JE SUIS MORTE.


Je me suis donnée la mort mais j’écris ces mots parfaitement lucide.

Je sais que vous venez pour mon fils, Claude.

Il est parti. Loin ou pas. Peu importe, vous ne le retrouverez pas.

Nous savons disparaître, nous autres. Dès la naissance, nous avons appris. Avant que vous fassiez de nous des invisibles.


Je sais que vous le pensez coupable des quatre récents assassinats.

Vous avez torts. Claude a bien tué le Docteur France. Mais pas les trois autres. Les trois autres, c’est moi.


Claude a tué cet homme mais d’autres l’avaient tué, lui, bien avant. Et le docteur France en faisait partie. Mais vous n’avez pas voulu savoir.


Les raisons de ces meurtres, puisque c’est ça et seulement ça que vous êtes venus chercher, vous en trouverez une partie dans vos archives, des années en arrière, conservées sans peur du scandal. Pourquoi faire ? Vous n’avez pas voulu savoir. Personne ne le veut. Jamais.


Ils jugeront nos crimes, pas les leurs. Ceux qui nous jugeront seront ceux qui savaient mais qui ont fermé les yeux. Sont-ils moins coupables que nous et le sang sur nos mains ?


Mais vous, comme le grand public, vous ne voudrez toujours pas savoir. Oh non, jamais personne ne veut savoir.


Alors, laissez mon corps pourrir en terre païenne. Celle-ci-même. Pourrir sur cette terre fut déjà mon sort vivante.


Et abandonnez l’idée de rattraper Claude. Vous n’y arriverez pas. Il court depuis ces premières heures où vous n’avez pas voulu savoir. Il court où vous n’avez pas voulu aller le tirer de là. Il est perdu pour vous. À cause de vous. Mais il ne tuera plus.


Et sachez ceci : quiconque tenterait de le rattraper serait obligé de savoir. Et dès lors, obligé de courir comme lui. Jusqu’à la mort.


Mais vous ne voudrez pas savoir … Non. Car personne ne le veut jamais.


Adèle Pierson.»


*



Au moment où Gauffret relève son visage, il voit celui d’Aleth Mordrelle, aussi creusé et cireux que le masque mortuaire de la défunte. La seconde d’après, il note sa posture inhabituelle : le corps de la brigadière-cheffe penche légèrement et menace de tomber d’un bloc comme lesté au-dessus d’une falaise. Du côté de sa falaise !

Il empoigne sans hésiter sa collègue et l’entraîne à l’extérieur, sous les uppercuts aveuglants du soleil, misant tout sur l’électrochoc lumineux et la transition de température. Il aboie :


« Hé ! Mordrelle ! »



***



Sa responsable est assise sur le banc juste à droite de l’entrée, légèrement protégé de la chaleur par l’avancée du toit. Après lui avoir donné à boire sa gourde et le reste de la sienne et s’être assuré qu’elle ne tomberait pas plus bas, Gauffret a pris l’initiative d’inspecter rapidement la maison, pour vérifier qu’il n’y avait aucune autre présence - précaution dont ils auraient dû s’acquitter avant même la lecture de la lettre …


Il retourne maintenant à la voiture. Après son cri arraché aux entrailles des cavernes, la déshydratation prolongée durant cette calcinante matinée tout droit sortie des Enfers et le poids nauséeux des allégations accusatrices de la morte, il lui semble que c’est à coups de tessons sur un tableau noir que sa voix notifie à ses collègues via les ondes, le cadavre et la situation. Ce faisant, il ne perd pas de vue Mordrelle.

Il vient de se passer quelque chose qu’il comprend comme ne le regardant pas. Mais il ne peut s’empêcher de voir Mordrelle autrement. Il sait cette femme fiable comme une boussole qui ne démordra jamais du Nord. Mais cette femme n’est qu’une femme ... Pour la première fois, il la voit … friable. Et spontanément, il a envie de tenir ses mains en coupe sous les bouts qui se détachent, pour pas qu’ils s'éparpillent et ne se perdent.


*



Aleth reste figée les avant-bras sur les cuisses, le képi entre ses mains crispées. Elle ne s’est pas totalement évanouie. Jamais elle ne s’évanouit. Son corps éjecte systématiquement cette option : sombrer dans l’inconscient est bien trop dangereux.

Elle s’attend à voir surgir incessamment le véhicule de la brigade qu’elle sait en approche.

Elle a hâte et à la fois, elle redoute ce moment, paralysée en même temps que fascinée par cette paralysie qui l’accable.

Elle sent qu’il lui faudrait une main tendue pour échapper à ce qui la happe, une brisure de l’emprise des mots de la femme qui sont venus ouvrir en elle un itinéraire qu’elle ne veut pas emprunter. Les schistes, le Gwalarn … Elle ne veut pas, elle ne peut pas l’emprunter … Pas maintenant !

Elle échappe son képi et l’ombre de Gauffret vient se planter, imposante, devant elle. Il se penche avec une dextérité qui contraste avec son corps massif et le lui tend volontairement encore à demi-courbé, afin de lui tendre également son regard, sur lequel elle peut une nouvelle fois prendre appui.

Il hoche la tête, elle aussi, même si aucun ne mentalise vraiment à quoi peut répondre ce oui.

Au loin, dans un nuage de poussière, un boîtier de vitesse malmené éructe.

Abritée par l’ombre apaisante de Gauffret, Aleth trouve enfin la force de s’extraire de sa torpeur et se relève. Elle ajuste son képi tandis que Gauffret attend comme toujours son élan à elle, pour aller à la rencontre des autres.


Tandis qu’elle marche en direction du véhicule en approche, elle reprend sa stature, se redresse au fur et à mesure, malgré des premiers pas coûteux et l’amertume qui plombe encore sa bouche … Ses autres collègues n’y verront que du feu, elle sait qu’elle peut mettre un temps de coté l’incident.

Mais une pensée l’habite tout entière, - et peut-être en parlera-t-elle avec Gauffret maintenant que ... Peut-être ...

Elle repense au geste du première classe, aux renforts enfin en approche et à l’histoire encore nébuleuse de cette famille. Et elle songe ou plutôt elle a cette extrême conscience que toute vie ne se résume finalement qu'à cette seule destination :



« ... une vie à attendre les secours. »





B.O. : https://youtu.be/xTFeRjTzBUM?si=BCEoCLreGzo9Aat5


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Comentario (2)

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Jackie H verif

Jackie H hace 9 horas

Saisissant... et la BO est de circonstance 😯

À lire sur ordi avec un onglet supplémentaire ouvert pour écouter la BO pendant qu'on lit le texte 🙂

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