13. Les femmes de ma famille
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13. Les femmes de ma famille
Toutes les femmes de ma famille ont laissé faire par pression sociale, pression familiale, éducation, parce que c'était comme ça : elles se sont toutes laissé baiser. Elles ont dû laisser à d’autre le soin de s’occuper de leur chatte, de leur minou.
Cette image de félin prédateur, avec des crocs, des griffes, ressemble à un danger. Ça a amené les hommes à vouloir le dompter, le mater, car ils en ont peur. La verge dressée est taguée sur tous les murs des villes, une vulve jamais. Le coquillage est dangereux, sombre, ça crache de l’eau et du sang, ça aspire des bites puis expulse des enfants et des placentas.
A croire que ce qui se passait dans les vagins des femmes de ma famille, dans leur ventre, dans leur utérus était l'affaire de tous ; une grand-mère se faisait violer (viol conjugal dans les années 40) et avorter plusieurs fois dans des conditions terribles ; une autre grand-mère en dépression vivait un déni de grossesse avec un fœtus qualifié le fibrome par le médecin de famille ; ma mère qui avait une méconnaissance totale de son corps, est tombée enceinte au premier rapport sexuel à vingt ans. Pas d’enfant sans mariage, direction avortement forcé aux aiguilles à tricoter, à la lampe torche, sur une table de cuisine en Belgique ;
Moi dès mes 3 ans, je me suis faite dévisager, toucher, froler, humilier et terroriser par un grand-père (le violeur) pervers sexuel, je me suis laissé traiter de putain par l’autre grand-mère, et sauter dans les chiottes des boîtes de nuit par n’importe quel connard venu. Mariée je me suis laissé habiller, déshabiller et baiser quand je n’'en avais pas envie, je ne me suis pas enfuie tandis que je disais « non non non ».
J’ai l’impression qu’il y a comme un ancrage (sociétal et familial) chez les femmes de ma famille que notre con appartient aux hommes, appartient aux autres avant de nous appartenir à nous-mêmes.
Le terme con vient du latin cunnus (« gaine, fourreau »). Vers le 19° siècle, il devient une injure, une vulgarité. L'emploi était alors misogyne, exploitant l'impuissance et la passivité prétendues du sexe féminin dans l'imaginaire collectif, réduisant la femme à sa seule fonction sexuelle, procréatrice, sujette de la domination. Patriarcat. On peut même établir un parallèle avec le viol comme arme de guerre : elle est un con.
Object de fascination, de désir et de choc moralisateur, le tableau de Courbet « l’origine du monde » a toujours été caché depuis sa création, ça m’interpelle.
Avant sa première exposition publique en 1988 à New York, le tableau est acheté par Jacques Lacan et sa compagne Sylvia Bataille, l’ex-femme de Georges Bataille en 1955. Accroché dans leur maison de campagne, le tableau est caché derrière un autre tableau commandé à André Masson pour l’occasion. Le peintre surréaliste reprend les courbes du nu de Courbet et compose un paysage érotique qu'il appelle “Terre érotique”.
La notice du musée d'Orsay stipule que “grâce à la grande virtuosité de Courbet, au raffinement d'une gamme colorée ambrée, L'Origine du monde échappe cependant au statut d'image pornographique.” On est pas passées loin les filles. Ah ben si, Google a pas compris, lui.
***
Moi, je suis fatiguée, je suis en cicatrisation, je suis en reconstruction.
Je me roule en boule sous la couette et j'attends que ça passe, que le temps passe.
Je veux dormir, dormir, dormir. Je me sens vulnérable.
L'angoisse m’étreint par moments ; j'ai beau respirer, rien à faire.
Et en même temps j’ai la certitude de m’être sauvé, d'être là où il faut dans cet appartement qui me donne de la sécurité, de la lumière, ce sentiment de protection.
André Masson, Terre érotique (masque de l’Origine du monde ), v. 1955 (coll. part.).