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L'Egorgeur : Chapitre 8

L'Egorgeur : Chapitre 8

Publicado el 22, dic, 2024 Actualizado 22, dic, 2024 Crime stories
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L'Egorgeur : Chapitre 8

Le Commissaire Demesy ne manqua pas d’être interpelé par la situation originale de l’institut médico-légal de Valgorge. Pour y accéder, il fallait pénétrer l’enceinte d’une Maison d’Accueil Spécialisée au cœur d’un environnement très champêtre. La D24 qui assure la liaison avec Vallon-Pont-d’Arc est évidemment une petite route de montagne toute en lacets.

— À ce stade, c’est plus du meurtre ! C’est de la gloutonnerie. J’espère qu’il va s’arrêter-là pour cette semaine.

Le légiste, qui venait d’accueillir les deux enquêteurs sur ces mots, collait presque trop bien à l’image que certaines séries à succès véhiculent. Le tout poussait Demesy à se dire que si on avait voulu le raconter dans un roman policier, on n’aurait pas fait mieux.

— C’est habituel de voir la Police Judiciaire et la Gendarmerie faire équipe ?

— Disons que ça fait ardéchois, répondit le Commissaire avec cette désinvolture que nous lui connaissons déjà.

Le médecin pinça les lèvres et plissa les yeux quelques secondes avant de changer de sujet :

— Le juge d’instruction n’est pas encore arrivé. Je vous offre un café en attendant ?

Le chant magique de la cafetière contribua à faire apparaître le Juge Valentin Perrier. Un jeune juge dynamique qui avait une requête personnelle à présenter. A après les présentations d’usage, il sorti un livre assez épais de son sac :

— Avant de passer aux horreurs qui nous rassemblent ici, Commissaire, puis-je vous demander de dédicacer cet exemplaire ? C’est pour faire une surprise à ma mère.

— Vous avez écrit un livre, s’enquit le légiste avec curiosité ?

— Non, répondit le Commissaire. C’est un livre sur l’affaire Georges Michel. J’y apparaît, mais je n’en suis pas l’auteur.

— Georges Michel ? C’était votre enquête ? Je me disais bien que j’avais déjà vu votre nom quelque part ! C’était une sacrée affaire !

Un Commissaire qui signe des autographes comme une star de cinéma… Et si nous entrions plutôt dans le vif du sujet ? Nos protagonistes sont venus pour les conclusions orales d’une autopsie, par pour des mondanités autour d’une tasse de thé ! Pardon… de café. (Mais c’est pareil. Ce ne sont jamais que des végétaux et de l’eau chaude.)

Les résultats de l’autopsie, donc. Ceux qui pensaient échapper à la traditionnelle scène dans une salle carrelée, avec des tables d’examen en inox vont être déçus. En plus, nous ne parlons pas d’un, mais de quatre cadavres. Quatre cadavres, quatre hommes, égorgés dans un petit hôtel tranquille de Vallon-Pont-d’Arc. Un crime d’opportunité, peut-être ? Seule l’enquête nous le dira.

Bien sûr, l’autopsie confirmait les premières constatations faites sur place par la Gendarmerie. Mais cela n’est pas un scoop. Et ce n’est pas non plus ce qui intéressait le Commissaire Demesy. Par contre, le couteau saisi sur Di Bacco pourrait correspondre à l’arme du crime.

— Et je vous confirme l’absence de blessures défensives chez les quatre victimes. Le meurtrier a obtenu leur docilité d’une manière ou d’une autre, précisa le légiste à l’issue de son exposé sur l’examen externe.

— Et avez-vous déterminé comment le tueur a pu obtenir la docilité de ses victimes, demanda le Juge Perrier ?

— Pas de trace de drogue dans le sang. Juste de l’alcool et pas en quantité suffisante pour obtenir une apathie suffisante.

— Et vous confirmez que le chloroforme trouvé sur les scènes de crimes n’a pas pu servir à endormir les victimes ?

— Ah c’est certain, Monsieur le Juge ! Déjà, cela aurait laissé des traces d’irritation ici, répondit le légiste en désignant la zone du visage où le tissu imbibé de produit aurait dû être appliqué. Et le temps que le chloroforme agisse, les victimes se seraient débattues. Ce qui n’est à l’évidence pas le cas. Je pense que le Commissaire sera d’accord avec moi sur ce point.

Emile confirma avant de poser la question qui lui brûlait les lèvres :

— Et du GHB ? Le délais entre les meurtres et l’autopsie me paraît suffisant pour que la substance soit indétectable.

— Vous avez raison sur ce point, Commissaire. Mais avec le GHB, il faut pouvoir maîtriser le délai entre le moment où il est administré et le moment où l’on commet le crime.

— Les quatre victimes auraient été aperçues au bal des pompiers où on a très bien pu en verser dans leur verres sans se faire remarquer. Et nous savons qu’au moins l’un d’eux avait prévu d’y assister. Mais plusieurs témoins ont des trous de mémoire.

Le regard du légiste, s’illumina.

— Vous voulez dire qu’il y aurait plusieurs cas d’amnésie partielle chez les participants au bal ?

— Je crois que c’est ça, confirma le Brigadier Mandolini.

— Mais ça change pas mal de choses ! Il existe des substances chimiques qui finissent par se métaboliser en GHB dans l’organisme et qui agissent bien plus longtemps. Si votre tueur trouve un moyen de l’administrer à grande échelle pendant le bal des pompiers, il n’a plus qu’à attendre que ses victimes regagnent leur hôtel au fur et à mesure pour opérer sans être inquiété.

— J’ai lu un truc sur le sujet, intervint Perrier. Le GBL, si je me souviens bien.

— Oui, le GBL est connu pour cet effet. Mais son dosage est délicat et le goût est atroce.

— Et une autre substance ?

— Pourquoi pas le 1,4 BDO ? Ça ressemble beaucoup à l’alcool. Ce qui est normal car c’en est un, chimiquement parlant.

— Et on en trouve facilement ?

— C’est un solvant industriel assez répandu. On s’en sert notamment comme diluant pour les résines époxy. Et aussi comme drogue récréative.

Le Juge Perrier se tourna vers Mandolini :

— L’arme présumée du crime est celle du suspect que vous avez en garde-à-vue ?

— En effet. Et il y avait aussi une veste tâchée de sang.

— Ah la veste ! Ne m’en parlez pas, intervint le légiste. C’était coton à examiner ! Presque inexploitable d’ailleurs. Plusieurs groupes sanguins sont mélangés.

— Mais ce serait recevable comme preuve circonstancielle ?

— J’ai besoin de plus de temps pour le dire.

— Bien, déclara le Juge. Je vais entendre ce monsieur avant midi.

— Le mode opératoire qui se dessine me semble trop élaboré pour Di Bacco, se risqua à remarquer Demesy.

— Merci, Commissaire. Je garde ça dans un coin de ma tête. Mais je me ferai ma propre idée.

Cet entretien terminé, le Commissaire et le Brigadier regagnèrent le véhicule de gendarmerie avec lequel ils étaient venus.

— On pourrait peut-être rendre visite à la mère de Di Bacco. Ce ne ferait pas un très grand détour.

— Bonne idée, Mandolini.


Photo couverture de Craig Whitehead sur Unsplash

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